Sommaire
IUne comédie ?IILes éléments baroquesIIILe libertinage : la liberté ?IVLe châtiment divin : une fin morale ?VUne pièce satiriqueDom Juan
Molière
1665
La pièce s'ouvre sur Sganarelle, valet de Dom Juan, qui fait un éloge du tabac. Il discute ensuite avec Gusman, valet de Done Elvire (femme de Dom Juan), et lui explique que son maître a abandonné son épouse pour partir à la conquête d'autres femmes. Dans la scène suivante, Sganarelle est avec Dom Juan et, à sa demande, admet qu'il ne valide pas son comportement. Dom Juan fait l'éloge du libertinage, Sganarelle explique qu'il a peur de la punition divine qui frappera son maître. Don Elvire arrive alors et confronte son mari. Dom Juan tente de justifier ses actions, mais elle comprend qu'il lui ment. Elle espère qu'il sera puni.
À la campagne, Pierrot et Charlotte, deux paysans fiancés, discutent de leurs sentiments. Pierrot a sauvé deux hommes qui manquaient de se noyer, Dom Juan et Sganarelle. Lorsque Dom Juan voit Charlotte, il la séduit et lui promet le mariage, ce qu'elle accepte malgré son engagement envers Pierrot. Ce dernier, après s'être battu avec Dom Juan, décide d'aller avertir la tante de Charlotte. Malthurine, une paysanne que Dom Juan a séduite avant de rencontrer Charlotte, arrive. Dom Juan, dans une scène qui repose sur de nombreux quiproquos, parvient à assurer les deux femmes de son amour en leur faisant croire qu'il n'aime pas l'autre.
Dom Juan apprend que des hommes le cherchent. Il se déguise en paysan, et Sganarelle en médecin. En chemin, ils rencontrent un pauvre homme. Dom Juan se moque de ses croyances religieuses et lui propose de l'argent s'il accepte de jurer. L'homme refuse, mais Dom Juan lui donne tout de même une pièce d'or et va défendre un homme qui se fait attaquer. Cet homme est Dom Carlos, frère de Don Elvire qui cherche Dom Juan pour venger sa sœur. Dom Juan ne révèle pas son identité, mais promet que si Dom Carlos lui donne un lieu et une date, il lui apportera l'homme qu'il cherche. Dom Juan et Dom Carlos rejoignent la ville. Dom Alonse, un autre frère de Don Elvire, reconnaît Dom Juan. Il veut le tuer, mais Dom Carlos l'en empêche, car il lui doit la vie. Les deux frères décident de laisser quelques jours à Dom Juan avant de le poursuivre.
Dom Juan retrouve Sganarelle. Ensemble, ils tombent sur un mausolée construit par le Commandeur, un homme que Dom Juan a tué. À l'intérieur il y a une statue du Commandeur. Dom Juan demande à Sganarelle d'inviter la statue à dîner pour plaisanter. Sganarelle s'exécute, et la statue hoche la tête. Sganarelle est terrifié, Dom Juan garde son calme.
Sganarelle ne cesse de parler de la statue, Dom Juan assure que ce n'était rien et menace de battre son valet s'il ne cesse d'en parler. Un certain M. Dimanche vient voir Dom Juan. Ce dernier ne le laisse pas parler (il vient récupérer de l'argent que Dom Juan lui doit), et le met dehors sans qu'il ait pu réclamer son dû. Le père de Dom Juan, Dom Louis, vient ensuite pour faire la morale à son fils, qui ne l'écoute pas. Don Elvire arrive ensuite. Elle annonce à Dom Juan qu'elle ne l'aime plus mais vient pour le sauver. Il faut qu'il se repente de ses péchés, autrement Dieu le punira. Dom Juan tente de la séduire et elle part. Un autre invité arrive, cette fois c'est la statue. Sganarelle est effrayé, Dom Juan fait comme si tout cela était normal. La statue annonce qu'elle est envoyée par Dieu.
Dans le dernier acte, Dom Juan fait semblant de se repentir auprès de son père, qui lui pardonne son comportement. Il avoue ensuite à son valet qu'il fait l'hypocrite, comme tous les hommes aujourd'hui. Il se lance dans un éloge paradoxal de l'hypocrisie. Il annonce qu'il continuera à être libertin, mais le cachera mieux qu'avant. Dom Juan retrouve ensuite Dom Carlos, il lui annonce que Dieu lui demande de rester seul. Dom Carlos ne croit pas à la transformation de Dom Juan. Il lui assure qu'il le retrouvera et le tuera. Sganarelle essaie de raisonner son maître qui ne veut rien entendre. Un fantôme arrive alors, et attend que Dom Juan se repente. Ce dernier refuse et s'enfuit. La statue du Commandeur apparaît alors, elle arrête Dom Juan et le tue. Sganarelle, seul sur scène, se lamente car son maître ne l'a pas payé avant de mourir.
Une comédie ?
Dom Juan est une comédie, mais elle ne respecte pas les règles du théâtre classique. L'histoire se déroule sur plus de vingt-quatre heures. Il y a plus d'un lieu, puisque Dom Juan et Sganarelle voyagent dans la pièce ; on les voit à la campagne, sur la route, au mausolée du Commandeur, au château de Dom Juan... Par ailleurs, il y a plus d'une intrigue (les frères de Don Elvire qui poursuivent Dom Juan, la conquête des paysannes par Dom Juan, la statue du Commandeur, le père de Dom Juan qui reproche son comportement à son fils...). Les unités de temps, de lieu et d'action ne sont donc pas respectées.
Pareillement, la comédie a des airs tragiques. En effet, plusieurs scènes dans la pièce annoncent le châtiment divin qui va tomber sur Dom Juan. Plusieurs personnages lui promettent une punition divine (Sganarelle, Don Elvire, Dom Carlos, le fantôme, la statue). Si la pièce se termine sur une touche comique avec Sganarelle, il n'en reste pas moins que le héros éponyme de la pièce est tué, sur scène, ce qui ne respecte pas la règle de bienséance. Cette comédie classique est donc complexe et ambiguë.
Les éléments baroques
La pièce a des accents baroques. Le baroque est un mouvement artistique qui s'appuie sur l'exagération. Au théâtre, cela se traduit par un foisonnement de décors, l'exacerbation des sentiments, la surprise.
Dans la pièce, les éléments baroques sont liés au surnaturel. En effet, la statue qui bouge, le fantôme qui apparaît, le châtiment divin de Dom Juan sur scène, sont des éléments baroques. Il y a également de nombreux retournements de situation qui créent la surprise chez le spectateur. Dom Juan lui-même ne cesse de changer de comportement, de prendre des masques. La pièce s'inscrit dans un mouvement perpétuel, avec Sganarelle et son maître qui voyagent jusqu'à retourner au château. Pour finir, la pièce aborde le thème de la fatalité de la mort. Ce thème fait également partie des caractéristiques du mouvement baroque.
Le libertinage : la liberté ?
La pièce pose la question de ce qu'est le libertinage, et si cela mène réellement à la liberté. Dom Juan n'est pas simplement un libertin en amour, c'est un libertin de mœurs. Il n'est pas simplement un grand séducteur, il est un homme d'esprit qui questionne tout, qui refuse les règles qu'on lui impose.
Dom Juan ne croit pas en Dieu, c'est un athée. Il qualifie la religion de "billevesées". Non seulement il ne croit pas en Dieu, mais il le défie. C'est pour cela aussi qu'il séduit des femmes, qu'il demande au pauvre de blasphémer, qu'il refuse d'avoir peur de la statue : Dom Juan ne veut pas croire en quelque chose de plus grand que lui. Il fait preuve d'hybris (démesure). Toutefois, on peut remettre en question la liberté que Dom Juan proclame avoir. C'est un homme seul, qui s'est coupé de tous. Il n'a que Sganarelle à qui parler, valet qui le craint plus qu'il ne l'aime. Dans sa tirade sur l'hypocrisie, Dom Juan se montre plus désabusé que convaincu par son discours.
Le châtiment divin : une fin morale ?
Dom Juan meurt à la fin de la pièce, tué par la statue du Commandeur. C'est un châtiment divin, qui a été annoncé dès le début de la pièce. Sganarelle le précise bien dans le dernier acte, Dom Juan est puni pour ses péchés.
Cette fin semble souligner que Molière a choisi de punir son personnage, qu'il condamne le libertinage. La pièce paraît donc moralisatrice. À son époque, Molière doit obéir à certaines règles. Si Dom Juan ne se repent pas, il doit mourir, autrement cela est contraire à la morale. Par ailleurs, Molière n'a pas dressé un portrait très positif des autres personnages de la pièce. Même si Dom Juan meurt, ses critiques de la religion, et sa peinture d'une cour royale hypocrite, restent des dénonciations de la société française. La tonalité tragique de la pièce permet aussi d'affirmer que le dramaturge ne condamne pas complètement son héros. La fin est donc ambiguë.
"Voilà par sa mort un chacun satisfait : Ciel offensé, lois violées, filles séduites, familles déshonorées, parents outragés, femmes mises à mal, maris poussés à bout, tout le monde est content".
Molière
Dom Juan
1665
Une pièce satirique
Molière fait une satire de sa société. Il se moque des médecins, comme il l'a souvent fait (Le Malade imaginaire, Le Médecin malgré lui...). Cette satire passe par le déguisement, avec Sganarelle, valet superstitieux, qui porte le costume de médecin. Dom Juan à cette occasion explicite ce qu'il pense de la médecine, la comparant à une illusion. Il suffit d'avoir le vêtement pour être médecin. La médecine n'est qu'une croyance.
La cible première de Molière dans la pièce est la religion. Dom Juan se moque des rites chrétiens, et particulièrement des coutumes chrétiennes comme l'aumône (scène du pauvre). Il dénonce ces pratiques comme étant hypocrites.
Enfin, Molière peint une société hypocrite, attachée aux apparences. Si on cache bien ses mauvaises actions, alors on n'a pas de souci. La société ne condamne pas vraiment le libertinage, elle condamne la vérité, elle condamne celui qui ose déclarer haut et fort qu'il est libertin.