Marguerite Yourcenar
1903 - 1987
Française
Roman
Marguerite Yourcenar
Mémoires d'Hadrien
1951
Marguerite Yourcenar
Souvenirs pieux
1974
Marguerite Yourcenar
Archives du Nord
1977
Marguerite Yourcenar
Quoi ? L'Éternité
1988
Marguerite Yourcenar naît à Bruxelles d'un père français et d'une mère belge. Issue d'une famille aisée, elle grandit dans le nord de la France et séjourne ensuite à l'étranger : Grèce, Italie et Amérique où elle devient professeur en 1939. À partir de 1949, elle s'installe dans l'île de Mount-Desert, sur la côte nord-est des États-Unis.
Elle gagne plusieurs prix littéraires et devient en 1980 la première femme élue à l'Académie française. Elle acquiert dans sa jeunesse une culture antique qu'elle enrichit tout au long de sa vie. Elle écrit des poèmes et traduit des poètes grecs, fait du théâtre en puisant dans les mythes antiques. Sa curiosité s'étend aux idées et aux mœurs de la Renaissance en Europe et à diverses cultures. Indépendante des tabous, elle donne vie à des personnages qui capitulent devant leur appétit homosexuel. L'empereur Hadrien, par exemple, l'assume.
Marguerite Yourcenar est immoraliste et non conforme. Son esprit satirique exprime une volonté de demeurer objective. Son originalité réside dans son intention de "faire vivre ou revivre" des personnages imaginaires ou réels. Elle ne se contente pas de s'appuyer comme les historiens sur une information précise car elle veut "refaire du dedans ce que les archéologues du XIXe siècle ont fait du dehors". Elle cherche à s'installer "dans l'intimité d'un autre temps" en prenant "possession d'un monde intérieur".
Elle écrit Les Mémoires d'Hadrien, qui se présente comme un texte écrit par l'empereur à son petit-fils, le futur Marc-Aurèle. Les lecteurs découvrent ces mémoires comme s'ils étaient authentiques. L'auteure s'est documentée pour ressusciter tout un monde : le cadre de vie, les individus, les mains, les croyances, les activités militaires et politiques. Elle recrée les pensées et les sentiments de l'empereur, qui s'exprime à la première personne. C'est, dit-elle, le "portrait d'une voix". Le lecteur découvre le soldat courageux, le politique cynique et ses manœuvres pour accéder au trône puis ses négociations avec les adversaires, l'homme d'État, organisateur, soucieux du bonheur du peuple et aspirant à la perfection jusqu'à "se sentir Dieu". C'est aussi un être humain qui médite sur la sagesse, la maladie, la mort, l'amour, le courage, la liberté, l'esclavage, la condition féminine, le christianisme, le suicide auquel il finit par renoncer. La voix de Marguerite Yourcenar montre une femme historienne, romancière et poète.
Marguerite Yourcenar réunit deux ouvrages consacrés l'un à la lignée maternelle, Souvenirs pieux, l'autre à son ascendance paternelle, Archives du nord. Le troisième tome s'intitule Quoi ? L'éternité et ne sera publié qu'après sa mort. Au début d'Archives du nord, elle expose elle-même ses intentions : elle "alimente de sa substance" ce qu'elle fait revivre, en puisant dans une multitude de documents intimes que sont les souvenirs, les témoignages, les traditions, les archives, les lettres et les photographies. Ils se complètent par la connaissance de mœurs contemporaines et l'estimation des probabilités et des vraisemblances. C'est un travail d'historien qui s'efforce d'être objectif. Elle parle des siens, mais n'hésite pas à faire état des travers et des tares aussi bien que des aspects plus estimables. Mais elle reconnaît qu'il s'agit d'une "vérité multiple, instable, évasive".
Dans Souvenirs pieux, au lieu de ressusciter le passé, elle s'attache à imaginer l'avenir de sa mère morte en la mettant au monde. Elle ne dispose pas d'archives pour "construire" cette existence, elle ne peut donc qu'envisager des possibilités d'après ce qu'elle sait des mœurs du temps et les comportements humains. C'est donc à partir de rien ou presque rien qu'elle parvient à donner le jour à sa mère pour ces années qu'elle n'a pas vécues. Elle s'efforce de rester objective, ce qui rend plus émouvantes ses confidences sur les sentiments qu'elle éprouve en écrivant ces lignes.
Dans une interview pour le Paris Review publiée en 1988, Yourcenar parle ainsi de la mort : "J'y pense tout le temps. Il y a des moments où je suis tentée de croire qu'au moins une partie de la personnalité survit, et d'autres où je ne le pense pas du tout. Je suis tentée de voir les choses comme le fait Honda, dans le dernier livre de Mishima, celui qu'il a terminé le jour de sa mort."
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