Sommaire
IAutour de la pièceALe titreBLe prologueIIL'écriture : le mélange des genresIIIUn drame familialJuste la fin du monde
Jean-Luc Lagarce
1990
Louis a 34 ans. Il rend visite à sa famille pour la première fois depuis des années. Il retrouve alors sa sœur Suzanne, son frère Antoine, sa mère, et sa belle-sœur Catherine. Louis doit annoncer à sa famille qu'il va bientôt mourir. Son arrivée fait ressortir de nombreux souvenirs et des tensions familiales. On lui reproche de ne presque pas avoir donné de nouvelles depuis 10 ans. Chaque personnage lui raconte sa vie en son absence. On lui reproche beaucoup de choses. Louis est fatigué, désabusé. Il comprend qu'il ne pourra pas dire ce qu'il voulait. Il repart sans leur avoir dit qu'il allait mourir. Jean-Luc Lagarce a écrit cette histoire de famille et de maladie alors qu'il savait lui-même qu'il était condamné, car il avait le sida.
Autour de la pièce
Le titre
Le titre de la pièce, "Juste la fin du monde", associe deux éléments contradictoires. Il est très ironique. "La fin du monde" est un événement dramatique, terrible, terrifiant. "Juste" implique que cela n'est rien du tout. Il y a à la fois une affirmation tragique, c'est la fin du monde, c'est la mort, et en même temps sa réfutation, c'est "juste" la fin du monde.
Le titre joue sur l'expression "c’est pas la fin du monde" mais rappelle aussi Fin de partie de Beckett. Il y a quelque chose d'énigmatique dans le titre. Cela ne donne pas d'indication sur le sujet de la pièce. Le monde est vaste, universel. De quoi parle exactement l'auteur ? La pièce, très intime, devrait ainsi se lire comme quelque chose d'universel.
Le prologue
Le prologue de la pièce est intéressant, puisqu'en général une pièce n'en a pas. Le prologue est plutôt lié au genre romanesque, avec un épilogue à la fin. En vérité, à ses débuts, le théâtre occidental utilisait des "pro logos", c'est-à-dire des "discours avant" le début de la pièce. Avant l'apparition du chœur, on apprenait ainsi un peu plus sur la pièce qu'on allait voir.
Lagarce joue sur le décalage que provoque le prologue. Au théâtre, l'action se situe dans le présent de la parole, il y a simultanéité entre action et parole. Mais ici, la parole est difficile à situer dans le temps, à cause du prologue. L'auteur écrit ainsi "plus tard", "L'année d'après / j'allais mourir". Il y a une idée de flottement dans le temps. Le prologue souligne que la pièce a beaucoup à voir avec le temps : on va reprocher au héros son absence de dix ans, et le héros est obsédé par le peu de temps qui lui reste à vivre.
L'écriture : le mélange des genres
La pièce mélange différents genres. Ainsi, certaines scènes sont comiques, d'autres tragiques. Le passé est au cœur de l'histoire, et empêche Louis de parler du futur, de sa mort prochaine. Les réalités banales sont évoquées par la famille de Louis, le travail, la maison, les enfants. Ces réalités empêchent le héros de parler de sa maladie. La situation est absurde. Louis reçoit des reproches de la part de tous les membres de sa famille, alors qu'il est venu leur dire au revoir. Il ne fait finalement pas ce qu'il voulait.
La langue se fait souvent hésitante, longue. C'est un peu comme si les personnages cherchaient leurs mots. Il paraît impossible aux personnages de trouver les mots justes, d'être précis. Les paroles perdent souvent leur sens. Il est difficile de trouver une parole juste pour parler de sujets graves.
Un drame familial
La difficulté est dans la parole. Louis semble maîtriser la langue, la parole. Les autres personnages non. Ils disent d'ailleurs à Louis qu'ils ne savaient pas comment lui dire les choses. L'auteur multiplie les références à la difficulté d'échanger, de partager : "Rien jamais ici ne se dit facilement". Les mots changent ainsi souvent de sens. L'incommunicabilité règne.
Les personnages reprochent à Louis son "soi-disant" malheur. Antoine, surtout, reproche à son frère de se complaire dans son rôle de victime. Dès lors, il est impossible à Louis d'expliquer qu'il est malade et va mourir, puisque cela serait pris comme une stratégie pour continuer de jouer à la victime. Le doute se met ainsi à planer sur la maladie de Louis. Le spectateur n'y croit que parce que Louis lui a dit au début. Mais est-ce vrai ? Ou est-il un menteur ? Antoine est-il clairvoyant ou jaloux ? Le doute règne.
L'épilogue laisse de nouveau entendre la voix de Louis, qui assure qu'il meurt quelques mois plus tard.
LOUIS :
- Après, ce que je fais,
je pars.
Je ne revins plus jamais. Je meurs quelques mois plus tard,
une année tout au plus..
Jean-Luc Lagarce
Juste la fin du monde
1990