Sommaire
ILa parodie de la scienceIIL'échec de la scienceIIIUne réflexion sur le langageIVLe rapport à DieuVLe rire face à la condition humaineLUCKY (débit monotone) :
Étant donné l'existence telle qu'elle jaillit des récents travaux publics de Poinçon et Wattmann d'un Dieu personnel quaquaquaqua à barbe blanche quaqua hors du temps de l'étendue qui du haut de sa divine apathie sa divine athambie sa divine aphasie nous aime bien à quelques exceptions près on ne sait pourquoi mais ça viendra et souffre à l'instar de la divine Miranda avec ceux qui sont on ne sait pourquoi mais on a le temps dans le tourment dans les feux dont les feux les flammes pour peu que ça dure encore un peu et qui peut en douter mettront à la fin le feu aux poutres assavoir porteront l'enfer aux nues si bleues par moments encore aujourd'hui et calmes si calmes d'un calme qui pour être intermittent n'en est pas moins le bienvenu mais n'anticipons pas et attendu d'autre part qu'à la suite des recherches inachevées n'anticipons pas des recherches inachevées mais néanmoins couronnées par l'Acacacacadémie d'Anthropopopométrie de Berne-en-Bresse de Testu et Conard il est établi sans autre possibilité d'erreur que celle afférente aux calculs humains qu'à la suite des recherches inachevées inachevées de Testu et Conard il est établi tabli tabli ce qui suit qui suit qui suit assavoir mais n'anticipons pas on ne sait pourquoi à la suite des travaux de Poinçon et Wattmann il apparaît aussi clairement si clairement qu'en vue des labeurs de Fartov et Belcher inachevés inachevés on ne sait pourquoi de Testu et Conard inachevés inachevés il apparaît que l'homme contrairement à l'opinion contraire que l'homme en Bresse de Testu et Conard que l'homme enfin bref que l'homme en bref enfin malgré les progrès de l'alimentation et de l'élimination des déchets est en train de maigrir et en même temps parallèlement on ne sait pourquoi malgré l'essor de la culture physique de la pratique des sports tels tels tels le tennis le football la course et à pied et à bicyclette la natation l'équitation l'aviation la conation le tennis le camogie le patinage et sur glace et sur asphalte le tennis l'aviation les sports les sports d'hiver d'été d'automne d'automne le tennis sur gazon sur sapin et sur terre battue l'aviation le tennis le hockey sur terre sur mer et dans les airs la pénicilline et succédanés bref je reprends en même temps parallèlement de rapetisser on ne sait pourquoi malgré le tennis je reprends l'aviation le golf tant à neuf qu'à dix-huit trous le tennis sur glace bref on ne sait pourquoi en Seine Seine-et-Oise Seine-et-Marne Marne-et-Oise assavoir en même temps parallèlement on ne sait pourquoi de maigrir rétrécir je reprends Oise Marne bref la perte sèche par tête de pipe depuis la mort de Voltaire étant de l'ordre de deux doigts cent grammes par tête de pipe environ en moyenne à peu près chiffres ronds bon poids déshabillé en Normandie on ne sait pourquoi bref enfin peu importe les faits sont là et considérant d'autre part ce qui est encore plus grave qu'il ressort ce qui est encore plus grave qu'à la lumière la lumière des expériences en cours de Steinweg et Petermann il ressort ce qui est encore plus grave qu'il ressort ce qui est encore plus grave à la lumière la lumière des expériences abandonnées de Steinweg et Petermann qu'à la campagne à la montagne et au bord de la mer et des cours et d'eau et de feu l'air est le même et la terre assavoir l'air et la terre par les grands froids l'air et la terre faits pour les pierres et les grands froids hélas au septième de leur ère l'éther la terre la mer pour les pierres par les grands fonds les grands froids sur mer sur terre et dans les airs peuchère je reprends on ne sait pourquoi malgré le tennis les faits sont là on ne sait pourquoi je reprends au suivant bref enfin hélas au suivant pour les pierres qui peut en douter je reprends mais n'anticipons pas je reprends la tête en même temps parallèlement on ne sait pourquoi malgré le tennis au suivant la barbe les flammes les pleurs les pierres si bleues si calmes hélas la tête la tête la tête la tête en Normandie malgré le tennis les labeurs abandonnés inachevés plus grave les pierres bref je reprends hélas hélas abandonnés inachevés la tête la tête en Normandie malgré le tennis la tête hélas les pierres Conard Conard… (Mêlée. Lucky pousse encore quelques vociférations.) Tennis !... Les pierres !... Si calmes !… Conard !... Inachevés !...
Samuel Beckett
En attendant Godot
1953
La parodie de la science
- Il s'agit d'une tirade qui parodie le langage scientifique.
- Il utilise des expressions comme "étant donné" ou encore "à la suite des recherches".
- Lucky semble mettre en place une argumentation avec une hypothèse, une démonstration et une conclusion.
- Il propose trois hypothèses qui sont absurdes : Dieu est personnel ; l'homme s'amaigrit ; l'air à la campagne, à la montagne et à la mer est le même. On ne sait même pas ce que cherche à prouver Lucky.
- Beckett se moque des scientifiques et de l'autorité qu'ils s'arrogent.
L'échec de la science
- La science est à ses limites et ne peut pas expliquer l'impossibilité de communiquer.
- L'homme subit un "amaigrissement". La science ne peut pas répondre à ce problème.
- Lucky a peur de la science. Il a peur de cet amaigrissement. Il fait de l'homme une chose. Ici, on doit se rappeler que Beckett écrit après la Seconde Guerre mondiale, donc après la découverte des corps squelettiques des hommes retrouvés dans les camps de concentration et d'extermination nazis. Beckett exprime sa méfiance à l'égard de la science. Il y avait quelque chose de très scientifique dans l'extermination des Juifs par les nazis.
- La science a séparé l'homme de Dieu. Elle lui a donné une image ridicule, le Dieu "à barbe blanche".
Une réflexion sur le langage
- Lucky répète toujours la même chose, il utilise beaucoup de syllabes. On a l'impression d'un discours enrayé.
- Les phrases de Lucky n'ont pas de sens. Il n'y a pas de lien logique entre chaque expression.
- Le mot est ici vu comme une chose matérielle.
Ce n'est pas le sens du mot qui compte, c'est le son. Il y a un jeu sur les rimes, les sonorités, par exemple avec "bref" et "Bresse". - Le langage est mécanique, avec énumérations répétitives, des précisions qui ne servent à rien comme "je reprends l'aviation le golf tant à neuf qu'à dix-huit trous le tennis".
Le rapport à Dieu
- La description de Dieu est originale. On peut souligner la répétition de l'adjectif "divine", associé à des termes qui sont rarement rapprochés de Dieu : "athambie", "aphasie", "apathie". Dieu est un être qui n'agit pas.
- Le terme "apathie" renvoie à l'incapacité pour Dieu d'éprouver des émotions, et son incapacité à communiquer. C'est une vision de Dieu qui peut être choquante, mais qui souligne que les hommes discutent rarement avec Dieu. Dieu ne s'adresse pas aux hommes.
- L'expérience humaine avec Dieu est pleine de frustration. Dieu ne répond pas, il n'explique pas. Il faut avoir la foi, ne pas le remettre en doute, mais cela est parfois impossible.
- Le langage ne permet pas d'exprimer ce que l'homme ne connaît pas. Il ne peut pas parler de Dieu.
Le rire face à la condition humaine
- L'homme est toujours seul. Sa condition humaine est tragique. Toutes les tentatives pour donner un sens à la vie sont vouées à l'échec.
- Ces conclusions sont tragiques. Elles peuvent mener au nihilisme. Il n'y a aucun espoir.
- Toutefois, la réaction à ce monologue de Lucky est le rire.
- Le jeu de Lucky est parodique.
- Le débit de parole est soutenu.
- Le personnage paraît fou.
- Il y a plusieurs références scatologiques.
- Tous ces éléments comiques sont une façon de dire au spectateur que face à l'absurdité de la condition humaine il ne reste qu'une seule chose, le rire.
En quoi cette scène est-elle une parodie de la science ?
I. L'apparence d'un discours scientifique
II. Un discours qui tourne à vide
III. L'échec de la science
En quoi ce monologue est-il déroutant ?
I. L'apparence d'un discours scientifique
II. Le non sens de la parole
III. Le comique de Lucky
Quels thèmes sont abordés dans cette scène ?
I. La science et son échec
II. Un Dieu impuissant
III. La condition humaine
En quoi cette scène est-elle comique ?
I. Une parodie de la science
II. Le comique de mots et de gestes
III. Le rire pour lutter contre la condition humaine