La Mort du roi Tsongor
Laurent Gaudé
2002
L'histoire se déroule dans une Afrique ancestrale et imaginaire. Le roi Tsongor est vieux. Il s'apprête à marier sa fille Samilia à Kouame. Le jour des fiançailles, un deuxième prétendant, Sango Kerim (fils adoptif du roi) surgit et réclame la main de la princesse. Il assure qu'elle lui a promis de l'épouser. Le monarque, pour éviter la guerre, décide de mourir. Il demande d'abord à son fils cadet Souba de parcourir le royaume pour édifier sept tombeaux en son honneur. Katabolonga, serviteur et ami du roi, le tue (le roi lui avait promis qu'il pourrait le tuer car il avait fait massacrer son peuple). Le roi confie à son valet la pièce de monnaie qui payera son passage pour le royaume des morts. Tant que son fils n'est pas rentré, il se condamne ainsi à être un esprit. Katabolonga ne peut se résoudre à tuer le roi, qui se donne alors la mort.
La guerre commence. Les troupes de Sango Kerim s'opposent aux forces de Kouame. Samilia a choisi Sango Kerim. De nombreux morts sont à déplorer.
Le second affrontement bat son plein. Danga et Sako, les deux jumeaux du roi, ne savent pas quel camp choisir. Pendant ce temps, Souba érige la première sépulture à son père à Saramine.
Kouame se glisse sous la tente de la princesse un soir. Comme elle croit qu'il va perdre, elle se donne à lui. Mais dès le lendemain, il a des renforts. Sango Kerim perd cette bataille. Souba quant à lui érige une sépulture en mémoire de Tsongor le tueur.
Kouame et Sango Kerim proposent à Samilia de se suicider. Ils estiment que c'est la meilleure solution. Elle décide alors qu'elle n'appartient plus à personne et s'en va. Elle erre dans le royaume. La guerre s'enlise dans la folie. Tout le monde meurt.
Souba a tué un oracle. Il découvre alors la honte. Il érige un dernier palais en l'honneur de son père. Il revient alors de son voyage et découvre sa ville Massaba déserte et envahie par la végétation. Il porte la dépouille de son père dans les montagnes. Katabolonga place la pièce dans sa bouche. Souba est le dernier survivant de la famille Tsongor. Il érige un palais en l'honneur de Samilia.
Un roman initiatique
La mort du roi Tsongor marque le début du récit. C'est la fin de son règne, mais aussi la fin de la période de paix. Pour ses enfants, l'initiation commence. Souba est envoyé en pèlerinage. En route, il va découvrir diverses choses. Les sept lieux que Souba doit trouver pour ériger des tombeaux doivent être à l'image de son père, dont il va accepter toutes les facettes, même les plus négatives.
Le roi demande au plus jeune de ses enfants de renoncer à la gloire, au prestige, au luxe. Il doit quitter le confort. La mort du père devient l'exil, mais aussi la quête. Le jeune homme va être confronté au monde. Il ne comprend pas pourquoi son père l'envoie au loin, mais au fur et à mesure, il va réaliser. D'abord, il se demande pourquoi son père l'a choisi pour cette mission, puis il découvre quel homme il était vraiment et comprend que ce voyage lui permet de grandir. Il devient sage et réfléchi, il a compris le sacrifice de son père, quand ses frères se sont massacrés à la guerre.
Une tragédie
Le récit se déroule dans une Afrique antique. Celle-ci est idéalisée par l'auteur. Les actes et les paroles des personnages sont montrés comme étant irréversibles. L'idée de destin domine le texte. Personne ne semble pouvoir y échapper.
Le roi Tsongor est le premier à comprendre que la mort est arrivée. Il y a une faille dans la famille royale, et le roi comprend que la guerre est là. Il préfère se tuer, il pense que son sacrifice peut éviter la guerre, qu'après sa mort les prétendants vont entendre raison. Il n'en est rien. La folie meurtrière ne fait que commencer.
Les fils du roi se combattent même, s'opposent. Ils s'entretuent. L'âme du roi Tsongor assiste à tout cela, mais ne peut rien faire. La famille est détruite. Les enfants détruisent le royaume que le père avait mis plus de vingt ans à construire.
Il y a plusieurs éléments dans le récit qui renvoient aux tragédies grecques. Samilia par exemple rappelle Hélène de Troie. Deux hommes se battent pour elle, allant jusqu'à détruire un royaume.
Lorsque Tsongor se leva, il eut immédiatement le sentiment que cette journée serait trop courte pour qu’il puisse s’acquitter de tout ce qu’il avait à faire. Il respira profondément. Il savait que le calme ne lui serait plus offert jusqu’au soir. Il salua Katabolonga qui se tenait à ses côtés. Et ce visage lui fit du bien. Il salua Katabolonga, mais celui-ci, au lieu de lui rendre son salut et de lui présenter son collier royal, comme il le faisait chaque matin, lui murmura à voix basse:
"Tsongor, je veux te parler.
- Je t’écoute, répondit le roi.
- C’est pour aujourd’hui, mon ami", dit Katabolonga.
La voix du porteur avait quelque chose d’étrange, mais Tsongor n’y prêta pas attention. Il dit simplement : "Je sais." Et la journée commença.
Laurent Gaudé
La Mort du roi Tsongor
2002
C'est le jour de la mort du roi. Il en est certain. Il n'y a rien à faire contre cette fatalité. Il l'a décidé.
Une réflexion sur l'Homme
L'auteur évoque plusieurs sentiments humains. La honte semble ainsi fondatrice. Souba, comme son père, va connaître la honte de tuer. C'est elle qui permet devenir sage, et les frères de Souba ne la connaissent pas. La lâcheté est aussi essentielle. Le roi Tsongor se montre comme sacrificiel, mais c'est la lâcheté qui le pousse à se tuer. Il ne veut pas choisir.
L'écrivain dénonce ici l'absurdité de la guerre. Au début, les jeunes hommes se battent pour Samilia. Mais lorsqu'ils lui demandent de mourir, elle réalise qu'aucun ne l'aime et part. La guerre continue, mais cette fois il n'y a plus de raison. Ils se battent par habitude.
La culpabilité tourmente Tsongor, comme elle va tourmenter Souba. Ils sont accablés de remords à cause des crimes qu'ils ont commis. Le roi ne peut mourir en paix à cause de cette culpabilité. La haine, l'orgueil et la vengeance animent les autres personnages.
Enfin, c'est la mort qui domine ce texte. Tout le monde trouve une fin tragique, Souba est seul, et sa sœur introuvable. La mort est la fin ultime, à laquelle on ne peut échapper.