Sommaire
IL'étouffementIILa montée de l'angoisseIIIL'ironieIVUn poème originalVL'étrangeté du crapaud, double du poèteLe Crapaud
Un chant dans une nuit sans air…
- La lune plaque en métal clair
Les découpures du vert sombre.
…Un chant ; comme un écho, tout vif
Enterré, là, sous le massif…
- Ça se tait : Viens, c'est là, dans l'ombre…
- Un crapaud ! – Pourquoi cette peur,
Près de moi, ton soldat fidèle !
Vois-le, poète tondu, sans aile,
Rossignol de la boue… - Horreur ! -
…Il chante. - Horreur !! - Horreur pourquoi ?
Vois-tu pas son œil de lumière…
Non : il s'en va, froid, sous sa pierre.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bonsoir - ce crapaud-là c'est moi.
Tristan Corbière
Les Amours jaunes
1873
L'étouffement
- Il y a une idée d'étouffement dans le poème.
- Dès le début, on lit : "Un chant dans une nuit sans air".
L'atmosphère est lourde et pesante. - Il y a une contradiction entre "chanter" et "sans air".
- Le mot "terme" a deux sens, il peut aussi signifier l'air de musique que l'on chante.
- Une mention est faite à un mort avec l'enjambement : "Tout vif/ Enterré, là".
Il y a un rappel de ce mort avec "froid, sous sa pierre". - Le champ lexical de l'obscurité est employé : "nuit", "ombre", "sombre".
- La lumière est difficile à voir : "lune", "plaque en métal clair", "Vois-tu pas son œil de lumière…/ Non".
La montée de l'angoisse
- Le poème est un dialogue entre deux amoureux. Mais l'angoisse monte.
- Les tirets expriment le dialogue.
- La première personne est utilisée : "Moi, ton soldat fidèle".
- La lune en face est glaciale : "métal", "pierre".
- Les animaux sont qualifiés de "monstrueux". Le crapaud est un "poète tondu". Il y a aussi le "Rossignol de boue".
- Les phrases sont inachevées au fur et à mesure du poème. Les exclamations se multiplient.
- Le champ lexical de l'angoisse est employé : "peur", "horreur".
L'ironie
- Le poète se montre ironique dans ce poème.
- Il y un jeu de question-réponse : "Horreur !! - Horreur pourquoi ?"
L'un des personnages se moque de l'autre. - Le poète se moque de la laideur et pousse à la regarder.
- Il y a une ironie finale : "Bonsoir - ce crapaud-là c'est moi." Le poète se présente de façon polie après un poème angoissant. Il faisait en vérité son propre portrait. Il se moque de lui-même. Il assume sa laideur.
Un poème original
- Le poème a la forme inversée du sonnet traditionnel avec deux tercets et deux quatrains, comme si le poète commençait par la fin.
- L'énonciation est étrange. Le lecteur ne sait pas qui parle. Il y a un tiret avec "la lune", mais on ne sait pas si c'est le même personnage qui dit "vois pas/non".
- La phrase finale est détachée du reste. Est-ce le crapaud ou le poète qui s'exprime ?
- La syntaxe est faite de nombreux points de suspension. Les phrases sont inachevées et les vers éclatés.
- Le champ lexical de la laideur est étonnant dans un poème. Le "vert" devient "sombre", le "poète" est "tondu", le "Rossignol" est "boueux".
- Le chant n'est pas mélodique, c'est une "Horreur".
- Le poète critique ici l'esthétique du beau. Il met en valeur la laideur : "ça", "un crapaud".
- Il y a une dénonciation de la beauté "artificielle".
L'étrangeté du crapaud, double du poète
- Le crapaud dégoûte : "Un crapaud", "Horreur !"
- Il n'est pas beau, il ne peut voler : "sans aile".
- Pourtant, c'est un animal qui a un "œil de lumière". Il est intelligent, ce que rappelle la formule "tout vif".
- Le crapaud est un mélange d'ombre et de lumière, de laideur et de beauté. Il y a une association d'oppositions : "Rossignol de la boue".
- Une assimilation est faite entre le poète et le crapaud : "Vois-le, poète tondu, sans aile".
- Corbière fait ici son autoportrait. Il se sent exclu par les autres, comme un crapaud.
La défiguration du poète passe par la forme même du poème ici, un sonnet à l'envers. - C'est la solitude des poètes en général qui est mise en scène ici.
Le poète a un double visage. Il est attiré par le beau et le laid, la mort et la vie. Il est incompris.
En quoi ce poème est-il inquiétant ?
I. Une atmosphère étouffante
II. L'angoisse
III. Un crapaud terrifiant
Que représente le crapaud ?
I. Un animal monstrueux
II. Un être intelligent fait d'oppositions
III. La figure du poète
En quoi ce poème est-il original ?
I. Un sonnet inversé avec des vers éclatés
II. L'angoisse et l'étouffement
III. Le crapaud, métaphore du poète