Les Nuits
Alfred de Musset
1835 - 1837
Dans ce recueil, Alfred de Musset parle de la souffrance qu'éprouve le poète dans la création. De la nuit de mai à la nuit d'octobre, il entraîne le lecteur dans un dialogue entre le poète et la Muse. Tourmenté, le poète tente de trouver l'inspiration, et la Muse, tour à tour maternelle, amie ou amante, essaie de l'aider. Elle le pousse ainsi à chanter, à oublier sa peine, mais le poète s'enferme dans sa douleur. Elle lui demande s'il ne peut pas utiliser cette souffrance pour écrire, mais le poète trouve la tâche trop difficile.
La nuit de décembre est l'obsession de la solitude. Le poète raconte comment un personnage qui lui ressemble comme un frère lui apparaît aux heures les plus tristes de sa vie. Ce double est revenu le voir, maintenant que son amour a été brisé. Il comprend que cette vision est la solitude.
La nuit d'août parle des illusions du plaisir. Le poète accueille avec joie sa Muse. Elle est inquiète car elle sait son bonheur factice. Elle dit qu'il croit être guéri, mais il finira par le regretter. Le poète assure qu'il est heureux dans ses nouvelles amours.
La nuit d'octobre relate les bienfaits de la douleur. Le poète parle de ses souvenirs et bientôt se met à haïr et maudire la femme qui l'a fait souffrir. La Muse le console. Elle assure que cette expérience va lui permettre de mieux apprécier les joies terrestres. Elle le pousse à écrire. Le poète accepte de renaître avec la naissance du jour.
La structure du recueil
Les Nuits est un cycle de quatre poèmes, écrits entre 1835 et 1837. Musset y évoque sa rupture avec l'écrivaine George Sand. Les quatre poèmes suivent une structure dramatique. En effet, chaque poème se présente comme un dialogue, "La Nuit de décembre" étant une conversation entre le poète et son double, les autres entre la Muse et le poète. Ces dialogues soulignent le dédoublement du poète. Il est la marque de la douleur, symbolisée par le poète, et de l'envie de s'arracher à la souffrance, symbolisée par la Muse et le double.
L'ordre des quatre poèmes suit les mois de l'année. On peut suivre le chagrin du poète. Dans "La Nuit de mai", la Muse tente de lui rappeler que le printemps est beau, la nature merveilleuse. Mais le poète s'enferme dans son désespoir. Dans "La Nuit de décembre", le poète s'enfonce dans le malheur. La Muse ne peut plus l'atteindre. C'est son double qui vient lui révéler qu'il sera toujours seul.
La Muse revient dans "La Nuit d'août". Cette fois, les rôles semblent échangés. Elle s'inquiète pour le poète, qui assure qu'il est guéri. Enfin, dans "la Nuit d'octobre", le poète cesse de s'illusionner. Il raconte à la Muse sa triste histoire d'amour. Il accepte la souffrance. Il hait la femme qui l'a fait souffrir. Il se souvient de sa trahison. La Muse l'aide en lui révélant le sens de la douleur dans la vie humaine. Le poète semble renaître.
Le rôle de la Muse
L'inspiration
Dans "La Nuit de mai" le poète évoque la Muse. Elle est, dans la mythologie, celle qui inspire. Elle est représentée sous la forme de neuf filles, celles de Zeus et Mnémosyne (déesse de la mémoire). Chacune de ces muses s'occupe d'un art. Clio est ainsi en charge de l'histoire, Calliope de l'éloquence, Melpomène de la tragédie, Thalis de la comédie, Euterpe de la musique, Terpsichore de la danse, Érato de l'élégie, Polymnie du lyrisme et Uranie de l'astronomie.
La muse est donc l'inspiration poétique. Elle explique au poète qu'il doit exploiter sa souffrance pour écrire. Elle lui décrit comment sont les grands poètes. Ils ne s'intéressent pas à l'éphémère et se sacrifient pour les autres. C'est un martyr. La souffrance permet d'écrire des œuvres immortelles. La poésie exploite donc la souffrance. Musset raconte donc la façon dont la souffrance est à la fois un fardeau et une bénédiction. La muse est ainsi un être merveilleux, elle parle en alexandrins, elle est noble. Elle est un guide.
L'amie, l'amante
Sous la plume du poète, la Muse symbolise aussi l'amante et l'amie. Les nuits dont parle Musset peuvent aussi symboliser la femme. Elle est mystérieuse, elle est infinie. Elle est la mère, la mère du jour, de la nuit. Le symbolisme de la mère est inséparable de celui de la Muse pour le poète. Si elle est vie, amour, amitié, aide, protectrice, la Muse néanmoins, la femme, est aussi la mort. Ainsi, à la fin du poème "La Nuit de mai" on peut lire :
Ô Muse ! spectre insatiable,
Ne m'en demande pas si long.
L'homme n'écrit rien sur le sable
À l'heure où passe l'aquilon.
J'ai vu le temps où ma jeunesse
Sur mes lèvres était sans cesse
Prête à chanter comme un oiseau ;
Mais j'ai souffert un dur martyre,
Et le moins que j'en pourrais dire,
Si je l'essayais sur ma lyre,
La briserait comme un roseau.
Alfred de Musset
Les Nuits
1835
Le lyrisme
Musset est considéré un "enfant du siècle", un poète de la jeunesse, de l'amour, mais aussi de la débauche, de la mélancolie. Il se montre innocent ou cruel, insouciant ou sceptique. Il peut être très cynique. C'est la dualité de l'Homme qui est ainsi montrée.
L'amour et la douleur sont intimement liés dans ses vers. La souffrance devient une sœur, mais elle permet surtout de créer : "faire une perle d'une larme". Le lyrisme du poète est ainsi très présent, célébrant l'amour et la douleur.
Néanmoins, ce lyrisme est souvent tempéré par l'ironie du poète. En effet, le héros se montre souvent dur, froid. Il est romantique, mais ambigu. Les passions sont essentielles pour lui, mais la mélancolie l'habite. On appelle cela "le mal du siècle". Musset représente ainsi parfaitement son temps et la jeunesse.