Pierre Corneille
1606 - 1684
Français
Théâtre (comédie, tragédie, tragi-comédie)
Pierre Corneille
Médée
1635
Pierre Corneille
L'Illusion comique
1636
Pierre Corneille
Le Cid
1637
Pierre Corneille
Horace
1640
Pierre Corneille
Cinna
1641
Pierre Corneille naît à Rouen dans une famille de magistrats de la petite bourgeoisie. C'est un élève studieux qui se passionne pour des philosophes grecs. Devenu avocat à vingt-deux ans, il débute au théâtre par des comédies. Nommé auteur officiel par Richelieu, il refuse le rôle de poète de cour.
Il écrit une première pièce tragique, Médée, dont le succès n'est pas total. Il s'inspire surtout de la pièce que Sénèque écrit sous l'Antiquité romaine et de celle d'Euripide mais y ajoute Égée, un personnage amoureux de la princesse corinthienne. Cette dernière joue un rôle plus important que chez les autres dramaturges. Médée, moins condamnable que chez Sénèque, suscite pitié et terreur devant ses actes.
Le Cid connaît deux ans plus tard un vif succès, au point que Paris ne parle plus que de la pièce. C'est une tragi-comédie, c'est-à-dire que l'action est romanesque, l'intrigue tragique et le dénouement heureux. Quand elle commence à être jouée en janvier 1637, le théâtre du Marais ne désemplit pas et certains soirs les nobles doivent se contenter des niches habituellement réservées aux domestiques. Inspirée d'un récit historique, la tragédie a de quoi séduire un public passionné d'amour et d'héroïsme. Pour venger l'honneur de son père, Rodrigue tue en duel le père de celle qu'il aime et Chimène doit alors réclamer la mort du jeune homme dont elle est toujours amoureuse. Pourtant, un tel succès irrite critiques et écrivains. La pièce va jusqu'à provoquer une querelle littéraire : on lui reproche de ne pas se conformer aux règles du théâtre classique, en faisant tenir trop d'événements en vingt-quatre heures et en ne respectant pas la bienséance, avec une Chimène amoureuse de l'assassin de son père. On accuse également Corneille d'avoir plagié un auteur espagnol et d'avoir négligé les unités de lieu et de temps. Pour Scudéry, un auteur dramatique renommé, Corneille ne respecte ni la vraisemblance ni la bienséance : "il n'est point vraisemblable qu'une fille d'honneur épouse le meurtrier de son père." Le critique condamne cette "fille dénaturée","cette impudique", "ce monstre" qui dit à Rodrigue "cent choses dignes d'une prostituée". L'écrivain de théâtre, "pour instruire en divertissant", ne doit montrer sur scène que des personnages crédibles et exemplaires. Corneille refuse de leur répondre et les défie plutôt de faire mieux que lui.
Les stances de Rodrigue sont aussi critiquées par les partisans du théâtre classique. Structuré comme un poème, le monologue de Rodrigue semble rompre le cours de l'action. Pour l'abbé d'Aubignac, il est invraisemblable "qu'un homme en cet état eût la liberté de faire des chansons" et, en 1660, Corneille lui-même reconnaît que cela "marque un jeu du côté du poète qui n'a rien de naturel du côté de l'acteur". Pourtant, cette scène ravit "toute la cour et tout Paris". Richelieu soutient discrètement les adversaires de Corneille et appuie même l'écriture d'un texte critique contre la pièce par l'Académie française. Mais Le Cid continue de triompher ce qui pousse Richelieu à tenter de réconcilier les deux camps : il impose à l'Académie française de prendre officiellement parti. Le Premier ministre saisit ainsi l'occasion de donner une leçon à un auteur qu'il juge trop indécent : il intervient personnellement dans la rédaction du rapport qui affirme que le sujet du Cid n'est "pas bon, qu'il pèche dans son dénouement, qu'il est chargé d'épisodes inutiles, que la bienséance y manque en beaucoup de lieux".
Corneille, blessé par ce verdict, se tait pendant trois ans. Mais il revient sur ses critiques en 1648 puis en 1660, longtemps après la mort de Richelieu. Pour répondre à l'accusation de plagiat, il publie des vers de Castro dont il s'est inspiré. S'il reconnaît n'avoir pas respecté les unités de temps et de lieu, il souligne qu'Aristote n'avait jamais fixé de telles règles et prend la défense de Chimène en citant les historiens qui font son éloge. Pour lui, elle est une héroïne moderne et touchante.
Or, la réponse est tardive : la querelle du Cid annonce la victoire du théâtre régulier. Avec Horace en 1640, Corneille crée une tragédie parfaitement classique. Elle met en scène des personnages illustres qui doivent s'exprimer dans un style noble. Le niveau lexical, les figures de style, le rythme des vers mettent à distance les situations et les personnages qui doivent provoquer la crainte et la pitié.
L'Illusion comique fait partie des comédies dans lesquelles il fait parler ses personnages avec élégance et humour. Il renouvelle ainsi le genre qui n'était réduit jusqu'à lui qu'à des bouffonneries grossières. Il mélange les genres, le premier acte n'étant qu'un prologue, les suivants une comédie et le dernier une tragédie. L'œuvre, en cinq actes, met en scène un père à la recherche de son fils qu'il n'a pas vu depuis dix ans. Il rencontre un magicien qui va lui dévoiler la vérité sur les années passées loin de son fils. Le capitaine Matamore apparaît dans l'acte II et est un personnage rendu ridicule, faisant penser à ceux de la commedia dell'arte. Il compte notamment "mettre en poudre" le roi de Perse ou le Grand Mongol, le roi des Indes. La pièce ancre la carrière de son auteur.
Le roi Louis XIII anoblit Corneille, qui se marie avec Marie de Lampérière dont il a sept enfants. Il est élu plus tard à l'Académie française. Il se consacre à la tragédie "classique", sans abandonner la comédie à la mode espagnole et les divertissements de cour.
Il fait représenter notamment Horace, qui reprend l'épisode romain de la lutte entre les Horaces et les Curiaces. Le tragique commence dès le prologue et le combat émeut tout le peuple, mettant en valeur les thèmes de l'amour et de l'honneur. Cinna, une autre de ses tragédies, révèle les tensions qui déchirent les sociétés et les êtres humains, comme la guerre, le pouvoir et la religion. Ses héros cherchent à surmonter leurs conflits. En cinq actes, l'empereur Auguste apprend la trahison d'Émilie et de Cinna qui comptent l'assassiner. Il veut d'abord se suicider mais prépare finalement sa vengeance.
Ces deux œuvres montrent que le tragique n'est pas le fruit du hasard, mais le résultat d'une volonté mauvaise venant des dieux comme des hommes. Il refuse le tragique pur car pour lui des êtres libres décident toujours de leur destin. Le "dilemme cornélien" est une expression passée dans le langage courant qui évoque une situation morale où deux solutions sont offertes et présentent chacune des difficultés irréductibles. La vertu héroïque aide le héros chez Corneille à être pleinement lui-même et à conquérir la gloire. Il suscite l'admiration. Corneille donne vie à des héros "généreux" prêts à se sacrifier pour l'honneur et la gloire.
L'échec de Pertharite l'éloigne du théâtre pendant sept ans avant de revenir à la scène avec Œdipe même si le public lui préfère désormais Racine. Le roi lui retire même sa pension en juillet 1675 et elle ne lui est rendue que dans les dernières années de sa vie. Il continue malgré tout à écrire jusqu'à sa mort.
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