Sommaire
IUn but : promouvoir le savoirIIFormer les espritsIIIL'humanisme de DiderotIVUne portée polémiqueVLes auteurs de l'EncyclopédieEncyclopédie
Ce mot signifie enchaînement de connaissances ; il est composé de la préposition grecque ev, en, et des substantifs kuklov, cercle, et paideia, connaissance.
En effet, le but d'une encyclopédie est de rassembler les connaissances éparses sur la surface de la Terre ; d'en exposer le système général aux hommes avec qui nous vivons, et de le transmettre aux hommes qui viendront après nous ; afin que les travaux des siècles passés n'aient pas été des travaux inutiles pour les siècles qui succéderont ; que nos neveux, devenant plus instruits, deviennent en même temps plus vertueux et plus heureux, et que nous ne mourions pas sans avoir bien mérité du genre humain [...].
Une considération, surtout, qu'il ne faut point perdre de vue, c'est que si l'on bannit l'homme ou l'être pensant et contemplateur de dessus la surface de la terre, ce spectacle pathétique et sublime de la nature n'est plus qu'une scène triste et muette. L'Univers se tait ; le silence et la nuit s'en emparent. Tout se change en une vaste solitude où les phénomènes inobservés se passent d'une manière obscure et sourde. C'est la présence de l'homme qui rend l'existence des êtres intéressante; et que peut-on se proposer de mieux dans l'histoire des êtres, que de se soumettre à cette considération ? [...]
Nous avons vu que cette forme alphabétique, qui nous ménageait à chaque instant des repos, qui répandait tant de variété dans le travail, et qui, sous ces points de vue, paraissait si avantageuse à suivre dans un long ouvrage, avait ses difficultés qu'il fallait surmonter à chaque instant. Nous avons vu qu'elle exposait à donner aux articles capitaux une étendue immense, si l'on y faisait entrer tout ce qu'on pouvait assez naturellement espérer d'y trouver ; ou à les rendre secs et appauvris, si, à l'aide des renvois, on les élaguait, et si l'on en excluait beaucoup d'objets qu'il n'était pas possible d'en séparer. Nous avons vu combien il était important et difficile de garder un juste milieu. Nous avons vu combien il échappait de choses inexactes et fausses ; combien on en omettait de vraies. Nous avons vu qu'il n'y avait qu'un travail de plusieurs siècles, qui pût introduire entre tant de matériaux rassemblés, la forme véritable qui leur convenait ; donner à chaque partie son étendue ; réduire chaque article à une juste longueur ; supprimer ce qu'il y a de mauvais ; suppléer ce qui manque de bon, et finir un ouvrage qui remplît le dessein qu'on avait formé, quand on l'entreprit. Mais nous avons vu que de toutes les difficultés, une des plus considérables, c'était de le produire une fois, quelqu'informe qu'il fût, et qu'on ne nous ravirait pas l'honneur d'avoir surmonté cet obstacle. Nous avons vu que l'Encyclopédie ne pouvait être que la tentative d'un siècle philosophe ; que ce siècle était arrivé ; que la renommée, en portant à l'immortalité les noms de ceux qui l'achèveraient, peut-être ne dédaignerait pas de se charger des nôtres ; et nous nous sommes sentis ranimés par cette idée si consolante et si douce, qu'on s'entretiendrait aussi de nous, lorsque nous ne serions plus.
Denis Diderot
Encyclopédie
XVIIIe siècle
Un but : promouvoir le savoir
- L'Encyclopédie est une entreprise de promotion du savoir.
- Dès le début, Diderot affirme cette volonté d'enseigner à tous : "Ce mot signifie enchaînement de connaissances ; il est composé de la préposition grecque en, et des substantifs kuklos, cercle, et paideia, connaissance." L'auteur fait référence à l'étymologie du mot. Le texte a donc une visée didactique et une ambition éducative.
- L'œuvre est montrée comme objective et savante.
- Diderot présente la genèse du projet : "le but d'une encyclopédie est de rassembler les connaissances éparses sur la terre". C'est une entreprise colossale, il s'agit de réunir toutes les connaissances.
- L'Encyclopédie est une entreprise éducative : "transmettre aux hommes".
- C'est aussi une entreprise dans la durée : "qui viendront après nous". Il y a dans cette formule une idée de postérité.
- La notion de totalité est véhiculée par de nombreuses expressions : "sur la Terre", "toutes", "tout", "connaissance humaine", "sans exception".
Former les esprits
- Volonté non pas seulement d'instruire mais de former les esprits, c'est-à-dire de développer l'esprit critique.
- Le but de l'œuvre est de permettre aux hommes d'"oser voir", de les rendre "éclairé(s)".
- Diderot dénonce les inventeurs qui veulent qu'on les croit sans réfléchir : "les productions qu'on devait regarder comme le premier degré, prises aveuglément pour le dernier terme, au lieu d'avancer un art à sa perfection, n'ont servi qu'à le retarder, en réduisant les autres hommes à la condition servile d'imitateurs".
- Métaphore de la lumière et de l'obscurité : "Ne serait-il pas à souhaiter qu'au lieu d'éclairer l'étranger, nous pussions répandre sur lui des ténèbres, et plonger dans la barbarie le reste de la terre, afin de le dominer plus sûrement?" Dénonciation de l'ignorance qui rend les hommes serviles et manipulables.
L'humanisme de Diderot
- On perçoit dans ce texte de l'amour pour le genre humain. Diderot a foi en l'Homme. On peut d'ailleurs noter la répétition de "aux hommes".
- L'Homme est au cœur de l'entreprise de l'Encyclopédie. C'est un texte qui lui est destiné, dans le présent et pour l'avenir.
- L'Encyclopédie n'est pas une entreprise personnelle, c'est une entreprise humaine : "liés seulement par l'intérêt général du genre humain, et par un sentiment de bienveillance réciproque".
- Diderot cherche le bonheur de l'Homme et sa liberté. Le savoir et le bonheur sont liés : "que nos neveux, devenant plus instruits, deviennent en même temps plus vertueux et plus heureux".
- Le but de l'œuvre est exprimé dans la formule suivante : "le bonheur des siècles à venir et de l'espèce entière".
- La liberté naît du savoir. Un Homme non instruit devient barbare et il est manipulé par les autres.
Une portée polémique
- Diderot dénonce certaines façons de penser.
- On perçoit la volonté des philosophes des Lumières de modifier les anciennes habitudes de penser.
- Il y a une opposition entre un esprit de "hardiesse" et l'esprit des siècles passés, désignés comme les "siècles pusillanimes du goût".
- Diderot utilise le registre polémique pour dénoncer les siècles passés : "Il faut tout examiner, tout remuer sans exception et sans ménagement". On peut noter des expressions telles que "sans ménagement" qui soulignent que tous les moyens sont bons pour parvenir à cette fin.
- "Il faut fouler aux pieds toutes ces vieilles puérilités ; renverser les barrières que la raison n'aura point posées ; rendre aux sciences et aux arts une liberté". On peut remarquer le recours au vocabulaire de la révolution : "fouler aux pieds", "renverser", "rendre".
- Ce texte contient l'idée d'une révolte intellectuelle qui est marquée par une certaine violence.
Les auteurs de l'Encyclopédie
- Diderot évoque les auteurs de l'Encyclopédie. Si elle se veut universelle, les auteurs de l'œuvre sont tout de même un certain groupe d'hommes.
- Ce sont des hommes qui s'opposent à l'absolutisme, donc au pouvoir du monarque en place.
- Ce sont des hommes pacifiques : "liés [...] par un sentiment de bienveillance réciproque".
- Diderot avoue que les rédacteurs de l'Encyclopédie appartiennent à un certain groupe de personnes : "ouvrage qui ne s'exécutera que par une société de gens de lettres et d'artistes". Il exprime une restriction avec "ne... que...".
- Les rédacteurs de cet ouvrage sont des personnes issues du milieu littéraire, proches de Diderot.
- On peut observer une rupture marquée par l'emploi de la première personne : "j'ai dit".
- L'entreprise objective et universelle de l'Encyclopédie semble donc en contradiction avec ses rédacteurs et la subjectivité de Diderot.
Comment Diderot définit-il l'entreprise de l'Encyclopédie ?
I. Une œuvre universelle
II. Former les esprits
III. Une vision humaniste
En quoi cette définition est-elle surprenante ?
I. La subjectivité de Diderot
II. Une dénonciation de l'intolérance
III. Un ton polémique
Pourquoi peut-on dire qu'il y a un paradoxe dans l'entreprise de l'Encyclopédie ?
I. Une entreprise humaniste : le savoir pour tous
II. La tonalité polémique
III. Les auteurs de l'Encyclopédie : un cercle restreint
En quoi l'Encyclopédie est-elle une entreprise humaniste ?
I. Le savoir pour tous
II. Former l'esprit critique
III. Un but : le bonheur et la liberté de l'Homme