Agrippa d'Aubigné
1552 - 1630
Français
Poésie
Agrippa d'Aubigné
Les Tragiques
1616
Théodore Agrippa d'Aubigné naît dans l'hôtel Saint-Maury près de Pons, en Saintonge, d'un père gentilhomme et calviniste. Il apprend dès son plus jeune âge le latin, le grec et l'hébreu et traduit à l'âge de sept ans le Criton de Platon. Il poursuit ses études à Paris puis à Genève, où il se perfectionne en théologie auprès de Théodore de Bèze.
Il écrit des vers dès l'âge de seize ans. Son enfance lui fait voir aussi les horreurs de la guerre civile. Son père lui demande de jurer de venger les protestants exécutés après l'échec de la conjuration. En 1568, après s'être enfuit de la maison de son tuteur, il combat avec les huguenots. Durant sa jeunesse mondaine, il écrit d'abord une poésie profane mais, à partir de cette année, charnière pour lui, il combat pour sa foi, avec sa plume comme épée.
Au cours d'une trêve, il s'éprend, au château de Talcy, de Diane Salviati, qui n'est autre que la nièce de la Cassandre de Ronsard. Mais Diane est catholique et les deux jeunes gens ne peuvent donc pas se marier. Diane le soigne d'une blessure suite à une agression et il aurait eu une vision qui lui inspire quelques années plus tard la réalisation des Tragiques, son chef-d'œuvre.
En 1573, devenu écuyer d'Henri de Navarre, il le rejoint à Paris. Son séjour à la cour ajoute à ses Tragiques des accents satiriques et des pensées morales très sérieuses. Il quitte ensuite les lieux en 1567 en compagnie de son maître pour reprendre la lutte aux côtés d'autres protestants. En 1577, il se retrouve grièvement blessé durant le combat de Casteljaloux et frôle la mort. C'est alors qu'il se décide à ébaucher Les Tragiques. Il faut attendre quarante ans pour voir la première parution de son œuvre, en 1616.
Continuant sa lutte aux côtés de son prince, jusqu'à l'entrée à Paris qui met fin aux guerres de religion, il s'insurge ensuite contre l'édit de Nantes qui tolère la religion réformée. Il se retire alors en Vendée où il exerce la fonction de gouverneur tout en restant fidèle à son roi. En éternel militant, il reprend les armes sous Louis XIII et doit finalement se réfugier à Genève où il meurt.
Agrippa d'Aubigné possède les qualités comme les défauts de son temps, incarnant la démesure et la violence du XVIe siècle : ses haines furieuses et la chaleur de sa foi aboutissent chez lui au fanatisme. Il ne fait preuve d'aucune impartialité ni d'aucune tolérance.
Son œuvre, empreinte d'histoire, de lyrisme et de satire, qui relève du genre de l'épopée est un long poème composé de six livres. Cri de haine maudissant les catholiques, hymne à la gloire des protestants persécutés et de leur dieu, elle est plus qu'une satire ou un pamphlet et fait penser dans sa forme à la Divine comédie de Dante.
Le poète part de la terre pour s'élever jusqu'au ciel. Le merveilleux chrétien intervient en permanence : Dieu, partout présent et agissant, est vivant et passionné. Les justes sont tentés par Satan mais Dieu, qui veille sur eux, leur réserve une place de martyr. La France personnifiée reprend vie, dans le rôle d'une mère dont les deux enfants, catholiques et protestants, se déchirent : "je n'ai plus que du sang pour votre nourriture", leur dit-elle. Le poète, nourri de la Bible, présente à son lecteur la résurrection des morts, le Jugement dernier, l'Enfer et le Ciel.
Grâce à cette inspiration biblique, Agrippa d'Aubigné confère aux événements de son époque une valeur éternelle et universelle, faisant comparaître devant le tribunal divin tout le genre humain. Son œuvre, bien que polémique, devient une épopée morale et mystique. Elle n'a pas de succès à sa parution en raison de sa violence et de ses hardiesses littéraires.
Sainte-Beuve et le mouvement romantique vont plus tard l'apprécier car sa poésie est classique dans sa longueur, ses répétitions et son réalisme osé. Le lecteur avec l'horreur des scènes des vers d'inspiration baroque, raison pour laquelle le style du poète paraît parfois moins accessible que celui de Ronsard dans ses discours.
La guerre civile le scandalise et le fait pousser un cri fait de pitié, de révolte et de dégoût. Il recherche les responsables et ce sont selon lui les rois et leurs vices, les courtisans et leurs mensonges, les juges et leur iniquité. Il fait ensuite défiler les martyrs protestants, évoque les combats, les massacres de ces guerres de religion et prévient que la colère divine menace leurs coupables.
Agrippa d'Aubigné se retrouve contraint de quitter le pays pour Genève après que le Parlement condamne son Histoire universelle depuis 1550 jusqu'en 1601. Il y passe les dix-sept dernières années de sa vie durant lesquelles il se marie.
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