Sommaire
IUne introduction au projet de l'Encyclopédie IIL'énonciationIIIUne réponse aux critiquesIVUne œuvre des LumièresDISCOURS PRÉLIMINAIRE DES ÉDITEURS
L'Encyclopédie que nous présentons au Public, est, comme son titre l'annonce, l'Ouvrage d'une société de Gens de Lettres. Nous croirions pouvoir assurer, si nous n'étions pas du nombre, qu'ils sont tous avantageusement connus, ou dignes de l'être. Mais sans vouloir prévenir un jugement qu'il n'appartient qu'aux savants de porter, il est au moins de notre devoir d'écarter avant toutes choses l'objection la plus capable de nuire au succès d'une si grande entreprise. Nous déclarons donc que nous n'avons point eu la témérité de nous charger seuls d'un poids si supérieur à nos forces, et que notre fonction d'Editeurs consiste principalement à mettre en ordre des matériaux dont la partie la plus considérable nous a été entièrement fournie. Nous avions fait expressément la même déclaration dans le corps du Prospectus ; mais elle aurait peut-être dû se trouver à la tête. Par cette précaution, nous eussions apparemment répondu d'avance à une foule de gens du monde, et même à quelques gens de Lettres, qui nous ont demandé comment deux personnes pouvaient traiter de toutes les Sciences et de tous les Arts, et qui néanmoins avoient jeté sans doute les yeux sur le Prospectus, puisqu'ils ont bien voulu l'honorer de leurs éloges. Ainsi, le seul moyen d'empêcher sans retour leur objection de reparaître, c'est d'employer, comme nous faisons ici, les premières lignes de notre ouvrage à la détruire. Ce début est donc uniquement destiné à ceux de nos Lecteurs qui ne jugeront pas à propos d'aller plus loin : nous devons aux autres un détail beaucoup plus étendu sur l'exécution de l'Encyclopédie : ils le trouveront dans la suite de ce Discours, avec les noms de chacun de nos collègues ; mais ce détail si important par sa nature et par sa matière, demande à être précédé de quelques réflexions philosophiques.
L'ouvrage dont nous donnons aujourd'hui le premier volume, a deux objets : comme Encyclopédie, il doit exposer autant qu'il est possible, l'ordre et l'enchaînement des connaissances humaines : comme Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers, il doit contenir sur chaque Science et sur chaque Art, soit libéral, soit mécanique, les principes généraux qui en sont la base, et les détails les plus essentiels, qui en font le corps & la substance. Ces deux points de vue, d'Encyclopédie et de Dictionnaire raisonné, formeront donc le plan et la division de notre Discours préliminaire. Nous allons les envisager, les suivre l'un après l'autre, et rendre compte des moyens par lesquels on a tâché de satisfaire à ce double objet.
Pour peu qu'on ait réfléchi sur la liaison que les découvertes ont entre elles, il est facile de s'apercevoir que les Sciences et les Arts se prêtent mutuellement des secours, et qu'il y a par conséquent une chaîne qui les unit. Mais s'il est souvent difficile de réduire à un petit nombre de règles ou de notions générales, chaque Science ou chaque Art en particulier, il ne l'est pas moins de renfermer en un système qui soit un, les branches infiniment variées de la science humaine.
Le premier pas que nous ayons à faire dans cette recherche, est d'examiner, qu'on nous permette ce terme, la généalogie et la filiation de nos connaissances, les causes qui ont dû les faire naître, et les caractères qui les distinguent ; en un mot, de remonter jusqu'à l'origine et à la génération de nos idées. Indépendamment des secours que nous tirerons de cet examen pour l'énumération encyclopédique des Sciences et des Arts, il ne saurait être déplacé à la tête d'un ouvrage tel que celui-ci.
Jean le Rond d'Alembert, Denis Diderot
L'Encyclopédie
1751
Une introduction au projet de l'Encyclopédie
- Il s'agit d'une introduction à l'Encyclopédie. D'Alembert explicite les enjeux de l'œuvre. Cet avertissement est intitulé "Le Discours préliminaire". Ce n'est pas qu'une préface, mais une véritable explication.
- Les enjeux philosophiques de l'œuvre sont explicités. Il s'agit d'une double entreprise. L'Encyclopédie est conçue comme un "dictionnaire" et une "encyclopédie". Ce qui intéresse les auteurs, c'est une "grande entreprise" qui traite de "toutes les sciences et tous les arts". Il présente la généralité de l'œuvre, un travail titanesque.
- Ces deux objets vont être analysés, le but et de montrer "l'ordre et l'enchaînement des connaissances humaines".
- L'œuvre se penche sur les "sciences" et les "arts". D'Alembert le répète à plusieurs reprises dans le texte.
L'énonciation
- C'est d'Alembert qui écrit le texte, mais il répète le pronom personnel "nous". Ce "nous" inclut l'auteur et Diderot, tous deux éditeurs de l'Encyclopédie : "nous croirions", "nous n'étions". On trouve aussi du possessif : "notre devoir".
- D'Alembert évoque également à plusieurs reprises les autres auteurs de l'Encyclopédie. Il parle ainsi de "nos collègues". Lorsqu'il écrit "notre devoir", ce n'est pas simplement le sien et celui de Diderot, mais de tous les auteurs.
- Il mentionne les personnes à qui l'Encyclopédie est destinée : "au Public", "gens de Lettres", "aux savants". Si l'œuvre a pour but la transmission du savoir et de la connaissance, elle reste une œuvre élitiste que seules les personnes lettrées peuvent vraiment lire.
Une réponse aux critiques
- Ce début du "discours préliminaire" est avant tout une réponse aux critiques faites à l'encontre du projet de l'Encyclopédie.
- D'Alembert évoque avec humour ces critiques. La critique principale est que deux hommes (Diderot et D'Alembert) ne peuvent pas avoir tout le savoir. D'Alembert explicite donc qu'il y a de nombreux autres auteurs. Il explique qu'ils ont décidé de mettre ce texte au début de l'Encyclopédie pour dresser une liste de tous les savants qui ont écrit pour eux. Il existait déjà un "prospectus" avec les noms, mais apparemment cela n'était pas suffisant.
- L'auteur fait de l'humour avec les formules : "si nous n'étions pas du nombre", "avantageusement connus", "dignes de l'être". D'Alembert se flatte et flatte tous ceux qui participent à l'Encyclopédie. Il s'agit de grands philosophes et savants de l'époque des Lumières.
- Il désigne de façon humoristique les critiques : "foule de gens du monde", "et même quelques gens de Lettres".
Une œuvre des Lumières
- Dans ce texte, l'Encyclopédie apparaît bien comme une œuvre des Lumières.
- On retrouve le champ lexical de la connaissance : "savants", "connaissances", "art", "sciences", "lecteurs" ,"Lettres", "découvertes", "idées".
- La découverte et l'apprentissage sont mis en avant. D'Alembert explicite qu'il faut d'abord "examiner" un sujet avant d'en parler. Le travail de "recherche" prime, le but est de "remonter jusqu'à l'origine".
- Il rejette l'idée de "renfermer en un système" le savoir.
- Il affirme l'importance d'une culture générale avec l'utilisation de l'hyperbole : "branches infiniment variées".
- Il met en avant le lien entre les "sciences" et les "arts". C'est une idée d'unité, d'union : "se prêtent mutuellement des secours" ,"une chaîne qui les unit".
D'après ce texte, quel est le but de l'Encyclopédie ?
I. Les deux objets de l'Encyclopédie
II. Une vision des Lumières
III. L'importance de connaître toutes les sciences et tous les arts
En quoi ce texte est-il représentatif des Lumières ?
I. Un savoir pluriel
II. L'importance de l'esprit critique
III. Le rejet d'un savoir "renfermé"
En quoi cette ouverture à l'Encyclopédie est-elle critique ?
I. Une réponse contre les critiques
II. L'humour de d'Alembert
III. Le rejet d'un savoir "renfermé"