L'Union libre
André Breton
1923
André Breton est le chef de file du surréalisme. Il s'inspire de Mallarmé, Lautréamont, et Rimbaud. Le poème "Union libre" a été publié en 1931. C'est un des principaux écrits de Breton. Il est très représentatif de sa poésie et de ses idées. On y trouve sa définition de l'amour. C'est un poème en vers libre, il n'y a donc ni rime ni mètre régulier construit sur une anaphore. Il illustre bien le courant surréaliste.
Le poème est dédié à une femme aimée. André Breton répète à plusieurs reprises "ma femme". Le poète exprime son amour mais on ne sait pas qui est la femme. Il vient de divorcer de Simone Khan, il est donc difficile de penser qu'il lui dédie ce poème. Il pourrait l'avoir écrit pour Jacqueline Lamba qu'il vient de rencontrer.
Le mouvement surréaliste
Après la Première Guerre mondiale, le mouvement surréaliste est créé. Il naît de la rencontre d'André Breton, Philippe Soupault, Paul Éluard, Benjamin Peret et Louis Aragon. Ils remettent en cause l'esthétique de la poésie. Ils se dressent contre les générations passées, leurs idéaux, leurs visions, leur héritage. Pour eux, tout cela a été responsable de la guerre qui vient de se terminer.
Une grande partie de la jeunesse française vient de mourir, sacrifiée à la guerre. L'horreur des tranchées imprègne les mémoires. Les surréalistes veulent éviter un autre conflit meurtrier et rejettent toutes les valeurs de leurs parents. La religion fait ainsi partie de ce que les surréalistes critiquent. Ils s'en détachent complètement. Ils dénoncent les préjugés et le conformisme.
Les surréalistes sont unis par une même idée, celle d'inventer une nouvelle façon de vivre. Ils n'ont cependant pas créé un véritable mouvement artistique avec des règles, l'objet artistique est secondaire. Ils sont surtout engagés dans une réformation humaine. La poésie surréaliste est un moyen de reconquérir une liberté. Le but est de donner à l'Homme la possibilité d'explorer sa conscience. Les artistes du mouvement s'inspirent de Lautréamont et de Rimbaud, mais aussi d'Apollinaire, inventeur du mot "surréalisme".
Un blason moderne
"L'Union libre" est un blason moderne. Le poète y évoque le corps de la femme. Il utilise une anaphore, c'est-à-dire un mot qui se répète toujours au début de la phrase : "Ma femme". Plusieurs parties du corps sont évoquées, la chevelure, la taille, le visage, les épaules, les doigts, les jambes. Le poète en parle dans le désordre.
Le corps de la femme est un monde qui inspire le poète. Elle a un ciel, des étoiles, une mer. Elle est un univers. La femme est précieuse, c'est une richesse, elle est associée à l'ambre, l'or et le rubis.
Breton fait le portrait d'une femme multiple. Elle est érotique, ce qui est très novateur à l'époque. Le poème se fait ainsi une réponse contre les conventions de l'époque. La femme est aussi la source d'inspiration du poète.
Ma femme à la chevelure de feu de bois
Aux pensées d'éclairs de chaleur
À la taille de sablier
Ma femme à la taille de loutre entre les dents du tigre
Ma femme à la bouche de cocarde et de bouquet d'étoiles de dernière grandeur
Aux dents d'empreintes de souris blanche sur la terre blanche
À la langue d'ambre et de verre frottés
André Breton
"Union libre", L'Union libre
1923
Un poème surréaliste
Le poème est bien surréaliste. Tout d'abord, il y a une grande liberté dans la construction. Il n'y a ni rime, ni mètre. Il n'y a pas non plus de strophes. Le poète utilise des vers libres. On peut parler d'une sorte de prière ou d'une chanson, avec souvent au début des phrases "ma femme", qui revient comme un refrain.
Breton joue sur les associations d'idées. Il lie ainsi "lumière", "blancheur", "feu", "couleurs flamboyantes" et "claires". La langue est simple, dénuée d'outils de comparaison. Ce sont plutôt des métaphores qui dominent le texte ce qui donne un effet de vivacité au poème. Les images ont souvent plusieurs sens.
Le poème est assez cruel par moments. Il y a une certaine violence, surtout envers la religion qui rend la femme prisonnière. On voit bien là une des dominantes du surréalisme : s'opposer aux carcans de la société.