Sommaire
IUn éloge du théâtreIIL'universalité du théâtreIIIUn art de l'illusionIVLe théâtre pour être libreALCANDRE :
Ainsi de notre espoir la fortune se joue :
Tout s'élève ou s'abaisse au branle de sa roue :
Et son ordre inégal qui régit l'univers,
Au milieu du bonheur a ses plus grands revers.
PRIDAMANT :
Cette réflexion, mal propre pour un père,
Consolerait peut-être une douleur légère ;
Mais, après avoir vu mon fils assassiné,
Mes plaisirs foudroyés, mon espoir ruiné,
J'aurais d'un si grand coup l'âme bien peu blessée,
Si de pareils discours m'entraient dans la pensée.
Hélas ! dans sa misère il ne pouvait périr ;
Et son bonheur fatal lui seul l'a fait mourir.
N'attendez pas de moi des plaintes davantage :
La douleur qui se plaint cherche qu'on la soulage ;
La mienne court après son déplorable sort.
Adieu ; je vais mourir, puisque mon fils est mort.
ALCANDRE :
D'un juste désespoir l'effort est légitime,
Et de le détourner je croirais faire un crime.
Oui, suivez ce cher fils sans attendre à demain ;
Mais épargnez du moins ce coup à votre main ;
Laissez faire aux douleurs qui rongent vos entrailles,
Et pour les redoubler voyez ses funérailles.
(Ici on relève la toile, et tous les comédiens paraissent avec leur portier, qui comptent de
l'argent sur une table, et en prennent chacun leur part.)
PRIDAMANT :
Que vois-je ? Chez les morts compte-t-on de l'argent ?
ALCANDRE :
Voyez si pas un d'eux s'y montre négligent.
PRIDAMANT :
Je vois Clindor, Rosine ! Ah Dieu ! quelle surprise !
Je vois ses assassins, je vois sa femme et Lise !
Quel charme en un moment étouffe leurs discords,
Pour assembler ainsi les vivants et les morts ?
ALCANDRE :
Ainsi tous les acteurs d'une troupe comique,
Leur poème récité, partagent leur pratique :
L'un tue, et l'autre meurt, l'autre vous fait pitié ;
Mais la scène préside à leur inimitié.
Leurs vers font leurs combats, leur mort suit leurs paroles,
Et, sans prendre intérêt en pas un de leurs rôles,
Le traître et le trahi, le mort et le vivant,
Se trouvent à la fin amis comme devant.
Votre fils et son train ont bien su par leur fuite,
D'un père et d'un prévôt éviter la poursuite ;
Mais tombant dans les mains de la nécessité,
Ils ont pris le théâtre en cette extrémité.
PRIDAMANT :
Mon fils comédien !
ALCANDRE :
D'un art si difficile
Tous les quatre, au besoin en ont fait leur asile ;
Et, depuis sa prison, ce que vous avez vu,
Son adultère amour, son trépas imprévu,
N'est que la triste fin d'une pièce tragique
Qu'il expose aujourd'hui sur la scène publique,
Par où ses compagnons et lui dans leur métier
Ravissent à Paris un peuple tout entier.
Le gain leur en demeure, et ce grand équipage,
Dont je vous ai fait voir le superbe étalage,
Est bien à votre fils, mais non pour s'en parer
Qu'alors que sur la scène il se fait admirer.
Corneille
L'Illusion comique
1639
Un éloge du théâtre
- Alcandre fait l'éloge du théâtre à Pridamant.
- Il utilise le superlatif de supériorité "le plus".
- Le discours est hyperbolique et positif avec notamment le verbe "idôlatrer".
- On trouve de nombreux termes mélioratifs : "grand équipage", bel étalage", "parer", "admirer".
- On note la présence de l'adverbe d'intensité "si" : "si beau".
- Une énumération rappelle la richesse du théâtre : "l'entretien de Paris…plaisir des grands".
- Le théâtre est un "art" : "équipage", "parer".
L'universalité du théâtre
- Le théâtre est reconnu par tout le monde.
- Des termes soulignent cette universalité : "peuple tout entier", "par où ses compagnons", "tout entier".
- C'est un théâtre qu'on trouve à la ville et à la campagne : "Paris", "province". Il y a une diversité des spectateurs. L' énumération insiste sur cette idée.
- Le théâtre est même apprécié par les plus grands, il y a une référence à Richelieu avec "sagesse profonde".
- Le théâtre est donc reconnu partout et par tout le monde.
Un art de l'illusion
- Le théâtre est l'art de l'illusion par excellence.
- "Art" signifie "artifice". Dans la pièce, l'artifice est la fausse mort de Clindor, les beaux habits qui font croire qu'il est riche. Le théâtre crée donc l'illusion, c'est un art.
- Il y a une revendication du métier d'acteur. Clindor n'est pas mort, et il est heureux d'être acteur. C'est plus important que tout le reste.
- Le théâtre permet l'illusion aussi dans le sens où le spectateur pensait que Pridamant était acteur de l'histoire. Finalement, comme lui, il se retrouve spectateur.
Le théâtre pour être libre
- Pridamant, homme noble, s'intéresse à "l'honneur" et la "gloire". Au final, il est heureux que son fils soit acteur. Il y a donc de la noblesse dans ce métier.
- Le théâtre a apporté la gloire à Clindor, et lui permet de gagner sa vie.
- Le théâtre permet de se libérer de sa condition sociale. On peut jouer des princes, des rois, des paysans, des nobles, etc.
- L'utilisation de l'impératif "cessez" souligne qu'il ne faut plus dévaloriser le théâtre.
- On trouve le champ lexical du plaisir : "divertissement", "plaisir", "délices", "douceurs" et "se délasser". Plaisir du spectateur à venir au théâtre.
- Il y a l'idée que le spectacle permet d'oublier son "fardeau".
- Le théâtre permet de libérer le spectateur. Idée de la catharsis.
Pourquoi le théâtre est-il noble ?
I. L'universalité du théâtre
II. L'art de l'illusion
III. Le théâtre, vers la liberté
Comment Corneille défend-il le métier d'acteur dans cette scène ?
I. Un métier qui apporte gloire et honneur
II. Un métier qui permet de changer de peau
III. Un métier qui permet de se libérer et libérer les autres
En quoi le théâtre est-il universel d'après Alcandre ?
I. Le théâtre, en ville et en province
II. L'universalité des spectateurs
III. Vers la liberté