Paul Valéry
1871 - 1945
Français
Poésie, essai
Paul Valéry
Monsieur Teste
1896
Paul Valéry
"La Jeune Parque"
1917
Paul Valéry
Album de vers anciens
1920
Paul Valéry
Charmes
1922
Paul Valéry
Variété I à V
1924 - 1944
Paul Valéry naît à Sète d'un père corse et d'une mère génoise. Élève brillant, il abandonne pourtant ses études de droit pour un emploi au ministère en 1894, devient le disciple le plus proche de Mallarmé, le chef de file des symbolistes qu'il admire, et publie de nombreux poèmes en revue. Mais cet esprit sceptique ne se satisfait pas de ce genre. Monsieur Teste montre d'ailleurs l'abandon temporaire de Valéry pour la poésie. Il se met à analyser le mécanisme de son esprit. Le personnage est "une sorte d'animal intellectuel", un de ces "monstres d'intelligence et de conscience de soi-même" qui représente alors son idéal. Le narrateur déclare que la bêtise n'est pas son fort. Cet homme est en apparence quelconque et personne ne fait attention à lui. Mais il n'attache de prix qu'à l'intellect : "il avait tué la marionnette". Il est un esprit universel qui s'est assuré la connaissance lucide de ses mécanismes intellectuels et est parvenu à se rendre maître de sa mémoire et de toutes les opérations de son esprit. Il observe ainsi le monde en dépassant les apparences et saisit toutes les choses dans leur réalité. Il est capable de tout et c'est la raison pour laquelle il ne fait rien. Valéry se défend d'être son personnage mais toute sa carrière littéraire correspond à cet être de papier.
Passionné de mathématiques et de philosophie, il explore tout ce qui concerne "la vie de l'esprit" et nourrit chaque matin ses Cahiers de réflexions sur le monde et la société. Marqué par le désastre de la Première Guerre mondiale, il interpelle les consciences sur les valeurs perdues de l'Europe dans "La crise de l'esprit" et s'interroge sur le sens du progrès lorsqu'il se retourne contre l'Homme et contribue à la destruction de la civilisation.
Le poète qui sommeille en lui s'éveille dans "La Jeune Parque". Il se met à retoucher les vers publiés durant sa jeunesse et entreprend pour les compléter d'écrire ce poème, d'abord conçu comme un "exercice". Valéry met quatre années pour l'achever et son succès est immédiat. Le poème, qui doit d'abord s'intituler "Psyché", a pour sujet "le changement d'une conscience pendant la durée d'une nuit". Chez les Anciens, les trois Parques symbolisent les étapes de la vie humaine. Le poète choisit la plus jeune parce qu'il cherche à évoquer la naissance de la conscience. La Parque est une jeune femme blessée par l'amour qui se rappelle de ses rêves et s'émeut au souvenir de son innocence, en luttant contre ses désirs jusqu'à préférer la mort à la chute. Elle finit par céder à l'attrait de la nature. Valéry est aussitôt attiré dans les salons littéraires de la haute société et il compose de nouveaux poèmes. Certains sont publiés dans des revues, comme "Cimetière marin", dans la Nouvelle revue française en 1920, l'année même où paraît Album de vers anciens. Il les rassemble sous le titre de Charmes l'année suivante, l'année même où il est élu par référendum comme le plus grand des poètes contemporains. Le recueil regroupe une vingtaine de poèmes, certains rappelant la technique parnassienne, et les autres, pour la plupart d'inspiration mythologique et précieuse, relevant de l'atmosphère décadente ou symboliste de l'époque.
Dans "La Fileuse", Valéry met en scène une jeune fileuse qui s'assoupit auprès de la fenêtre donnant sur le jardin en fleurs. Peu à peu, elle s'endort profondément. Le poète joue avec des notations et des correspondances, dans la forme rare de la tierce rime. Une impression de douceur et de grâce est rendue par la versification. Les rimes y sont exclusivement féminines, avec l'utilisation d'enjambements, de coupes et d'allitérations expressives.
Il expose toute sa théorie dans Variété et Tel Quel : "J'ai toujours fait mes vers en m'observant les faire". Il étudie la mécanisme de la création poétique, essayant de débarrasser la poésie de l'impureté de l'écriture en prose. Il dégage ainsi la notion de l'univers poétique en définissant un idéal de poésie pure, qui ne prend toute sa valeur qu'au moment de sa diction. Pour lui, le but du poète est non seulement de ressentir la poésie mais de la faire ressentir aux autres. L'inspiration doit se joindre à des créations volontaires et lucides, "le tête-à-tête entre le pouvoir et le vouloir". Le poète connaît les ressources du langage et fait des recherches minutieuses et complexes. Tout poème est pour lui aussi un état de travail jamais achevé.
À la fois poète et penseur, il apparaît comme un esprit supérieur. Il refuse pendant près de vingt ans de publier ses poèmes, parce qu'il voudrait atteindre la "poésie pure". Toute sa vie d'intellectuel est consacrée à une profonde réflexion personnelle sur les hommes, la culture et la civilisation. Ses essais et ses conférences, rassemblés dans les cinq livres des Variétés de 1924 à 1944, invitent ses contemporains à s'appuyer sur les valeurs de la morale et de l'intelligence pour échapper au risque de la barbarie.
Poète de la République, Paul Valéry entre à l'Académie française en 1927. Professeur de poétique au Collège de France, son attitude pendant l'Occupation est exemplaire. Après avoir assisté à la Libération de Paris en août 1944, il meurt et la France lui consacre des obsèques nationales.
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