L'Amour
Marguerite Duras
1971
L'action se déroule dans la station balnéaire de S. Thala. Celle-ci est bâtie à côté d'une plage déserte. On suit trois personnages. Il y a une femme et deux hommes. On ignore presque tout des personnages, leur passé, leur présent ou leur futur. Leurs interactions sont peu nombreuses. Parfois, on se demande s'ils ne sont pas fous. Ils ne s'expriment qu'avec des signes, ou des phrases très courtes. L'impression qu'ils ont perdu la mémoire est très forte.
Une autre interprétation est que la femme imagine tout. Peut-être repense-t-elle à deux hommes qu'elle a rencontrés autrefois. Il semble qu'elle a aimé l'un des deux. Ensuite, elle a eu deux enfants, elle a été infidèle à son époux, elle a connu des tragédies. Sa vie ressemble à celle de n'importe qui, mais il semble que tous les drames sont à rapprocher d'un incendie dont elle préfère ne pas se souvenir. Le roman est très énigmatique.
Le Nouveau Roman
Le Nouveau Roman est un mouvement littéraire d’après-guerre qui perdure jusqu’en 1970. Le but est de renouveler le genre romanesque qui date de l’Antiquité. La position du narrateur change complètement, l'intrigue passe au second plan. Les personnages sont souvent assez peu développés, inutiles. Les romans n'ont pas pour but de développer des personnages, mais de travailler sur une nouvelle vision du roman. Les auteurs refusent la tradition. Les repères temporels sont bouleversés, les niveaux de narration sont multipliés. C'est un certain réalisme qui est refusé. Il ne s'agit pas pour autant d'aller vers le merveilleux, mais d'approfondir la recherche. Il faut creuser en l'humain, dans la conscience, dans le subconscient.
Une narration floue
Respectant les codes du nouveau genre, la narration est floue. Le lecteur perd ses repères. Les relations entre les personnages sont indéfinies, étranges. Le style de Marguerite Duras est très concis. Elle est économe, elle décrit très peu ce qui se passe.
Elle utilise très souvent les pronoms personnels. Quand elle écrit "il", il est difficile de savoir de quel homme elle parle. De même, quand elle écrit "ils", on ne sait pas à quel couple elle fait référence. Le sens de l'histoire s'en trouve changé. C'est au lecteur d'essayer de découvrir qui est qui, de remettre les événements dans l'ordre. Les personnages sont toujours désignés par un vocabulaire flou. Ils peuvent être "le voyageur" ou "l'homme qui marche". Lorsqu'elle parle des hommes, Marguerite Duras utilise beaucoup de connotation temporelle. Cela donne l'impression que le temps passe, que les hommes partent. Seule la femme semble être dans le présent.
Le lecteur découvre qu'il est dans le passé de la femme, qui est sans doute folle. Ce sont surtout les regards entre les personnages qui sont mis en avant. Les mots sont peu utilisés, les expressions toujours courtes.
L'influence du cinéma
Marguerite Duras a fait du cinéma, et son écriture est très influencée par cet art. Parfois, le lecteur a le sentiment de lire un scénario plus qu'un roman. La trame est toujours simple, c'est la tension qui compte. Elle utilise souvent la répétition. Elle insiste sur le regard, tout est écrit et analysé à travers le regard. L'auteur utilise des phrases simples, descriptives, comme "Elle ouvre les yeux".
Ici, l'auteur tente d'analyse les relations entre les hommes et les femmes. Elle décrit des moments, elle appuie sur des sensations, une chose, un détail. Son écriture est très précise, très sobre. Le lecteur a la sensation d'être dans la tête d'un auteur qui travaille, qui réfléchit. Parfois, son écriture semble être une expérimentation.
Un homme.
Il est debout, il regarde : la plage, la mer.
La mer est basse, calme, la saison est indéfinie, le temps, lent.
L’homme se trouve sur un chemin de planches posé sur le sable.
Il est habillé de vêtements sombres. Son visage est distinct.
Marguerite Duras
L'Amour
1971