Solal
Albert Cohen
1930
Les Solal sont une famille juive qui respecte les traditions ancestrales. Les Juifs deviennent un peuple, une "race". Le rabbin et sa femme ont un fils unique, le héros de ce roman, Solal. Les autres membres de la famille, contrairement aux parents du jeune homme, sont illettrés, des semi-clochards. Ils sont pittoresques, émouvants, mais aussi exaspérants et naïfs. Leur histoire sert de contrepoint à celle de Solal. Il y a Mangeclous et l'oncle Saltiel. Solal séduit Adrienne, femme du consul français, et apporte la honte sur sa famille.
Il veut quitter cette famille et ne plus suivre la religion juive, donc pour cela il part à l'étranger, mais il se sent toujours déplacé, étranger. Il épouse Aude de Maussane, une chrétienne, et devient ministre. Lorsque Saltiel apparaît avec son père, Solal les rejette, car ils ne sont pas conciliables avec sa nouvelle vie. Pour se punir d'avoir un enfant ingrat, le rabbin se crève les yeux. Solal croit alors qu'il a une dette envers la tribu des céphaloniens. Il rompt avec sa femme et abandonne sa carrière politique. Au final, il met fin à ses jours et ressuscite comme une nouvelle identité de l'ancien dieu Solaire.
L'amour
L'amour tient une place importante dans le roman. Solal aime d'abord Adrienne, puis Aude. Cohen met en avant l'exaltation et le vertige du sentiment amoureux. L'acte amoureux est associé à un acte divin : "Reins creusés, toutes veines dardées...Rythme premier et rythme père. Reins que lève l'Éternel, reins que baisse l'Éternel, coups profonds de l'Éternel...La femme tombait de ciel en grand ciel noir, larges ailes battantes..."
Mais le roman se veut surtout une démystification de l'amour. L'auteur remet en question le lyrisme des romans. Il remet en cause une vision idéale et forcément impossible de l'amour. Il se moque également du caractère idiot de son héros quand il tombe amoureux. L'amour est grand, mais il est misérable aussi. Il rend heureux, mais il trompe aussi.
Le roman de l'exil
Être juif
Solal a parfois été qualifié de roman juif. En effet, le thème de la judéité est central. Albert Cohen traite du malheur d'être juif. Il relate le pogrom que Solal a vécu quand il avait dix ans. Il évoque la loi du Père, qui est une loi puritaine et sévère. C'est une loi qui ordonne à l'homme de mépriser la femme et de se méfier de la beauté. Elle met en garde contre la passion charnelle.
Le peuple juif est souvent décrit comme le peuple élu de Dieu. Solal porte ainsi un signe, il est l'Élu, celui qui est attendu. Le vieux Roboam, dans le roman, croit ainsi qu'il est peut-être le prophète des Juifs. "Solal" signifie "soleil" et "solitude", deux termes qui semblent associer à la divinité et au prophète.
L'errance
Le thème du "Juif errant" est aussi abordé, et plus généralement l'idée d'exil. Solal fuit son malheur et il est en quête de vérité. Il veut trouver le paradis perdu, la terre promise. Plusieurs personnages sont comme lui. Roboam Solal marche sur la route, cherchant une vérité. Les Valeureux, dont l'oncle Saltiel fait partie, sont toujours en train de voyager.
Surtout, il y a Solal, qui est en quête d'absolu. Il voudrait pouvoir vivre à la fois son amour pour Aude, qui symbolise la France, et vivre sa religion juive. Il veut même refaire vivre l'ancien peuple juif dans les caves de son château.
Le mythe dans l'œuvre
Albert Cohen utilise plusieurs mythes dans son roman. Solal est décrit comme étant très beau et lumineux, et en cela il peut être rapproché du dieu Apollon. Il est aussi associé à Dionysos, ou encore à Dom Juan quand il devient séducteur.
Vers la fin du roman, Albert Cohen le compare à Jésus-Christ, mais un Jésus-Christ ridicule, qui circule dans Paris blessé et humilié. Enfin, à la fin, Solal meurt et ressuscite. D'abord, il enlève ses vieux vêtements, puis se lave et se rase. Il revêt une tunique blanche. Pour être un homme pur. il se tue et devient alors un homme nouveau. On peut évoquer le phénix qui renaît de ses cendres, ou Jésus Christ.