On compare le texte suivant extrait de la fable "Le Paon se plaignant à Junon" de La Fontaine (Texte A) et sa source extraite de "Le Paon se plaignant à Junon" de Phèdre (Texte B). Comment La Fontaine a-t-il réécrit la fable ?
TEXTE A :
Le Paon se plaignait à Junon :
Déesse, disait-il, ce n'est pas sans raison
Que je me plains, que je murmure :
Le chant dont vous m'avez fait don
Déplaît à toute la Nature ;
Au lieu qu'un Rossignol, chétive créature,
Forme des sons aussi doux qu'éclatants,
Est lui seul l'honneur du Printemps.
Junon répondit en colère :
Oiseau jaloux, et qui devrais te taire,
Est-ce à toi d'envier la voix du Rossignol,
Toi que l'on voit porter à l'entour de ton col
Un arc-en-ciel nué de cent sortes de soies ;
Qui te panades, qui déploies
Une si riche queue, et qui semble à nos yeux
La Boutique d'un Lapidaire ?
Est-il quelque oiseau sous les Cieux
Plus que toi capable de plaire ?
Tout animal n'a pas toutes propriétés.
Nous vous avons donné diverses qualités :
Les uns ont la grandeur et la force en partage ;
Le Faucon est léger, l'Aigle plein de courage ;
Le Corbeau sert pour le présage,
La Corneille avertit des malheurs à venir ;
Tous sont contents de leur ramage.
Cesse donc de te plaindre, ou bien, pour te punir,
Je t'ôterai ton plumage.
TEXTE B :
Le paon vint trouver Junon, fort mécontent de ce qu'elle ne lui avait pas donné en partage le chant du rossignol. Celui-ci, disait-il, excitait l'admiration de tous les oiseaux ; lui au contraire devenait un objet de raillerie, dès qu'il faisait entendre sa voix. Alors, pour le consoler, la déesse lui dit : "Mais ta beauté est plus grande, plus grande est la taille. L'éclat de l'émeraude brille sur le devant de ton cou et les couleurs de tes plumes semblent des pierreries sur ta queue déployée."
- À quoi me sert, dit le paon, une beauté muette, si je suis inférieur à tous par la voix ?
- C'est le destin qui, à son gré, vous a assigné vos qualités : à toi la beauté, la force à l'aigle, au rossignol le chant, le don de prophétie au corbeau, à la corneille celui des signes favorables se manifestant du côté gauche, et tous sont satisfaits de leurs avantages personnels. Abstiens-toi de rechercher ce qui ne t'a pas été donné, de peur qu'une déception ne te fasse retomber dans tes plaintes."
On compare le texte suivant extrait de la fable "Le Loup et la Cigogne" de La Fontaine (Texte A) et sa source extraite de "Du Loup et de la Grue" d'Ésope (Texte B). Comment La Fontaine a-t-il réécrit la fable ?
TEXTE A :
Les Loups mangent gloutonnement.
Un Loup donc étant de frairie
Se pressa, dit-on, tellement
Qu'il en pensa perdre la vie :
Un os lui demeura bien avant au gosier.
De bonheur pour ce Loup, qui ne pouvait crier,
Près de là passe une Cigogne.
Il lui fait signe ; elle accourt.
Voilà l'Opératrice aussitôt en besogne.
Elle retira l'os ; puis, pour un si bon tour,
Elle demanda son salaire.
"Votre salaire ? dit le Loup :
Vous riez, ma bonne commère !
Quoi ? ce n'est pas encor beaucoup
D'avoir de mon gosier retiré votre cou ?
Allez, vous êtes une ingrate :
Ne tombez jamais sous ma patte."
TEXTE B :
Un Loup s'étant enfoncé par hasard un os dans la gorge, promit une récompense à la Grue, si elle voulait avec son bec retirer cet os, dont il se sentait incommodé. Après qu'elle lui eut rendu ce bon office, elle lui demanda le salaire dont ils étaient convenus. Mais le Loup avec un rire moqueur et grinçant les dents : "Contentez-vous, lui dit-il, d'avoir retiré votre tête saine et sauve de la gueule du Loup, et de n'avoir pas éprouvé à vos dépens combien ses dents sont aiguës."
On compare le texte suivant extrait de la fable "La Colombe et la Fourmi" de La Fontaine (Texte A) et sa source, "La Fourmi et la Colombe" d'Ésope (Texte B). Comment La Fontaine a-t-il réécrit la fable ?
TEXTE A :
Le long d'un clair ruisseau buvait une Colombe,
Quand sur l'eau se penchant une Fourmi y tombe.
Et dans cet océan l'on eût vu la Fourmi
S'efforcer, mais en vain, de regagner la rive.
La Colombe aussitôt usa de charité :
Un brin d'herbe dans l'eau par elle étant jeté,
Ce fut un promontoire où la Fourmi arrive.
Elle se sauve ; et là-dessus
Passe un certain Croquant qui marchait les pieds nus.
Ce Croquant, par hasard, avait une arbalète.
Dès qu'il voit l'Oiseau de Vénus
Il le croit en son pot, et déjà lui fait fête.
Tandis qu'à le tuer mon Villageois s'apprête,
La Fourmi le pique au talon.
Le Vilain retourne la tête :
La Colombe l'entend, part, et tire de long.
Le soupé du Croquant avec elle s'envole :
Point de Pigeon pour une obole.
TEXTE B :
Une fourmi pressée par la soif était descendue dans une source et, entraînée par le courant, elle était en train de se noyer. Une colombe, l'ayant aperçue, détacha un rameau d'un arbre et le jeta dans la source ; la fourmi monta dessus et fut sauvée. Sur ces entrefaites un oiseleur s'avança avec ses gluaux ajustés pour prendre la colombe. La fourmi s'en étant aperçue, mordit le pied de l'oiseleur, qui, sous le coup de la douleur, jeta ses gluaux et fit aussitôt envoler la colombe.
Cette fable montre qu'il faut payer de retour ses bienfaiteurs.
On compare le texte suivant extrait de la fable "Le Lion et le Rat" de La Fontaine (Texte A) et sa source extraite du poème "À son ami le lion" de Marot (Texte B). Comment La Fontaine a-t-il réécrit la fable ?
TEXTE A :
Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde :
On a souvent besoin d'un plus petit que soi.
De cette vérité deux Fables feront foi,
Tant la chose en preuves abonde.
Entre les pattes d'un Lion
Un Rat sortit de terre assez à l'étourdie.
Le Roi des animaux, en cette occasion,
Montra ce qu'il était, et lui donna la vie.
Ce bienfait ne fut pas perdu.
Quelqu'un aurait-il jamais cru
Qu'un Lion d'un Rat eût affaire ?
Cependant il advint qu'au sortir des forêts
Ce Lion fut pris dans des rets,
Dont ses rugissements ne le purent défaire.
Sire Rat accourut, et fit tant par ses dents
Qu'une maille rongée emporta tout l'ouvrage.
Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage.
TEXTE B :
Cettui lion, plus fort qu'un vieux verrat,
Vit une fois que le rat ne savait
Sortir d'un lieu, pour autant qu'il avait
Mangé le lard et la chair toute crue ;
Mais ce lion (qui jamais ne fut grue)
Trouva moyen et manière et matière,
D'ongles et dents, de rompre la ratière,
Dont maître rat échappe vitement,
Puis met à terre un genou gentement,
Et en ôtant son bonnet de la tête,
A mercié mille fois la grand'bête,
Jurant le Dieu des souris et des rats
Qu'il lui rendrait. Maintenant tu verras
Le bon du compte. Il advint d'aventure
Que le lion, pour chercher sa pâture,
Saillit dehors sa caverne et son siège,
Dont (par malheur) se trouva pris au piège,
Et fut lié contre un ferme poteau.
Adonc le rat, sans serpe ni couteau,
Y arriva joyeux et esbaudi,
Et du lion (pour vrai) ne s'est gaudi,
Mais dépita chats, chattes, et chatons
Et prisa fort rats, rates et ratons,
Dont il avait trouvé temps favorable
Pour secourir le lion secourable,
Auquel a dit : "Tais-toi, lion lié,
Par moi seras maintenant délié :
Tu le vaux bien, car le cœur joli as ;
Bien y parut quand tu me délias.
Secouru m'as fort lionneusement ;
Or secouru seras rateusement."
On compare le texte suivant extrait de la fable "La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Boeuf" de La Fontaine (Texte A) et sa source, "La Grenouille éclatée et le Boeuf" de Phèdre (Texte B). Comment La Fontaine a-t-il réécrit la fable ?
TEXTE A :
Une Grenouille vit un Boeuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n'était pas grosse en tout comme un œuf,
Envieuse, s'étend, et s'enfle, et se travaille,
Pour égaler l'animal en grosseur,
Disant : "Regardez bien, ma sœur ;
Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ?
- Nenni. - M'y voici donc ? - Point du tout. - M'y voilà ?
- Vous n'en approchez point." La chétive pécore
S'enfla si bien qu'elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,
Tout petit prince a des ambassadeurs,
Tout marquis veut avoir des pages.
TEXTE B :
Le petit se perd à vouloir imiter les grands.
Une grenouille vit un Bœuf dans une prairie. Jalouse d'une taille si belle, elle gonfle sa peau ridée ; puis demande à ses petits si elle n'est pas plus grosse que le Bœuf. Ils lui disent que non. De nouveau elle s'enfle, fait plus d'efforts, et demande encore qui est le plus gros. Ils répondent : "C'est le Bœuf." Enfin, de dépit, elle veut se gonfler encore, mais son corps crève, et elle périt.