L'Aleph
Jorge Luis Borges
1949 - 1952
L'Aleph est un recueil de dix-sept nouvelles. Elles ont été réunies pour la publication, mais souvent publiées précédemment dans des journaux. Les récits sont souvent mystérieux. Ce sont les mêmes thèmes qui sont abordés, et déclinés en différentes époques, dans différents lieux, avec divers personnages. Borges joue avec la perspective, l'idée de grandeur et de petitesse. Le thème principal est celui de l'infini de l'univers, que l'auteur tente d'approcher à travers son écriture.
Plusieurs nouvelles tournent explicitement autour de la mort : "La Mort", "L'Immortel", "L'Autre Mort". L'Antiquité est aussi une inspiration pour l'auteur : "La Demeure d'Astérion", "La Quête d'Averroès". Certains s'inspirent plutôt de légendes orientales : "Les Deux rois et les deux labyrinthes". "Abenhacan el Bokhari mort dans son labyrinthe". Les autres nouvelles sont : "L'Aleph", "L'Homme sur le seuil", "L'Attente", "L'Écriture du dieu", "Le Zahir", "Deutsches Requiem", "Emma Zunz", "Les Théologiens", "Histoire du guerrier et de la captive", "Biographie de Tadeo Isidoro Cruz".
Dans "La Demeure d'Astérion", le héros raconte sa vie. C'est un personnage solitaire et innocent, qui joue et rêve mais s'ennuie aussi beaucoup. À la fin de la nouvelle, le lecteur comprend qu'il s'agit du Minotaure, qui est tué par Thésée. Il s'agit donc d'un point de vue original sur le mythe, celui du monstre.
"La Quête d'Averroès" détaille les difficultés d'Averroès pour traduire La Poétique d'Aristote.
"Les Deux rois et les deux labyrinthes" rappelle un conte oriental. Le roi de Babylone fait construire un labyrinthe dans lequel les hommes se perdent. Un roi arabe lui rend visite. Pour se moquer de lui, le roi de Babylone le fait se perdre dans le labyrinthe. Le roi arabe décide de se venger. Il capture le roi de Babylone et l'abandonne dans le désert, où il meurt de faim.
Le thème du temps
Le thème du temps est très important dans les nouvelles. La première histoire, "L'Immortel", commence avec une citation de Francis Bacon : "Il n'y a rien de nouveau sur la Terre [...] toute connaissance n'est que remémoration". Le temps que décrit Borges est comme la connaissance, circulaire. On revient toujours au même point.
Ainsi, dans "Les Théologiens", le seul livre qui survit à la destruction d'une bibliothèque est celui où il est écrit qu'à la fin des temps tout reprendra son état originel.
Cette thèse du temps cyclique implique que l'Homme est condamné à revivre son passé. C'est une vision de l'Histoire qui va contre l'idée d'évolution.
L'immortalité
Plusieurs nouvelles traitent de la question de l'immortalité. Dans "L'Immortel", Borges écrit sur l'eau d'un fleuve qui rend immortel celui qui la boit. Le héros de la nouvelle se rend compte que finalement il vaut mieux être mortel : "être immortel est insignifiant ; à part l'Homme, il n'est rien qui ne le soit, puisque tout ignore la mort. Le divin, le terrible, l'incompréhensible, c'est de se savoir immortel."
Dans la nouvelle "Les Immortels", les héros cherchent à redevenir mortels. Borges cherche à prouver que l'Homme immortel serait malheureux, mais aussi que cela est vain, car à toute époque les hommes ont vécu les mêmes choses. Vivre éternellement, ce serait toujours vivre la même chose.
Représenter l'univers
Borges s'intéresse au lien entre l'infiniment grand et l'infiniment petit. Dans "L'Aleph", un homme tente de saisir ce que signifie l'infini, l'univers. L'Aleph est la première lettre de l'alphabet hébreu. Elle fait référence à la divinité illimitée. Le héros de la nouvelle est persuadé d'avoir réussi à atteindre l'Aleph. Il le décrit comme un point de lumière dans l'espace dans lequel tiendrait l'univers entier. Mais le narrateur n'arrive pas à décrire précisément ce qu'il voit, ce qui le plonge dans le désespoir.
Dans "L'Écriture de Dieu" le héros vit une situation similaire. Il se demande comment appréhender l'univers. Enfermé, il tente de se souvenir précisément d'un jaguar. Il pense pouvoir comprendre l'univers en étudiant les taches de l'animal.
Qui a entrevu l'univers, qui a entrevu les ardents desseins de l'univers ne peut plus penser à un homme, à ses banales félicités ou à ses bonheurs médiocres, même si c'est lui cet homme.
Jorge Luis Borges
"L'Écriture de Dieu", L'Aleph
1952
Le motif du labyrinthe
Le labyrinthe est un motif central dans le recueil. On le retrouve évidemment dans "L'Histoire d'Astérion", car le Minotaure vit dedans, mais aussi dans "Les Immortels", "Abenhacan el Bokhari mort dans son labyrinthe" ou encore "Les Deux rois et les deux labyrinthes". Au labyrinthe réel construit par le roi de Babylone, le roi arabe oppose le labyrinthe métaphysique de la vie et du monde créé par Dieu : "Le Tout-puissant a voulu que je te montre mon labyrinthe, où il n'y a ni escaliers à gravir, ni portes à forcer, ni murs qui empêchent de passer." Les nouvelles elles-mêmes paraissent labyrinthiques. Souvent étonnantes et mystérieuses, elles proposent au lecteur une vision nouvelle et une lecture différente de sujets qu'il croit connaître.