Sommaire
ILe mélange des genresALa pastoraleBLa commedia dell'arteII"Le théâtre du monde"ALa mise en abymeBUn monde instableIIITransgresser les règles classiquesL'Illusion comique
Corneille
1635
Pridamant est très inquiet car il n'a aucune nouvelle de son fils Clindor depuis plus de dix ans. Son ami Dorante lui conseille d'aller voir Alcandre. Ce dernier est un magicien qui vit dans une grotte. Il va montrer à Pridamant les aventures de son fils en ouvrant un grand rideau. Derrière, il y a une scène, et c'est sur cette scène que vont jouer les acteurs.
Pridamant découvre alors que son fils est le suivant du capitan Matamore. Ce dernier est un lâche qui est amoureux d'Isabelle. Mais Isabelle et Clindor sont amants. Pridamant assiste aux amours de son fils. Clindor, pour protéger Isabelle, devient meurtrier. Il est libéré par Isabelle et sa suivante Lise.
Alcandre montre alors à Pridamant que son fils est devenu un grand seigneur et trompe Isabelle avec la reine. Le roi fait poignarder Clindor. Pridamant est fou de désespoir. Mais il découvre alors que son fils est en fait un comédien. Il se relève et partage avec les autres acteurs l'argent gagné pendant la représentation. Ils viennent de montrer une tragédie. Pridamant est heureux et décide de retrouver son fils.
Le mélange des genres
La pastorale
La pastorale a pour décor une nature idéalisée, comme dans l'Antiquité. Le genre est à la mode aux XVe et XVIe siècles en Italie. En France, dans le roman précieux, la pastorale continue d'être utilisée. Le genre repose sur des relations sentimentales mises à l'épreuve par des fausses morts ou l'intervention de la magie. Il y a toujours des retrouvailles inattendues.
Le premier acte de la pièce s'inspire fortement de ce genre. Le décor est champêtre, on suit les amours de jeunes gens. La magie est également présente à travers le magicien qui vit dans sa grotte.
La commedia dell'arte
La pièce s'inspire aussi de la commedia dell'arte. Ce genre permet de synthétiser à la fois la tradition populaire et les recherches esthétiques de la Renaissance. Les acteurs doivent composer leur rôle, il faut montrer à gros traits les défauts des personnages. Les caractéristiques des héros sont clairement définies. Ainsi, Isabelle et Clindor correspondent aux jeunes gens amoureux, tandis que Pridamant a été un père sévère.
Mais c'est surtout le personnage de Matamore qui s'inscrit dans la tradition de la commedia dell'arte. En effet, c'est un homme fort grotesque qui prête à rire. Il est tout à fait ridicule, et il est aussi un obstacle entre Clindor et Isabelle. C'est l'homme fier de lui alors qu'il est peureux, fanfaron alors qu'il n'a commis aucun exploit.
"Le théâtre du monde"
La mise en abyme
La structure de la pièce est complexe. Elle repose sur des enchâssements successifs. En effet, on peut parler de théâtre dans le théâtre, dans la mise en scène elle-même. Il y a un vrai jeu sur les apparences, qui sont trompeuses. Ainsi, le spectateur croit assister à la vie véritable de Clindor, alors qu'il n'en est rien. Il croit voir le jeune homme se faire tuer.
Le but est de perdre le spectateur, de l'illusionner. Le jeu sur les décors, les effets scéniques, s'inscrit dans une perspective baroque. Corneille joue avec l'idée selon laquelle la vie est un théâtre. Le déguisement, le changement d'identité, tout cela participe à la mise en abyme et à la création de l'illusion. La grotte peut être interprétée comme une métaphore du théâtre, Pridamant et le magicien servant de spectateurs au récit de Clindor.
Un monde instable
Plusieurs fois dans la pièce la linéarité de l’histoire est brisée. En effet, plusieurs digressions sont mises en scène. L'histoire principale est celle de Pridamant qui va voir le magicien. Cette intrigue s'entrecroise avec celle des aventures de Clindor. Parfois, on n'explique pas ce qui s'est passé (Matamore disparaît pendant plusieurs jours et il est retrouvé ensuite).
Plusieurs fois, Pridamant et le magicien font sortir le spectateur de l'histoire de Clindor, le ramènent à l'histoire principale. Lorsqu'on retrouve le jeune homme, il a changé de lieu, de situation. Cette instabilité reflète l'instabilité du monde, mais aussi des personnages, ou encore de l’inconstance amoureuse de Clindor. Elle dit aussi l'impossibilité de faire la différence entre réalité et fiction dans la pièce.
Transgresser les règles classiques
Corneille semble ici avoir transgressé les règles classiques. L'unité de temps n'est pas du tout respectée. En effet, deux années s'écoulent entre l'acte IV et l'acte V par exemple. La vie de Clindor nous est racontée rétrospectivement, mais elle est le sujet même de la pièce, et c'est ce que le spectateur suit. De plus, le récit s'organise autour de nombreuses intrigues. Clindor vit plusieurs aventures, et on suit Pridamant et son fils dans des espaces-temps différents.
L'unité de lieu est également transgressée, puisque l'action commence dans la grotte d'Alcandre en Touraine, mais ensuite nous sommes à Bordeaux et à Paris.
Mais en réalité, Corneille joue avec les règles classiques, il joue avec la transgression. Tout se passe finalement comme si on suivait en vérité Pridamant dans la grotte avec le magicien. Cette action ne dure que quelques heures. La pièce se situe aussi dans un lieu unique en ce sens et se concentre sur la vision de Pridamant.
Le sujet de la pièce, c'est la façon dont l'illusion et les préjugés de Pridamant sont brisés. Il cesse d'avoir une mauvaise opinion de la comédie tant il est heureux que son fils soit vivant. Le théâtre classique devient ainsi une enveloppe. Il permet de mettre en scène du baroque, mais tout cela n'est qu'illusion. Corneille créé un lien entre baroque et classicisme.