Sommaire
ILa puissance oratoireIIUne définition de la négritudeIIILe souvenir de l'esclavageIVUne réappropriation de l'HistoireCe discours prononcé à l'Université internationale de Floride redéfinit la "Négritude". Créé dans les années 1930, ce terme controversé visait à dénoncer le colonialisme et à revaloriser la culture africaine.
La Négritude, à mes yeux, n'est pas une philosophie.
La Négritude n'est pas une métaphysique.
La Négritude n'est pas une prétentieuse conception de l'univers.
C'est une manière de vivre l'histoire dans l'histoire - l'histoire d'une communauté dont l'expérience apparaît, à vrai dire, singulière avec ses déportations de populations, ses transferts d'hommes d'un continent à l'autre, les souvenirs de croyances lointaines, ses débris de cultures assassinées.
Comment ne pas croire que tout cela qui a sa cohérence constitue un patrimoine ?
En faut-il davantage pour fonder une identité ?
Les chromosomes m'importent peu. Mais je crois aux archétypes.
Je crois à la valeur de tout ce qui est enfoui dans la mémoire collective de nos peuples et même dans l'inconscient collectif.
Je ne crois pas que l'on arrive au monde le cerveau vide comme on y arrive les mains vides.
Je crois à la vertu plasmatrice des expériences séculaires accumulées et du vécu véhiculé par les cultures.
Singulièrement, et soit dit en passant, je n'ai jamais pu me faire à l'idée que des milliers d'hommes africains que la traite négrière transporta jadis aux Amériques ont pu n'avoir eu d'importance que celle que pouvait mesurer leur seule force animale - une force animale analogue et pas forcement supérieure a celle du cheval ou du boeuf - et qu'ils n'ont pas féconde d'un certain nombre de valeurs essentielles, les civilisations naissantes dont ces sociétés nouvelles étaient en puissance les porteuses.
C'est dire que la Négritude au premier degré peut se définir d'abord comme prise de conscience de la différence, comme mémoire, comme fidélité et comme solidarité.
Mais la Négritude n'est pas seulement passive.
Elle n'est pas de l'ordre du pâtir et du subir.
Ce n'est ni un pathétisme ni un dolorisme.
La Négritude résulte d'une attitude active et offensive de l'esprit.
Elle est sursaut, et sursaut de dignité.
Elle est refus, je veux dire refus de l'oppression.
Elle est combat, c'est-à-dire combat contre l'inégalité.
Aimé Césaire
"Discours sur la négritude"
1987
La puissance oratoire
- La force du texte repose sur la puissance oratoire du discours.
- Il y a l'affirmation du locuteur qui revendique sa négritude, qui est impliqué dans le combat. La première personne du singulier est utilisée, cela donne un côté personnel au discours. C'est Césaire qui a fondé le mouvement de la négritude.
- Le langage est maîtrisé. Il utilise des passages plus courts qui ressemblent parfois à des vers, et peuvent facilement être retenus. Il y a un contraste avec les phrases plus longues.
- Les phrases courtes sont accrocheuses et frappantes, les phrases longues servent à développer les arguments et les idées.
- On retrouve des répétitions et des anaphores ("la négritude", "je crois", "elle est") qui donnent un côté poétique au texte et renforcent sa force oratoire.
- Les allitérations rendent le texte vivant.
- Le changement de rythme met valeur les idées et interpelle le public.
Une définition de la négritude
- Césaire propose une définition de la négritude dans ce texte.
- Il y a le refus d'un système et d'une image du peuple noir. Césaire définit la négritude en précisant ce qu'elle n'est pas. C'est une définition originale qui passe donc par la négation. Il y a une volonté didactique, Césaire entend expliquer que la négritude a été mal comprise.
- Il y a un refus du registre pathétique : affirmer la force des Noirs.
- On retrouve aussi le refus de la soumission : se libérer de l'histoire de l'esclavage.
- Dans le texte, il y a une opposition entre ce que la négritude est et ce qu'elle n'est pas. Césaire rejette la définition abstraite et l'apitoiement sur les souffrances vécues. Il met en avant le caractère actif des hommes noirs : "féconder", "constituer", "fonder".
- La négritude s'oppose à l'inégalité : "Elle est sursaut, et sursaut de dignité./ Elle est refus, je veux dire refus de l'oppression./ Elle est combat, c'est-à-dire combat contre l'inégalité."
- La négritude est donc un combat.
Le souvenir de l'esclavage
- Césaire rappelle le passé douloureux des Africains. Il revient sur l'esclavage.
- Il insiste sur l'ampleur du phénomène de l'esclavage : nombreuses accumulations, beaucoup de pluriels, des phrases longues lorsqu'il parle de ce passé.
- Il rappelle l'humiliation des hommes noirs qui ont été associés à des animaux ("boeuf", "cheval", "force animal").
- Il utilise des termes péjoratifs en -isme.
- Il fait un devoir de mémoire : "mémoire collective", "nos peuples", "inconscient collectif".
- Il rappelle surtout que les Noirs ne sont pas une race. Il y a une opposition entre "chromosomes" et "archétypes", entre biologie et histoire. L'esclavage ne peut plus jamais être, car il n'est pas justifié, tous les hommes sont des hommes.
Une réappropriation de l'Histoire
- L'affirmation de ce qu'est la négritude passe par une réappropriation de l'Histoire. C'est une histoire commune qui est douloureuse, mais qui permet de donner une identité aux hommes noirs.
- Césaire parle de patrimoine et de valeurs positives : "C'est une manière de vivre l'histoire dans l'histoire - l'histoire d'une communauté dont l'expérience apparaît, à vrai dire, singulière avec ses déportations de populations, ses transferts d'hommes d'un continent à l'autre, les souvenirs de croyances lointaines, ses débris de cultures assassinées."
- On note l'importance d'opposer une richesse au "vide" qu'a créé l'esclavage.
- Le champ lexical de la création rappelle l'importance de se constituer une nouvelle culture.
- Il y a également l'importance de fonder une nouvelle identité : "tout cela qui a sa cohérence constitue un patrimoine", "fonder une identité".
- C'est une nécessité d'ancrer la négritude dans l'Histoire.
Comment Césaire décrit-il la négritude ?
I. Refus du pathétisme et de la soumission
II. Rappel de l'esclavage comme un crime
IIII. Importance de la mémoire et de la création
Qu'est-ce que la négritude n'est pas ?
I. La soumission
II. L'esclavage
III. Le refus du pathétisme
Qu'est-ce qui fait la force de ce discours ?
I. L'implication personnelle
II. Les anaphores et les répétitions
III. Le rythme