Sommaire
IUn roman naturalisteALa NormandieBLes principes esthétiquesIIL'espace-tempsALa temporalitéBLa spatialitéIIILa dualitéALes marques du doubleBLe double en actionPierre et Jean
Maupassant
1887
Le roman s'ouvre sur une partie de pêche. Monsieur Roland est un ancien bijoutier parisien. Il déménage avec toute sa famille au Havre. En effet, il aime la mer et veut vivre sur le littoral. Ses deux fils, leurs études terminées, viennent s'installer avec lui. Pierre, l'aîné, est devenu médecin, et Jean avocat. Les deux frères ne s'entendent pas très bien. Un ami de la famille, Léon Maréchal, laisse à Jean un héritage, ce qui renforce la rivalité entre eux. Moralement et physiquement, les deux hommes sont très différents.
Bientôt, Pierre se met à penser que Jean est le fils de Maréchal. Il fouille alors le passé de leur famille, et découvre bientôt un secret de famille : sa mère a eu une liaison avec Maréchal. Il apprend tout à son frère, choqué par la nouvelle. La mère confirme. Jean renonce alors au patrimoine familial en faveur de son frère. Pierre quitte le domicile familial. La fin du roman annonce qu'il commence une nouvelle vie de "forçat vagabond".
Un roman naturaliste
La Normandie
Maupassant décrit parfaitement la Normandie, il parvient à rendre vivante cette région. Il y a de nombreuses descriptions du paysage. Il parle aussi de l'atmosphère des cafés, de la jetée, des marins. Tout cela souligne le réalisme de Maupassant. L'écrivain se permet toutefois de jouer avec la réalité. Ainsi, il invente des noms de rues ou de lieux, comme la "Belle-normande" ou le phare d'Étouville. Maupassant écrit d'ailleurs dans sa préface que "parler du réel, même de manière réaliste c'est forcément tricher un peu". Ainsi, il sait bien qu'un roman est toujours fiction, qu'on ne peut jamais toucher complètement à la réalité.
C'est aussi l'analyse précise de la psychologie des personnages qui fait du roman un texte naturaliste.
Les principes esthétiques
Dans la préface du livre, on trouve la vision de Maupassant sur le roman. Pour lui, l'écrivain doit tout faire "pour produire l’effet qu’il poursuit c’est-à-dire l’émotion de la simple réalité, et pour dégager l’enseignement artistique qu’il en veut tirer, c’est-à-dire la révélation de ce qu’est véritablement l’homme contemporain devant ses yeux". En effet, l'auteur croit que "les grands artistes sont ceux qui imposent à l’humanité leurs illusions particulières". Il rejette donc le roman romantique et le roman symboliste, et préfère le réalisme. Il cherche à écrire un roman objectif. Il rejette aussi l'idée du naturalisme comme Zola et sa documentation, sa volonté d'appliquer une démonstration. Toutefois, s'éloignant du réalisme de Balzac, Maupassant est considéré comme naturaliste. Il fait parfois preuve de lyrisme.
L'espace-temps
La temporalité
Les indices temporels sont très présents dans le récit. Le roman commence au début du mois d'août, un mardi. Les jours de la semaine sont très souvent évoqués pour montrer comment évolue l'action. L'action est donc concentrée sur deux mois, et elle est racontée avec une certaine régularité. Maupassant utilise de nombreuses ellipses temporelles.
Il précise aussi l'âge de ses personnages, Pierre a trente ans, Jean vingt-cinq, Madame Roland quarante-huit et Madame Rosémilly vingt-trois ans. Le récit paraît linéaire, alors que Maupassant utilise parfois des retours en arrière pour révéler le secret de la famille.
La spatialité
L'espace est restreint dans le roman. La Normandie sert de décor. Les personnages y resteront jusqu'à la fin du récit. La mer s'oppose au paysage terrestre. Les navires, les vagues, le phare ont une place prépondérante. Ils annoncent la fin du roman, avec le départ d'un des fils.
Les descriptions des paysages semblent révéler l'état d'esprit des personnages. Ainsi, Pierre est associé à la mer, changeante, étrange, même perverse. Jean, quant à lui, est associé à la terre et il va rester auprès de ses parents et se marier.
La dualité
Les marques du double
Le double est un thème majeur du roman. Dès le titre, on comprend qu'il s'agit d'une histoire de "deux" personnes. Le roman est bâti ainsi. Les personnages principaux apparaissent toujours en couple : Pierre et Jean, Monsieur et Madame Roland. À la fin, Jean s'associe à Madame Rosémilly.
Les deux frères sont souvent présentés comme inséparables : les "deux frères", "les deux fils". Les autres personnages, comparés aux deux héros, sont toujours présentés par leur nom. Au couple masculin des frères, on peut aussi opposer le couple féminin de madame Roland et madame Rosémilly, souvent ensemble.
L'histoire elle-même se déroule sur deux ans, la demeure des Roland est sur deux étages, l'appartement que veulent les frères donne sur deux rues et a deux salons. La répétition du chiffre est indéniable. Lorsque Maupassant décrit le salon de Madame Rosémilly : il y a quatre gravures disposées deux par deux. Elles correspondent à deux scènes dans lesquelles deux femmes vivent deux situations similaires. Elles regardent leurs hommes s'éloigner sur des barques. Les deux femmes représentées sur les gravures peuvent être associées aux deux femmes du roman.
Le double en action
Le double est aussi le reflet, la ressemblance entre deux êtres. Pierre et Jean sont physiquement très différents, puisqu'ils n'ont pas le même père. Pierre va tout faire pour comprendre pourquoi il a l'impression que son frère est "autre".
Il finit par tout remettre en question, tous les gens autour de lui lui paraissent étrangers.
Plus il s'éloigne des autres, plus il semble devenir autre lui-même. Peut-être se transforme-t-il en le double qui dormait en lui. Pierre semble ainsi étonné de découvrir qu'il est capable de sentiments comme la jalousie. Il semble prendre conscience de quelque chose de nouveau à l'intérieur de lui.
D’abord il perd un frère, donc ses repères. Il sent qu'il n'a plus de place dans sa famille. Il perd son identité de frère, de fils. Il devient autre, véritablement, criminel même comme le laisse entendre la fin du roman.