Sommaire
ILa théorie du libéralismeAUne critique des régimes autoritairesBLes principes du libéralismeIIMontesquieu, un philosophe contre l'esclavageAL'ironieBL'argumentationIIILe scandaleADe vives critiquesBLa condamnationDe l'esprit des lois
Montesquieu
1748
L'ouvrage de Montesquieu est divisé en plusieurs parties. Tout d'abord, l'auteur présente sa théorie sur les différents types de gouvernements. Il décrit le fonctionnement de la république, qu'il estime animée par la vertu. Il affirme que la monarchie est fondée sur la passion de l'honneur et le despotisme, et s'appuie sur la crainte du peuple. Montesquieu écrit ensuite sur sa conception de la liberté politique. Pour lui, il est essentiel de séparer les trois pouvoirs, le législatif, l'exécutif et le judiciaire.
Dans une seconde partie, l'auteur explique sa théorie des climats. Selon lui, les climats expliquent les comportements des peuples. Il assure que les besoins des hommes ne sont pas les mêmes en fonction des climats. C'est pourquoi il existe différentes cultures et lois, et que les humains sont si divers. Montesquieu pense que certains climats sont supérieurs à d'autres. Ainsi, le climat français lui paraît être idéal. L'auteur fait ensuite la liste de tout ce qui peut influencer les lois d'un gouvernement, comme les mœurs des hommes.
La théorie du libéralisme
Une critique des régimes autoritaires
Montesquieu commence son analyse en opposant tyrannie et modération. Pour lui, le monde est divisé entre ces deux types de régime politique. Soit un gouvernement est "sain", c'est-à-dire qu'il est viable et permet le bonheur de son peuple, soit c'est un régime dégénéré et oppressant. Les régimes politiques comme la démocratie ou la monarchie sont valorisés par Montesquieu, il assure qu'ils garantissent la paix et la liberté.
Par contre, un régime despotique est un régime dangereux. Ce type de gouvernement repose sur la peur et la privation des libertés, qui sont essentielles pour le philosophe. C'est la crainte qui règne. Montesquieu condamne fortement ce régime qu'il décrit comme autoritaire.
Les principes du libéralisme
Montesquieu condamne la tyrannie et proclame la modération. Cette valeur se base sur le pluralisme qui permet de garder la liberté des individus. Le pouvoir doit se limiter lui-même, il doit respecter la liberté des hommes. Pour cela, Montesquieu ne voit qu'une solution, la séparation des pouvoirs. Cette théorie, qui sépare dont le législatif, l'exécutif et le judiciaire, est encore utilisée aujourd'hui. En effet, elle est à la base de nombreuses constitutions.
De l'esprit des lois est donc un traité politique très important, car il permet de mettre en place et de théoriser les principes du libéralisme. Montesquieu est donc un des fondateurs de l'organisation politique libérale moderne, comme on la voit encore aujourd'hui.
Montesquieu, un philosophe contre l'esclavage
L'ironie
Montesquieu use de beaucoup d'ironie dans son traité. L'un des plus célèbres passages de l'ouvrage, le livre XV du chapitre cinq, est un texte qui se déguise en plaidoyer en faveur de l'esclavage, pour mieux critiquer cette pratique. En effet, tout le passage est écrit avec une ironie féroce, et c'est en fait un réquisitoire contre l'esclavage que présente Montesquieu.
L'auteur reprend tous les arguments qu'utilisent les esclavagistes pour défendre leurs pratiques, pour mieux les décrédibiliser ensuite. Pour cela, il se base presque entièrement sur des raisonnements absurdes, afin de prouver que l'esclavage est une aberration.
Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes ; parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens.
Montesquieu
De l'esprit des lois
1748
Exemple de raisonnement par l'absurde de Montesquieu.
L'argumentation
Si l'argumentation de Montesquieu est efficace, c'est parce qu'il utilise toutes sortes d'arguments pour défendre ses idées. Si on prend l'exemple du passage contre l'esclavage, le philosophe met en avant divers arguments. On trouve des arguments historiques : il prend l'exemple du massacre des Indiens par les colons en Amérique, il rappelle également que l'on peut exploiter des terres sans utiliser d'esclaves. Il y a des arguments économiques, Montesquieu rappelle ainsi que le sucre n'est pas une denrée essentielle, mais un produit de luxe ; il est donc absurde que des hommes soient maltraités pour satisfaire la gourmandise des autres.
Montesquieu utilise également des arguments religieux, dénonçant la façon dont les esclavagistes tordent les paroles de la Bible ; pour le philosophe, la véritable pensée biblique est de croire tous les hommes égaux, et non pas de dire que les Noirs n'ont pas d'âme. Le philosophe utilise également des arguments sociologiques ou politiques. Toujours, il démontre l'absurdité des positions des esclavagistes, et valide ses propres idées par des exemples concrets.
Le scandale
De vives critiques
Lors de sa publication, le texte a rencontré de vives critiques, parfois très virulentes. Surtout, l'idée selon laquelle un homme ne peut pas être vertueux sous une monarchie a beaucoup choqué les personnes de son temps (la plupart vivaient en monarchie). Les hommes qui défendaient l'esclavage se sont également emportés contre le philosophe, tout comme de nombreux religieux qui rejetaient sa lecture de la Bible, et assuraient que les Noirs n'avaient pas d'âme.
Certaines critiques, néanmoins, sont valables. Ainsi, l'idée de Montesquieu selon laquelle le climat français est idéal et supérieur aux autres est aujourd'hui tout à fait ridicule. La théorie qu'il base sur les climats n'a plus aucune crédibilité.
La condamnation
Malgré les critiques, le traité est un succès. Les intellectuels lisent avec intérêt cette œuvre. Mais une querelle éclate, qui implique notamment les jansénistes et les jésuites. Elle prend de plus en plus d'ampleur. Ceux qui défendent le traité et ceux qui le condamnent se livrent à de virulents débats autour de la politique, de l'esclavage et de la religion. Finalement, en 1751, De l'esprit des lois est mis à l'index et condamné par la Sorbonne.
Si j'avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves, voici ce que je dirais :
Les peuples d'Europe ayant exterminé ceux de l'Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l'Afrique, pour s'en servir à défricher tant de terres.
Le sucre serait trop cher, si l'on ne faisait travailler la plante qui le produit par des esclaves.
Ceux dont il s'agit sont noirs depuis les pieds jusqu'à la tête ; et ils ont le nez si écrasé, qu'il est presque impossible de les plaindre.
On ne peut se mettre dans l'esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir.
[...]
Des petits esprits exagèrent trop l'injustice que l'on fait aux Africains : car, si elle était telle qu'ils le disent, ne serait-il pas venu dans la tête des princes d'Europe, qui font entre eux tant de conventions inutiles, d'en faire une générale en faveur de la miséricorde et de la pitié.
Montesquieu
De l'esprit des lois
1748
Montesquieu fait ici preuve d'une grande ironie. Il ne faut pas prendre ce qu'il dit au pied de la lettre. Au contraire, il montre à quel point l'esclavage est absurde, et comme les arguments des hommes en faveur de l'esclavage sont ridicules.