Sommaire
ILa préface du roman : un manifesteALe réalismeBLe roman "vrai"IILes sources du romanAGerminie, un double de RoseBLa fictionIIILa relation entre les deux femmesGerminie Lacerteux
Edmond et Jules de Goncourt
1865
Germinie Lacerteux arrive à Paris et devient domestique pour Mademoiselle de Varandeuil. Enfant, Germinie a été abusée sexuellement. Mademoiselle de Varandeuil va s'attacher à elle et la voir sombrer.
Germinie ne peut pas se marier, car autrement elle perdrait sa place. Elle regrette de ne pas avoir d'enfant, et elle se lie à sa nièce, en prenant soin comme de sa fille. L'enfant quitte le pays et meurt, mais la famille ne le dit pas à Germinie pour continuer d'encaisser l'argent qu'elle lui envoie.
Germinie s'attache ensuite au fils d'une épicière, Jupillon. Elle ne cesse de lui faire des présents et de s'occuper de lui. Quand il devient homme, elle tombe amoureuse de lui. Sa passion va la conduire à sa perte. Par amour, elle s'endette, connaît la honte (leur différence d'âge fait scandale) et sombre dans l'alcool et la perversion quand son amant la quitte.
La préface du roman : un manifeste
Le réalisme
Ce roman a fait date dans l'histoire littéraire. Son ton provocateur a fait scandale. Les deux frères livrent une vision très sombre du monde. Ils affirment qu'ils ne veulent pas donner au public ce qu'il attend, mais ce qui est vrai. C'est le réalisme qui les intéresse. Ils utilisent ainsi de nombreux procédés pour créer le personnage de Germinie et l'inscrire dans une réalité sociale.
Ils refusent la littérature à la mode (romans d'intrigue, romanesques de divertissement) qui, à leurs yeux, rend idiot. Ils défendent une esthétique de la vérité, et clament qu'une enquête doit précéder l'écriture d'un roman. D'ailleurs, le sujet de leur roman est inspiré d'un fait réel. La méthode scientifique est au cœur de l'entreprise littéraire des frères Goncourt.
Le roman "vrai"
Dans la préface du livre, très célèbre, les frères justifient leur entreprise. Si le roman est essentiel dans l'histoire de la littérature, c'est en partie pour cette préface qui explique le but de leur projet littéraire, et défend le réalisme. On peut parler d'une certaine forme de condescendance à l'égard du public qui leur valu quelques foudres.
Il nous faut demander pardon au public de lui donner ce livre, et l'avertir de ce qu'il y trouvera. Le public aime les romans faux : ce roman est un roman vrai. Il aime les livres qui font semblant d'aller dans le monde : ce livre vient de la rue.
Il aime les petites œuvres polissonnes, les mémoires de filles, les confessions d'alcôves, les saletés érotiques, le scandale qui se retrousse dans une image aux devantures des libraires : ce qu'il va lire est sévère et pur. Qu'il ne s'attende point à la photographie décolletée du Plaisir : l'étude qui suit est la clinique de l'Amour.
Les frères Goncourt
"Préface", Germinie Lacerteux
1865
Jusque-là, le peuple n'était pas un sujet digne de la littérature, soumise aux règles du Beau. Mais les frères Goncourt affirment qu'il faut en parler, qu'on peut faire d'un personnage du peuple un héros. La peinture est donc sociale, dramatique, et surtout réaliste. On ne peut traiter que de l'aristocratie et des sujets dits grandioses comme l'amour, l'honneur et le courage.
Les sources du roman
Germinie, un double de Rose
Germinie est inspirée de Rose, une femme qui a été au service de la mère des deux frères. Ils ont tenu un journal de la vie de Rose, avec tout ce qu'on leur a raconté. Les deux auteurs insistent ainsi sur le lien entre Germinie et Rose, entre le réel et la fiction. Ils ont été choqués d'apprendre la vérité sur cette personne qu'ils croyaient connaître, et ils ont estimé qu'elle ferait un bon sujet de roman. Cette œuvre est révolutionnaire pour avoir fait d'une fille du peuple, d'une domestique, une héroïne de roman. Elle accède ainsi à un statut littéraire qu'elle n'aurait jamais eu autrement.
La fiction
Mademoiselle de Varandeuil, dans le roman, peut être vue comme un double des frères Goncourt. Mademoiselle de Varandeuil est inspirée de leur cousine Cornélie de Courmont, alors que celle-ci n'a jamais été la maîtresse de Rose/Germinie. Les écrivains ont donc adapté la réalité à leur projet littéraire.
Dans la réalité, jamais Cornélie n'a rencontré Rose. Les frères inventent aussi l'amour de Rose pour sa maîtresse, l'affection qu'elle lui porte. Rose n'a jamais particulièrement été reconnaissante envers sa supérieure. Enfin, Cornélie de Courmont n'a pas été intriguée et touchée par Rose comme Mademoiselle de Varandeuil l'a été devant Germinie. Les frères ont donc inventé la relation entre les deux femmes.
La relation entre les deux femmes
Si Rose/Germinie est l'héroïne du livre, elle est très liée à Mademoiselle de Varandeuil. Ces deux femmes sont antithétiques. L'une est une aristocrate âgée, l'autre une jeune fille du peuple. Elles représentent différents milieux sociaux, mais elles vivent ensemble et se lient malgré tout.
Dans le roman, les deux auteurs mettent en parallèle les enfances des deux femmes. Elles ont été malheureuses et victimes des hommes : Germinie a été violée et Mademoiselle de Varandeuil terrifiée par un père tyrannique. Adultes néanmoins, elles sont très différentes. Germinie cherche l'amour physique, Mademoiselle de Varandeuil est chaste. Germine ment, Mademoiselle de Varandeuil est honnête. Germinie sombre dans la décadence, Mademoiselle de Varandeuil reste noble. Les deux femmes sont néanmoins très liées. Elles s'aiment sincèrement. Mademoiselle de Varandeuil est sans doute la seule personne à avoir jamais apprécié réellement Germinie.