Déjeuner du matin
Il a mis le café
Dans la tasse
Il a mis le lait
Dans la tasse de café
Il a mis le sucre
Dans le café au lait
Avec la petite cuiller
Il a tourné
Il a bu le café au lait
Et il a reposé la tasse
Sans me parler
Il a allumé
Une cigarette
Il a fait des ronds
Avec la fumée
Il a mis les cendres
Dans le cendrier
Sans me parler
Sans me regarder
Il s'est levé
Il a mis
Son chapeau sur sa tête
Il a mis son manteau de pluie
Parce qu'il pleuvait
Et il est parti
Sous la pluie
Sans une parole
Sans me regarder
Et moi j'ai pris
Ma tête dans ma main
Et j'ai pleuré
Jacques Prévert
Paroles
1945
Les temps du poème
- Le poème est très simple. Il est écrit dans un langage fluide et répétitif.
- La poésie naît notamment de l'utilisation du passé composé, rarement utilisé en poésie, mais qui ici permet la répétition des auxiliaires "a" et "est".
C'est le temps idéal pour parler d'une routine. - Le passé composé est utilisé : répétition cinq fois de "il a mis", "il a tourné, "il a bu", "il a reposé, "il a allumé", "il a fait", "il s'est levée", "il est parti".
- On peut relever un imparfait de durée : "il pleuvait". Cette rupture dans le temps souligne l'importance de la pluie dans le poème.
La narration d'une routine
- On peut remarquer l'utilisation originale pour un poème de termes du langage familier : "café", "lait", "tasse", "cuiller", "cigarette", "manteau", "chapeau".
- Le poète insiste sur le champ lexical de la cigarette : "fumée", "ronds", "cendrier", "cendres".
- Le lecteur connaît cette scène, il fait peut-être la même chose tous les matins. C'est une scène matinale. Dans les premiers vers, le personnage prépare son café au lait. C'est un choix original pour un poème.
- On a l'impression de gestes parfaitement maîtrisés, d'une habitude. Le personnage fait sans doute cela tous les matins. Cela véhicule l'idée d'une routine.
- Après le café, le personnage qui fume est présenté.
- À la fin, le personnage s'habille pour sortir.
- Le poème est une narration. La conjonction de coordination "et" est répétée quatre fois pour faire se suivre les actions.
La musicalité du poème
- Prévert fait d'une routine un événement poétique.
- On peut relever cinq anaphores de "Il a mis".
- On peut remarquer quatre anaphores de "et".
- Certains termes sont répétés : "café", "lait", "tête", "tasse".
- Les rimes en "é" au début du poème : "café", "allumé", "levé" sont douces, elles renvoient à l'habitude.
- Mais la tristesse pointe avec des allitérations en "s" : "tasse", "sucre", "cendres", "cendrier", "cigarette".
- On peut noter la reprise anaphorique de "Sans me", qui est en quelque sorte le refrain du poème.
- On peut noter l'association de sons entre "pleuvoir" et "pleurer".
La tristesse
- C'est un poème très mélancolique.
- La tristesse est symbolisée par la pluie : "pluie", "pleuvait".
- La pluie rappelle les larmes : "j'ai pleuré".
- La tristesse apparaît dès le début avec la répétition de "Sans me parler". Cette répétition est reprise après avec "Sans me regarder". Le "sans" privatif souligne le manque.
- Dans la chute du poème, "je" apparaît tout à coup. La première personne du singulier était déjà présente avec l'emploi du pronom "me". Toutefois, c'est la première fois que le "je" est utilisé, et cette fois-ci il est sujet. C'est lui qui fait l'action. Qui est "je" ? Prévert ? Une femme ?
- La tristesse transparaît aussi dans le geste qui consiste à mettre la tête dans les mains. On peut remarquer l'association entre l'homme qui prend ses vêtements et le "je" qui prend sa tête.
- Le motif des cendres est également empreint de tristesse.
En quoi ce poème est-il original ?
I. La narration d'une routine
II. Le choix du passé composé
III. La musicalité
Comment Prévert surprend-il le lecteur ?
I. La narration d'une routine
II. Un poème qui s'apparente à une chanson
III. La chute du poème
D'où vient la mélancolie qui se dégage du poème ?
I. Une routine
II. La pluie et les pleurs
III. Deux personnes étrangères