Sommaire
IL'esthétique de GautierAL'art pour l'artBLe titreIIÉtude du poème "L'Art"AUn art poétiqueBUne poésie de la matièreIIILa fantaisie et la satireÉmaux et Camées
Théophile Gautier
1852
Emaux et Camées est un recueil de trente-sept poèmes octosyllabiques publié en 1852. Il est considéré comme le chef-d'œuvre de l'art poétique de Théophile Gautier. L'écrivain tente de "traiter sous forme restreinte de petits sujets". Il y a un véritable travail sur la langue puisque le poète s'intéresse davantage à la forme qu'au fond. C'est la théorie de l'art pour l'art qui est illustrée dans cette œuvre. Elle va inspirer les Parnassiens.
Théophile Gautier entend ici représenter le monde de façon objective et impersonnelle. Il veut montrer le côté "plastique" de notre environnement. La plupart des poèmes sont des poèmes descriptifs, qui mettent en valeur un objet, une chose. Le poète cherche la beauté partout. On peut ainsi citer les poèmes "Étude de mains", "Nostalgie d'obélisque", "Odelette anacréontique", "La rose-thé", "Diamant du cœur", "Affinités secrètes" ou "Premier sourire du printemps".
L'esthétique de Gautier
L'art pour l'art
"L'Art" est le poème le plus important du recueil. C'est un manifeste du mouvement parnassien. Le poète édicte un ensemble de règles à suivre pour une nouvelle esthétique. Il veut créer une forme plastique rigoureuse. C'est la fin de la poésie romantique et sentimentale. Le rêve de beauté devient un rêve avant tout esthétique, dénué de sentiments. La forme prime sur le fond. Le poète ne doit donc pas s'engager dans les luttes sociales, ce qui serait une perversion. Seule compte la beauté.
Comme Goethe sur son divan
À Weimar s'isolait des choses
Et d'Hafiz effeuillait les roses,
Sans prendre garde à l'ouragan
Qui fouettait mes vitres fermées,
Moi, j'ai fait Émaux et Camées
Théophile Gautier
"Préface", Émaux et Camées
1852
Le titre
Le titre du recueil évoque les émaux et camées, qui sont des bijoux antiques. Le titre exprime donc de lui-même le projet de Théophile Gautier. Ce dernier laisse ainsi entendre qu'il veut travailler à ses poèmes comme un bijoutier travaille à ses bijoux. Chaque texte doit être considéré comme quelque chose de précieux, un médaillon. C'est une "œuvre-bijou". Le raffinement, la précision sont ce qui compte le plus.
Gautier se définit comme un orfèvre plus qu'un poète. Il a pour but la beauté plastique par excellence, le bijou, la pierre, le diamant. C'est l'ornement qui l'intéresse par-dessus tout.
Étude du poème "L'Art"
Un art poétique
Dans ce poème, Gautier explique son art, sa théorie. Il s'adresse aux neuf Muses qui président aux arts dans l'Antiquité. Il se compare à un peintre. Il utilise des impératifs comme "sculpte, lime, cisèle". Ce sont des ordres, le poète n'est plus un écrivain mais un artiste comme le sculpteur, le peintre.
Il dit ce qu'il faut faire et ce qu'il faut rejeter. Il cherche à convaincre. Il met en avant l'importance du travail. L'artiste doit travailler, livrer un effort. Plus le travail a été difficile, plus beau sera le poème en résultant. Il parle de la poésie comme d'un dur labeur où la rigueur est importante. La poésie est une technique qu'il faut apprendre à maîtriser.
Une poésie de la matière
La poésie est donc une plastique. Ce n'est plus un art littéraire, mais un art plastique. Elle devient ainsi une matière. Gautier parle d'elle comme d'un marbre, il l'associe à des pierres, au bronze ou encore à l'airain. Elle est donc solide, et n'appartient pas au monde des idées. Sous la plume de Gautier, la poésie devient palpable.
Gautier rappelle que la poésie doit être comme un tableau : inutile. Elle ne doit pas servir à quelque chose, elle est là pour être belle, c'est ainsi d'ailleurs qu'elle peut être autonome. C'est l'engagement idéologique que Gautier critique ici. Un poète ne peut pas défendre ses idées dans sa poésie.
La fantaisie et la satire
Gautier sait utiliser l'humour. Dans "La Bonne Soirée", il s'amuse des personnifications qu'il utilise pour animer des objets. Sa chambre est alors peuplée de personnages fictifs, qui ressemblent fort à ceux de son monde. La chauffeuse devient une maîtresse, le vent un rival, l'habit noir un dandy fatigué. Il recrée ainsi la société mondaine qu'il côtoie, et se rit des traits des différents personnages.
Gautier se moque des conventions poétiques pour mieux créer la surprise et la fantaisie. Il fait aussi preuve d'autodérision. Il se décrit comme paresseux, rêveur, alangui. Il ne se flatte guère. Mais c'est aussi une satire de la société que le poète fait. Il invite le lecteur à se reconnaître dans ce manège, et à se moquer de lui-même.