Sommaire
ILes marchés imparfaitement concurrentielsALes sources du pouvoir de marchéBLes différentes situations de concurrence imparfaiteCL'échange en situation de monopoleIILes stratégies des entreprises en concurrence imparfaiteALa concentrationBLes stratégies non coopératives en situation d'oligopoleCLes ententesIIILa régulation de la concurrenceALe contrôle du comportement des entreprisesBLa surveillance des concentrationsDans la réalité, les marchés ne sont pas en situation de concurrence pure et parfaite. La plupart des marchés sont imparfaitement concurrentiels : les offreurs disposent d'un pouvoir de marché, comme dans les situations de monopole ou d'oligopole. Les entreprises peuvent élaborer des stratégies afin de renforcer leur pouvoir de marché pour influencer les prix, tandis que les pouvoirs publics mettent en place des réglementations pour garantir la libre concurrence, afin de préserver les gains à l'échange du consommateur.
Les marchés imparfaitement concurrentiels
Sur les marchés imparfaitement concurrentiels, les offreurs disposent d'un pouvoir de marché. Les situations de monopole ou d'oligopole qui permettent aux offreurs d'influencer les prix ne sont pas efficaces car elles réduisent le surplus du consommateur.
Les sources du pouvoir de marché
Contrairement au modèle théorique de concurrence pure et parfaite, en concurrence imparfaite le prix de vente n'est pas imposé à l'entreprise : on parle de pouvoir de marché. Ce pouvoir de marché est lié à un nombre réduit d'offreurs sur le marché, aux ententes qu'ils peuvent former, et aux barrières à l'entrée sur le marché.
Les marchés où la concurrence est imparfaite se caractérisent par le fait que les conditions du modèle de concurrence pure et parfaite (homogénéité, libre entrée et sortie, etc.) ne sont pas garanties. Sur les marchés imparfaits, les entreprises peuvent obtenir un pouvoir de marché leur permettant d'influencer les prix.
Pouvoir de marché
Le pouvoir de marché représente la capacité pour une entreprise d'influencer le prix du marché et de le fixer au-dessus de ce que serait son équilibre en situation de concurrence pure et parfaite.
Le pouvoir de marché provient notamment du faible nombre d'offreurs sur un marché. Si une entreprise est la seule à offrir un bien sur un marché (situation de monopole), elle dispose d'un fort pouvoir de marché et peut fixer ses prix librement.
Cette concurrence réduite est souvent due à l'existence de coûts élevés à l'entrée sur le marché. On parle de barrière à l'entrée, car ces coûts agissent comme une barrière qui bloque l'accès au marché.
Barrière à l'entrée sur un marché
Une barrière à l'entrée sur un marché est un obstacle qui rend difficile ou impossible l'entrée de nouveaux offreurs (ou demandeurs) sur un marché.
Pour entrer sur le marché des voyages en train, une entreprise devrait commencer par poser ses propres rails et construire ses propres gares, ce qui représente des coûts trop élevés pour qu'un tel projet soit envisageable.
Lorsque les offreurs sont en nombre réduits, ils peuvent, au lieu de se faire concurrence, former une entente. Cela leur permet de renforcer leur pouvoir de marché, en s'accordant sur un prix de vente commun par exemple.
Entente
Une entente est un accord entre différents offreurs sur un marché pour réduire la concurrence qui existe entre eux, par exemple en s'accordant sur un prix de vente ou sur les quantités vendues.
Les différentes situations de concurrence imparfaite
Il existe plusieurs structures de marché en concurrence imparfaite. Les principales sont le monopole (un seul offreur), l'oligopole (un groupe réduit d'offreurs), et la concurrence monopolistique (des offreurs qui se différencient par les produits proposés). Les situations de monopole sont dues à différents facteurs : le droit (monopole légal), l'innovation (monopole d'innovation) ou des coûts fixes très élevés (monopole naturel).
En concurrence imparfaite, lorsqu'il n'y a qu'un seul offreur, on parle de monopole.
Monopole
Le monopole est une structure de marché dans laquelle il n'y a qu'un seul offreur face à un grand nombre de demandeurs.
On distingue les monopoles selon les barrières à l'entrée qui mènent à leur création.
Un monopole naturel est un monopole lié à la présence de coûts fixes trop importants sur un marché, qui ne permet pas à plus d'une entreprise d'être sur ce marché. C'est la structure des coûts (l'existence d'un coût préalable à l'activité très élevé) qui conduit au monopole.
Le transport ferroviaire, ou encore la production et la distribution d'électricité et de gaz, sont des activités qui ont des coûts fixes démesurés car elles nécessitent la construction d'un réseau.
Un monopole légal ou institutionnel découle d'une disposition réglementaire qui réserve le marché à un unique producteur.
- En France, la société La Française des jeux a le monopole des jeux de grattage.
- Dans de nombreuses villes, le nombre de licences de taxi est limité : les taxis sont dans une situation d'oligopole légal.
Un monopole d'innovation s'observe quand une entreprise domine grâce à une stratégie d'innovation. Elle dispose d'un monopole temporaire car elle est la seule à disposer d'une technologie. Ce monopole peut être protégé temporairement par un brevet.
Microsoft est en position de quasi-monopole sur le marché des systèmes d'exploitation et des logiciels, même si Apple et Google sont des concurrents.
On parle aussi parfois de monopole géographique lorsqu'une seule entreprise est présente dans un endroit isolé.
Lorsqu'un marché ne présente qu'un petit nombre d'offreurs, on parle d'oligopole.
Oligopole
L'oligopole est une structure de marché caractérisée par un petit nombre d'offreurs face à un grand nombre d'acheteurs.
Une autre situation de concurrence imparfaite permettant aux offreurs d'avoir un certain pouvoir de marché est la concurrence monopolistique.
Concurrence monopolistique
La concurrence monopolistique est une structure de marché dans laquelle les entreprises différencient fortement leurs produits, de manière à disposer chacune d'un certain monopole pour leur propre produit.
Une entreprise qui détient le monopole sur un marché n'a pas intérêt à engager des dépenses de recherche et de développement pour améliorer ses produits, car elle n'a pas de concurrence qui pourrait faire mieux qu'elle. Ainsi, les situations de monopole ont tendance à ralentir les efforts de recherche et développement.
L'échange en situation de monopole
En situation de monopole, les gains à l'échange sont réduits par rapport à la situation de concurrence pure et parfaite. Parce que l'offreur est faiseur de prix, il peut décider de proposer un prix plus élevé que ce qu'aurait été le prix d'équilibre sur un marché en concurrence pure et parfaite. La situation de monopole n'est donc pas optimale pour l'ensemble de la société.
Comparer le cas du monopole à une situation de concurrence pure et parfaite permet de décrire la perte de gains à l'échange.
En situation de concurrence pure et parfaite, les agents sont preneurs de prix : le prix est fixé par le marché. Les entreprises produisent jusqu'à ce que le coût marginal soit égal au prix de vente, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'elles n'aient plus intérêt à produire plus.
En situation de monopole, l'offreur est faiseur de prix : il peut décider de vendre au prix qu'il souhaite. Cependant, il est contraint par la demande : à chaque niveau de prix proposé par l'offreur correspond un niveau de demande. La demande est plus forte pour un prix plus faible. Afin de produire plus, l'offreur en situation de monopole est obligé de baisser le prix proposé. Afin de maximiser son profit, l'entreprise va baisser son prix jusqu'à ce que le profit dégagé soit le plus élevé. Cela l'amène à produire moins et à faire payer plus cher qu'en situation de concurrence pure et parfaite.
La seule bijouterie d'un village isolé dispose d'un monopole sur la vente de bracelets (monopole géographique). On prend l'hypothèse d'un coût de production d'un bracelet de 6 euros (avec un coût marginal fixe pour faciliter les calculs). Avec un prix de vente de 12 euros, seuls 2 bijoux sont vendus : cela représente 12 euros de profit total. Avec un prix de vente de 10 euros, ce sont 4 bracelets qui sont vendus. Le profit monte alors à 16 euros. Cependant, si le prix baisse à 9 euros, même si plus d'unités sont vendues, le profit redescend à 15 euros. Il n'est donc pas intéressant pour l'entreprise de baisser son prix comme elle le ferait si elle était en situation de concurrence. Dans cette situation, la bijouterie va donc choisir de vendre ses bracelets à 10 euros chacun.
Prix de vente | Nombre d'unités vendues | Coût marginal | Coût total | Recette totale | Recette marginale | Profit total |
13 | 1 | 6 | 6 | 13 | 13 | 7 |
12 | 2 | 6 | 12 | 24 | 11 | 12 |
11 | 3 | 6 | 18 | 33 | 9 | 15 |
10 | 4 | 6 | 24 | 40 | 7 | 16 |
9 | 5 | 6 | 30 | 45 | 5 | 15 |
8 | 6 | 6 | 36 | 48 | 3 | 12 |
7 | 7 | 6 | 42 | 49 | 1 | 7 |
Cette fixation d'un prix plus élevé que le prix de marché engendre une perte de gains à l'échange, visible graphiquement :
En situation de concurrence pure et parfaite (graphe de gauche), sans pouvoir de marché, offre et demande sont à l'équilibre. Le gain total est partagé entre producteur et consommateur : le gain du consommateur désigne la différence entre le prix qu'un consommateur est prêt à payer et le prix du marché ; le gain du producteur désigne la différence entre le prix auquel le producteur était prêt à vendre un bien et le prix du marché.
En situation de monopole (graphe de droite), le producteur peut choisir d'élever son prix (de Pe à Pm), ce qui entraîne une diminution de la demande et donc de la production (de Qe à Qm) : il vend moins à un prix plus élevé. Une partie du gain du consommateur est alors transférée au producteur (aire en vert foncé) et le gain total est réduit : l'aire en rouge représente la réduction de gain total. Cette réduction peut se diviser en deux parties : la réduction du gain du consommateur, due à l'augmentation des prix (partie de l'aire en rouge au-dessus du trait en pointillés), et la réduction du gain du producteur, due à la baisse de la production (partie de l'aire en rouge en dessous du trait en pointillés).
Les stratégies des entreprises en concurrence imparfaite
Sur un marché en concurrence imparfaite, les entreprises élaborent des stratégies afin d'avoir le plus fort pouvoir de marché. Les stratégies de concentration permettent aux entreprises d'étendre leur contrôle du marché. Dans une situation d'oligopole, les offreurs ont un intérêt à former une entente. Dans le cas contraire, leurs comportements individuels non coopératifs les mènent à une situation moins avantageuse pour eux.
La concentration
Les stratégies de concentration consistent pour une entreprise à acheter d'autres entreprises afin de renforcer leur pouvoir de marché. L'achat d'autres entreprises sur le même marché (concentration horizontale) mène à des situations d'oligopole ou de monopole.
Les stratégies de concentration permettent aux entreprises de se regrouper. Les concentrations permettent de diminuer les coûts fixes et de renforcer le pouvoir de marché. Elles renforcent les grandes entreprises et entraînent des situations de monopole ou d'oligopoles sur les marchés. On distingue deux principales formes de concentration : les concentrations horizontales et les concentrations verticales.
Concentration horizontale
La concentration horizontale est une stratégie qui consiste, pour une entreprise, à étendre son contrôle du marché par l'achat d'entreprises exerçant dans le même domaine de production ou de commercialisation.
Le groupe Carrefour a racheté de nombreuses entreprises de la grande distribution comme Champion ou Dia.
Concentration verticale
La concentration verticale est une stratégie qui consiste, pour une entreprise, à étendre son contrôle du marché par l'achat d'entreprises exerçant à différentes étapes du processus de production.
Une société de grande distribution achète une société de production agricole et une société de publicité pour contrôler l'ensemble du processus : production, distribution, vente et publicité. Ainsi, la société Intermarché possède des supermarchés mais également des pêcheries et des sociétés de transports.
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Les stratégies non coopératives en situation d'oligopole
Lorsque plusieurs entreprises se partagent un marché, elles développent des stratégies pour tenter de développer leur pouvoir de marché et évincer leurs concurrents : guerre des prix, montée en gamme des produits, etc. Ces stratégies sont souvent favorables au consommateur, qui profite de prix plus bas et/ou de produits plus haut de gamme. Cependant, ces stratégies ne sont pas favorables aux entreprises : elles sont dans une situation de dilemme du prisonnier. Des stratégies rationnelles individuellement les conduisent à une situation qui n'est pas optimale pour elles.
Le dilemme du prisonnier permet de comprendre pourquoi les entreprises d'un oligopole ont généralement intérêt à coopérer, mais aussi pourquoi cette coopération n'est pas toujours observée. Ce dilemme montre que si une entreprise prend des décisions individuelles afin de satisfaire son intérêt, cela éloigne du résultat le plus favorable pour l'ensemble des entreprises.
Seules deux entreprises sont concurrentes sur un marché et leurs coûts de production sont identiques. Si l'entreprise A propose son produit à 15 €, et que l'entreprise B choisit un prix plus concurrentiel (5 €), leurs profits respectifs seront de 1 million et 6 millions d'euros. Si les deux entreprises proposent leur produit à 15 €, elles feront chacune un profit de 5 millions d'euros. Si les deux entreprises proposent leur produit à 5 €, elles feront 2 millions d'euros de profit chacune.
Les deux entreprises ont intérêt à choisir un prix ensemble pour maximiser conjointement leur profit, d'où des stratégies de cartel. Cependant, si elles ne communiquent pas ou ne se font pas confiance, alors elles peuvent choisir d'adopter une stratégie individualiste en proposant un prix très concurrentiel. Chaque entreprise va alors baisser son prix pour obtenir le meilleur profit. Cependant, puisque les deux entreprises adoptent le même comportement, alors elles y perdent toutes les deux.
Dans la formulation initiale du « dilemme du prisonnier », les protagonistes ne sont pas des entreprises concurrentes mais deux prisonniers. Le dilemme du prisonnier est une situation dans laquelle deux prisonniers qui ne peuvent pas communiquer prennent des décisions rationnelles individuellement mais qui sont défavorables à chacun d'eux.
Les ententes
Dans une situation d'oligopole, les producteurs ont intérêt à coopérer pour maximiser leurs profits. Pour cela, les entreprises peuvent former une entente, autrement dit créer un cartel. Le pouvoir de marché exercé par les cartels a tendance à augmenter les prix au détriment des consommateurs.
Puisque les stratégies non coopératives ne mènent pas à une situation optimale pour les entreprises en situation d'oligopole (dilemme du prisonnier), alors elles peuvent former une entente (ou un cartel). Cela est la plupart du temps interdit, car ce fonctionnement leur confère un fort pouvoir de marché. Elles peuvent alors fixer un prix plus élevé, au détriment des consommateurs.
Les principaux producteurs prennent le contrôle du marché et se partagent les parts de marché entre eux. Le cartel permet aux producteurs de s'assurer une importante part de marché, d'échanger des informations stratégiques et de décider des prix sur le marché.
En France, dans les années 2000, les trois principaux opérateurs de téléphonie mobile décident de se partager les parts de marché entre eux. Pour cela, ils élaborent des offres similaires avec des tarifs communs.
La régulation de la concurrence
Pour que tous les agents économiques, c'est-à-dire les producteurs et les consommateurs, puissent profiter des gains à l'échange, l'État intervient afin de favoriser la concurrence. L'existence de marchés à concurrence imparfaite, notamment de monopoles et d'oligopoles, pousse les gouvernements à encadrer les pratiques marchandes afin de protéger les individus et de favoriser l'activité économique.
Le contrôle du comportement des entreprises
Afin de favoriser la concurrence, l'État surveille le comportement des entreprises et fixe des règles. Certaines pratiques sont interdites, comme les ententes et les abus de position dominante, c'est-à-dire le fait de tirer avantage de sa position sur le marché pour restreindre la concurrence.
La libre concurrence doit augmenter l'efficacité économique en améliorant la qualité des produits ou en abaissant les prix. Elle est menacée par les ententes et les abus de position dominante.
Abus de position dominante
L'abus de position dominante est une pratique consistant, pour une entreprise, à se servir de son pouvoir de marché pour restreindre le jeu de la concurrence.
Par exemple, les comportements de prix prédateurs sont interdits. Ils consistent à pratiquer des prix abusivement bas (vendre à perte) pour conduire les concurrents à la faillite.
Les ententes sont aussi interdites, afin de garantir le surplus du consommateur.
Pour lutter contre ces pratiques, les États ont mis en place un droit de marché et un droit de la concurrence, c'est-à-dire un ensemble de lois encadrant le pouvoir de marché afin de faire respecter les règles de la concurrence.
Ainsi, le droit de l'Union européenne interdit aux entreprises :
- de s'entendre sur les prix ;
- de se répartir le marché entre elles : les entreprises ne peuvent pas passer d'accord pour définir les zones où elles peuvent vendre, et celles où d'autres entreprises peuvent vendre.
En 2005, le Conseil de la concurrence condamne les trois principaux opérateurs mobiles pour entente sur les prix de leurs abonnements.
La surveillance des concentrations
La politique de la concurrence vise aussi à ce que le marché reste aussi concurrentiel que possible, en évitant la formation d'oligopoles ou de monopoles. Pour cela, les stratégies de concentration des entreprises sont contrôlées : les opérations de fusions-acquisitions doivent être validées par les autorités de la concurrence.
Afin d'éviter de créer des situations où une entreprise possède un pouvoir de marché trop fort, les opérations de concentration (fusions-acquisitions) sont soumises à l'autorisation de l'Autorité de la concurrence.
Ainsi, les autorités vérifient que les entreprises créées par fusion ne disposent pas d'un pouvoir de marché qui pourrait être défavorable aux consommateurs.