Sommaire
IUn roman réaliste ?IILe balconAUn lieu de méditationBLa dimension mythologiqueIIIL'amour : une échappatoireUn balcon en forêt
Julien Gracq
1958
À l'automne 1939, le soldat Grange rejoint son lieu d'affectation dans l'Ardenne. Il s'agit d'une maison dans la forêt, près du village de Moriarmé. La guerre est une menace sous-jacente dans le roman, mais elle vague, abstraite. Plus les jours passent, plus la guerre semble lointaine. Grange passe ses journées dans la forêt et la maison. Il rencontre Mona, une jeune femme dont il tombe amoureux. Il va souvent chez elle, ils passent beaucoup de temps ensemble.
Le 10 mai 1940, les Allemands arrivent dans les Ardennes. Mona s'en va en même temps que les autres habitants. Grange se retrouve seul avec trois soldats dont il est le commandant. Lorsque les Allemands attaquent la maison, il est blessé. Il erre ensuite dans la forêt, puis va au village qui est désert. Il va alors se coucher sur le lit de Mona.
Un roman réaliste ?
Un balcon en forêt a parfois été qualifié de roman réaliste. Il semble moins lyrique ou poétique que d'autres ouvrages de Gracq. Le temps du récit est précisément celui de la drôle de guerre, d'octobre 1939 à mai 1940. Le lieu du récit, les Ardennes, est présenté de façon réaliste, plusieurs descriptions permettent de se faire une idée de l'endroit, de la forêt. La maison forte des Falizes est inspirée par un bâtiment de guerre qui existe vraiment, et certains noms de personnages sont réels (le caporal Olivon).
Gracq décrit aussi avec réalisme les conditions de vie des soldats. Il tente de peindre leurs rites, leur langage, la façon dont ils vivent cette drôle de guerre. Le réalisme du récit permet d'ancrer la fiction dans une forme de réalité. Celle-ci sera néanmoins altérée par l'imaginaire du héros.
Le balcon
Un lieu de méditation
Le balcon de la maison forte surplombe la forêt. C'est un espace agréable à contempler, qui permet la méditation. Grange est angoissé, il a peur de la guerre. Il fuit l'intérieur de la maison pour respirer les arbres, l'air. Le héros se sent étrangement en sécurité quand il est sur le balcon. Il peut se sentir libre.
Le balcon est aussi un lieu de guet, c'est là qu'on voit le mieux le reste du décor, c'est là qu'on pourra voir l'arrivée des Allemands. Mais c'est surtout un lieu d'attente et d'espoir, suspendu. Le balcon sert de porte entre le réel et la fiction, la paix et la guerre. L'écrivain joue sur cette poétique de la frontière.
La dimension mythologique
Il y a une dimension mythologique dans le roman. En effet, Gracq transforme la forêt des Ardennes en forêt de Brocéliande. C'est l'endroit où le magique, le sacré et le merveilleux se mêlent. La forêt est le lieu des contes. C'est là pourtant que la guerre doit surgir. Le héros, chaque jour, erre dans la forêt. Il voyage, il rêve.
C'est un héros qui attend l'aventure. Il rencontre finalement Mona, la femme qu'il va aimer. On peut alors penser à Perceval, le chevalier qui rencontre aussi le merveilleux dans la forêt. Car l'amour, dans ce roman, est ce qui est magique. C'est la fiction, la légende qui surgit dans la vie du héros.
L'amour : une échappatoire
L'amour entre Grange et Mona semble hors-temps. C'est un amour sensuel, facile. La rencontre est placée sous le signe du conte. Il pleut, l'ambiance est fabuleuse. Le personnage même de Mona fait penser à une fée ou une femme-enfant. Grange dit d'ailleurs d'elle qu'elle est une "espèce fabuleuse, comme les licornes". Elle incarne la fraîcheur, l'insouciance et l'innocence. Elle symbolise la paix.
L'amour est vécu comme un refuge. La chambre de Mona devient un lieu merveilleux, le lieu de leur amour. Mona ne cesse d'être changée, elle est comparée à une enfant-fée, une licorne, une fadette, une sorcière mais aussi une prairie, un cours d'eau, une cascade, une averse ou un rayon de lumière. Elle est la vie, la nature, la magie, l'imaginaire, en fin de compte elle symbolise la muse. Son départ annonce le cataclysme. À la fin, Grange se couche dans le lit de leurs amours, essayant d'échapper de nouveau à la réalité.