Sommaire
ILa restauration de la monarchie à partir de 1815 et le congrès de VienneALe rétablissement de la monarchieBLe congrès de VienneCUn nouvel ordre européenIILa Restauration en France de 1814 à 1830ALouis XVIII au pouvoirBLes clivages politiques sous la RestaurationCLe règne de Charles XIIILa monarchie de Juillet en France de 1830 à 1848ALes insurrections de 1830BLe règne de Louis-Philippe1L'établissement d'une monarchie constitutionnelle : la Charte de 18302Les institutions de la monarchie de JuilletCL'instabilité sous la monarchie de Juillet1L'instabilité politique2De l'instabilité sociale à l'abdication de Louis-PhilippeIVLes mouvements libéraux et nationaux en Europe de 1815 à 1848ALes contestations des mouvements libéraux européens1Le développement du libéralisme après le congrès de Vienne2L'échec des insurrections libérales des années 1820BLes contestations des mouvements nationaux européensInitié en 1804, l'Empire napoléonien s'effondre après la défaite militaire de Waterloo et l'abdication définitive de Napoléon en 1815. Les monarques vainqueurs reconfigurent l'Europe à leur avantage au cours du congrès de Vienne de 1815. Entre 1814 et 1848, la France renoue avec la monarchie constitutionnelle qui repose sur une Charte : c'est la « Restauration ». Après les règnes de Louis XVIII et Charles X qui limitent les libertés, la révolution de juillet 1830 porte au pouvoir Louis-Philippe Ier qui instaure la « monarchie de Juillet ». En février 1848, les tensions politiques et sociales provoquent une nouvelle révolution qui restaure la république. Durant la première moitié du XIXe siècle, « l'Europe des rois » est contestée par « l'Europe des peuples ». Inspirés par la Révolution française, les mouvements libéraux et nationaux agitent l'Europe.
Comment les tensions politiques en France et en Europe évoluent-elles entre 1814 et 1848 ?
La restauration de la monarchie à partir de 1815 et le congrès de Vienne
Les armées coalisées russes, prussiennes et autrichiennes passent à l'offensive en janvier 1814 et envahissent Paris. Napoléon abdique à Fontainebleau le 6 avril 1814 : c'est la fin du Premier Empire. Napoléon est condamné à l'exil sur l'île d'Elbe en Méditerranée. La monarchie est alors rétablie en France : c'est la Restauration. Un congrès a lieu, entre les grandes puissances européennes, le congrès de Vienne. Il a pour but de rétablir l'ordre en Europe et particulièrement en France, après la Révolution française et l'Empire. Ce nouvel ordre européen a pour but de garantir la paix après les guerres napoléoniennes et d'empêcher les révolutions.
Le rétablissement de la monarchie
Les monarques européens prennent en main l'avenir politique de la France. Selon eux, la légitimité du pouvoir n'appartient pas au peuple mais à une famille de souverains. Ils imposent le rétablissement de la dynastie des Bourbons : le frère de Louis XVI, le comte de Provence, en exil depuis 1791, est rétabli sur le trône. Napoléon tente un retour, que l'on appelle les Cent-Jours, entre mars et juin 1815, mais il est de nouveau vaincu à Waterloo le 18 juin.
Dès l'abdication de Napoléon Ier, le 6 avril 1814, Louis XVIII, frère de Louis XVI, devient roi de France. Avec cette décision, les monarques européens envoient un message fort au peuple français et à tous les peuples d'Europe : la période révolutionnaire ouverte en 1789 est définitivement terminée.
Le processus de restauration monarchique est interrompu au cours d'une parenthèse de « Cent-Jours » entre mars et juin 1815 : pendant un peu plus de 3 mois, Napoléon reprend les rênes du pouvoir. Il quitte secrètement l'île d'Elbe et, avec 800 soldats, débarque en Provence en mars 1815. Soutenu par une partie des Français qui refuse l'occupation étrangère, il parvient à rallier les soldats venus l'arrêter et remonte vers Paris : c'est « le vol de l'aigle ». Le 20 mars 1815, il entre à Paris et provoque la fuite de Louis XVIII. Les monarchies européennes lui déclarent la guerre et l'armée napoléonienne est vaincue à Waterloo le 18 juin 1815. Pour la seconde fois, Napoléon abdique. Il est de nouveau condamné à l'exil mais cette fois-ci beaucoup plus loin, sur l'île de Sainte-Hélène, au large de l'Afrique, dans l'océan Atlantique, où il meurt en 1821.
Le congrès de Vienne
Le gâteau des rois, tiré au congrès de Vienne en 1815
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Un nouvel ordre européen
Le congrès crée un nouvel ordre européen garantissant une paix durable après une vingtaine d'années de guerre entre les monarchies coalisées et la France. L'équilibre entre les grandes puissances est préservé par un système d'alliances : la « Sainte-Alliance » et la « Quadruple-Alliance » (qui devient plus tard la « Quintuple-Alliance »).
- En 1815, la Sainte-Alliance par laquelle l'Autriche, la Prusse et la Russie s'engagent à « se prêter assistance, aide et secours en toute occasion » : il s'agit d'une alliance destinée à restaurer et à maintenir une Europe monarchique et chrétienne.
- La Quadruple-Alliance est scellée la même année entre l'Autriche, la Prusse, la Russie et le Royaume-Uni qui s'engagent à se réunir régulièrement pour empêcher le développement des mouvements nationaux et libéraux. En 1820, les membres de cette Quadruple-Alliance s'accordent un droit d'ingérence : elles s'autorisent à intervenir militairement en dehors de leur zone d'influence. L'alliance s'élargit en 1818 lorsque la France l'intègre : c'est « la Quintuple-Alliance ». Ils inventent une nouvelle forme de gouvernance multilatérale : ils gèrent l'Europe ensemble, par la concertation et sans entrer en conflit. Ils préservent un équilibre des puissances qui sert leur principal intérêt : conserver le pouvoir et empêcher le réveil de la révolution.
La Restauration en France de 1814 à 1830
Entre 1814 et 1830, la France entre dans sa période de Restauration. Il faut faire oublier la Révolution française. Louis XVIII met en place une monarchie constitutionnelle, conscient qu'un retour à la monarchie absolue ne serait pas accepté, qui repose sur une charte. Les clivages politiques sont importants sous la Restauration, et à la mort de Louis XVIII, son successeur Charles X rejette l'héritage révolutionnaire et impose le retour à une monarchie absolue.
Louis XVIII au pouvoir
Dès son arrivée sur le trône en avril 1814, Louis XVIII prend des mesures allant contre l'esprit révolutionnaire. La Charte de 1814 applique la séparation des pouvoirs, mais en réalité c'est le roi qui décide de tout. Le suffrage censitaire est préféré au suffrage universel : il faut donc être riche pour participer à la vie politique. Ce nouveau régime suscite de vives critiques.
Le roi prend une série de mesures symboliques :
- Il choisit le titre de « roi de France » et pas celui de « roi des Français ».
- Il réduit les effectifs de l'armée qu'il soupçonne d'être un foyer révolutionnaire.
- Il limite la liberté de la presse pour éviter les critiques et notamment la diffusion des caricatures le représentant en « gros cochon ».
- Il interdit La Marseillaise et le drapeau tricolore est remplacé par le drapeau monarchique blanc.
Drapeau de la France entre 1814 et 1830
Louis XVIII est conscient de l'attachement des Français aux principes révolutionnaires. Beaucoup de Français se sont habitués aux droits et aux libertés acquises grâce à la Révolution. Louis XVIII souhaite réconcilier les Français en tentant un compromis entre monarchie et révolution. Le 4 juin 1814, un texte définit la nouvelle organisation des pouvoirs. Cette charte met en place une monarchie constitutionnelle. Le principe de la séparation des pouvoirs est appliqué :
- Le roi et le gouvernement ont le pouvoir exécutif.
- La Chambre des députés et la Chambre des pairs ont le pouvoir législatif.
Cependant, le roi nomme lui-même la Chambre des pairs et peut dissoudre la Chambre des députés et il est le seul à l'initiative des lois dont il peut décider sans faire voter les assemblées.
La question du suffrage est essentielle pour comprendre la nature du régime politique. La Charte de 1814 est un compromis car les Français peuvent bel et bien participer à la vie politique par le vote, mais le suffrage censitaire est préféré au suffrage universel.
Sur 30 millions de Français, qualifiés de « sujets » dans la Charte de 1814, seuls 100 000 notables de plus de 30 ans peuvent voter, soit 0,2 % de la population.
Le régime politique qui naît en 1814 a l'aspect d'une monarchie constitutionnelle mais ni la séparation des pouvoirs ni la souveraineté nationale ne sont réellement appliquées. Le projet de réconciliation nationale est rapidement contesté : Louis XVIII est critiqué par les bourgeois et par le peuple. Malgré la censure, les caricatures du « roi obèse » circulent.
Les clivages politiques sous la Restauration
Sous la Restauration, le paysage politique français se réorganise autour de trois camps qui défendent des visions radicalement opposées de l'avenir politique de la France. On retrouve d'ailleurs le clivage, né pendant la Révolution, entre la droite et la gauche : entre les royalistes conservateurs et les républicains progressistes.
Après une période de libéralisation mise en œuvre par le chef du gouvernement Louis Decazes, l'année 1820 marque le tournant réactionnaire de la Restauration. Le 14 février 1820, le duc de Berry, neveu et héritier de Louis XVIII, est assassiné par l'ouvrier libéral antimonarchiste Louvel. Les ultra-royalistes instrumentalisent cet événement pour faire prendre un virage nettement plus conservateur et réactionnaire au régime :
- Ils suspendent les libertés individuelles.
- Ils rétablissent la censure de la presse.
- Ils redonnent à l'Église le monopole de l'enseignement.
En septembre 1824, la mort de Louis XVIII accélère le retour à l'absolutisme : c'est Charles X qui lui succède.
Le règne de Charles X
Membre de la dynastie des Bourbons, frère de Louis XVI et de Louis XVIII, Charles X rejette totalement l'héritage révolutionnaire :
- Dès son arrivée au pouvoir, il modifie la Charte de 1814 : le roi est désormais déclaré « inviolable et sacré ».
- Le 29 mai 1825, il renoue avec une cérémonie que la France n'a pas connue depuis 1775 : il se fait roi dans la cathédrale de Reims.
Le sacre de Charles X, François Gérard, 1827
Le message envoyé au peuple est clair : c'est le retour, sans compromis, de la monarchie absolue de droit divin. Majoritaires à la Chambre, les députés ultra-royalistes détricotent l'héritage révolutionnaire. De 1824 à 1830, ils votent de nombreuses lois réactionnaires :
- La presse est muselée par une censure très sévère.
- La loi du « milliard des émigrés » dédommage les nobles émigrés dont les biens avaient été confisqués pendant la Révolution.
- La loi du « sacrilège » punit toute atteinte portée au culte catholique de travaux à perpétuité.
- La loi du « double vote » permet aux électeurs les plus riches de voter deux fois.
De façon plus symbolique, il fait du 21 janvier, jour de l'exécution de Louis XVI, un jour de deuil national et inaugure en 1826 un monument commémoratif sur le lieu même de « l'assassinat de Louis XVI ». En 1827, la Garde nationale est supprimée.
Ces mesures réactionnaires qui limitent les libertés publiques sont très impopulaires. Rapidement, la monarchie se coupe de la nation et un mouvement de contestation s'organise. Porté par les bourgeois, les ouvriers, les artisans et les étudiants, le mouvement libéral reproche à Charles X de « piétiner la Charte de 1814 ». Les libéraux parviennent à remporter la majorité à la Chambre des députés aux élections de 1830. Charles X choisit l'épreuve de force car il dissout cette chambre qui lui est hostile. Les nouvelles élections confirment la victoire des libéraux dont la majorité augmente encore. Charles X contre-attaque en légiférant par ordonnances.
Le 25 juillet 1830, prétextant que « la sûreté de l'État est menacée », Charles X rédige 4 ordonnances réactionnaires :
- La liberté de la presse est suspendue.
- La Chambre des députés est dissoute avant même qu'elle ne se soit réunie.
- Les règles du droit de vote sont modifiées puisque le niveau d'impôt nécessaire pour pouvoir voter est relevé.
La manœuvre a pour but d'empêcher la réélection des députés libéraux. Dès leur publication, le 26 juillet, les journalistes parisiens dénoncent des « ordonnances autoritaires et liberticides » et les présentent comme le coup de force. Selon eux, c'est le « coup d'État légal » d'un roi extrémiste qui veut censurer voire nier la nation et ils appellent à la désobéissance.
La monarchie de Juillet en France de 1830 à 1848
La politique de Charles X est tout de suite mal perçue par l'opinion publique et des insurrections ont lieu. Charles X abdique et c'est Louis-Philippe qui prend sa place. Il instaure la monarchie de Juillet de 1830 à 1848. C'est une monarchie constitutionnelle qui repose sur une charte, avec de nouvelles institutions. L'instabilité sociale et politique perdure néanmoins durant tout le régime. De nouvelles insurrections poussent Louis-Philippe à abdiquer et la IIe République est proclamée le 24 février 1848.
Les insurrections de 1830
Le 27 juillet 1830, les émeutes contre Charles X commencent. Elles vont durer 72 heures à Paris et font de nombreux morts. Afin d'éviter une nouvelle révolution, une monarchie constitutionnelle est mise en place : Charles X abdique et s'exile, son cousin Louis-Philippe prend sa place.
Face aux forces de l'ordre qui font feu, environ 10 000 Parisiens se retranchent derrière les premières barricades, notamment dans le quartier de la place de la Bastille. Le 28 juillet, les Parisiens assiègent l'Hôtel de Ville. Le 29 juillet, le pouvoir perd le contrôle de Paris qui se couvre de barricades. À la tête de la Garde nationale reconstituée, La Fayette et les insurgés prennent le contrôle du palais du Louvre et des Tuileries où une partie des soldats du régime qui y étaient retranchés fait désertion pour soutenir le peuple.
Révolution de juillet 1830, Nicholas-Edward Gabé, 1830
Ces 72 heures insurrectionnelles font environ 1 000 morts et 5 000 blessés.
Un compromis politique est trouvé : le 30 juillet 1830, le député libéral Adolphe Thiers fait placarder dans Paris un scénario qui prévoit de remplacer Charles X par son cousin Philippe d'Orléans et de modifier la Charte de 1814 afin que le nouveau roi partage ses pouvoirs avec la nation. Cette solution reçoit le soutien des royalistes modérés, mais Thiers doit encore convaincre le peuple. Pour cela, il fait trois promesses aux insurgés :
- Le nouveau roi garantira les acquis de la Révolution.
- Il partagera ses pouvoirs avec la nation.
- Il protégera la France d'une nouvelle guerre contre les monarchies européennes.
Le 31 juillet, Philippe d'Orléans quitte le Palais-Royal et se rend à cheval à l'Hôtel de Ville où il est acclamé par les Parisiens. Sur le balcon, La Fayette enlace le futur roi dans le drapeau tricolore. Cette mise en scène de la réconciliation entre la nation et la monarchie est un succès. Le 2 août, Charles X abdique et s'exile en Angleterre. Le 9 août 1830, devant les Assemblées, Philippe d'Orléans prête serment sur la charte révisée et devient le roi « Louis-Philippe Ier » : c'est le début d'un nouveau régime appelée « la monarchie de Juillet ».
La Fayette donne l'accolade au duc d'Orléans au balcon de l'hôtel de ville de Paris, Anonyme, 1830.
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Le règne de Louis-Philippe
L'établissement de la monarchie constitutionnelle repose sur une nouvelle charte, la Charte de 1830, et de nouvelles institutions dans lesquelles le pouvoir est partagé entre le roi et les députés qui représentent la nation.
L'établissement d'une monarchie constitutionnelle : la Charte de 1830
Louis-Philippe fait tout pour se démarquer des rois précédents et donner l'impression qu'il est proche du peuple. La Charte de 1830 assure la séparation des pouvoirs exécutif et législatif. Le suffrage censitaire masculin est maintenu.
Armoiries de la France sous la monarchie de Juillet
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Louis-Philippe fait diffuser dans tout le royaume des portraits officiels où il est représenté en « roi-citoyen », vêtu d'un uniforme militaire tricolore bardé de médailles et la main appuyée sur la Charte de 1830 sur laquelle il prête serment. Les attributs royaux sont invisibles ou très discrets. Le message semble clair : le roi descend de son trône pour se rapprocher de la nation.
La nouvelle charte établit une monarchie constitutionnelle avec la séparation des pouvoirs :
- Le pouvoir exécutif est conservé par le roi et le gouvernement.
- Le pouvoir législatif est confié aux deux chambres.
Le roi partage désormais l'initiative des lois avec les Assemblées. Il peut dissoudre la Chambre des députés, mais il ne peut plus suspendre les lois votées.
C'est de nouveau le suffrage censitaire qui est retenu. Les conditions pour pouvoir voter sont assouplies mais malgré cela, seuls les hommes riches de plus de 30 ans peuvent voter.
Par cette charte, Louis-Philippe s'engage aussi :
- à rétablir la Garde nationale ;
- à renoncer à toute forme de censure ;
- à minorer l'influence de l'Église dans la vie politique : le roi ne tient plus son pouvoir de Dieu mais de la nation et la religion catholique n'est plus considérée comme la religion officielle de l'État.
Environ 200 000 Français peuvent voter sous la monarchie de Juillet, soit 1 % de la population.
Les institutions de la monarchie de Juillet
La Charte de 1830 redéfinit les liens entre le gouvernement et les députés. Désormais, le gouvernement, dont les ministres sont nommés par le roi, est responsable devant les chambres. Concrètement, cela signifie que le gouvernement doit rendre des comptes aux représentants de la nation et qu'il ne peut gouverner qu'avec la confiance des députés. Dès que le gouvernement perd le soutien de la majorité à la Chambre des députés, il doit se retirer, c'est-à-dire démissionner. La monarchie de Juillet est donc novatrice puisqu'elle prend la forme d'une monarchie parlementaire. Le centre de gravité du régime devient le Parlement : les députés élus par la nation sont plus forts que les ministres du gouvernement nommés par le roi.
Dans les messages qu'il adresse aux villes du royaume en 1831, Louis-Philippe résume lui-même la monarchie de Juillet par cette formule : « Nous chercherons à nous tenir dans un juste milieu, à la fois éloigné des excès du pouvoir populaire (la république) et des abus du pouvoir royal (la monarchie absolue). »
L'instabilité sous la monarchie de Juillet
Malgré la charte révisée et la volonté de compromis affichée par Louis-Philippe, la monarchie de Juillet est rapidement confrontée à plusieurs difficultés. L'instabilité politique et sociale perdure et fragilise le régime. Louis-Philippe abdique finalement en 1848.
L'instabilité politique
Sous la monarchie de Juillet, la vie politique est rythmée par l'opposition entre les nombreux partis qui ont des programmes politiques et sociaux radicalement différents. Pour gouverner, tous cherchent à convaincre les électeurs afin d'obtenir le plus de députés possible. Cette instabilité politique mène à de la violence et notamment à un attentat contre Louis-Philippe qui durcit alors le régime. Le chef de file de l'opposition bonapartiste, Louis-Napoléon Bonaparte, tente deux coups d'État.
Le régime de la monarchie de Juillet dure 18 ans, mais 13 gouvernements se succèdent entre 1830 et 1840, soit en moyenne un gouvernement tous les 8 mois. Cette instabilité est une conséquence du régime parlementaire. Le jeu des alliances éphémères entre les députés des différents partis politiques fragilise les gouvernements. Puisque le gouvernement a besoin du soutien des députés, l'absence de majorité nette et stable au Parlement crée de l'instabilité. Louis-Philippe accentue cette instabilité puisqu'il dissout sept fois la Chambre des députés. C'est pour le roi un moyen de fragiliser le Parlement et de peser davantage sur la vie politique.
Cette « valse des gouvernements » décrédibilise le régime aux yeux du peuple qui dénonce la corruption des députés.
Les rivalités politiques débouchent aussi parfois sur des actes terroristes. C'est le cas le 28 juillet 1835, lorsqu'à l'occasion d'un défilé militaire, le corse Giuseppe Fieschi, aidé par un militant républicain, déclenche une fusillade au passage du cortège royal. Le roi survit à cet attentat et décide de faire prendre un virage autoritaire au régime. En septembre 1835, le gouvernement fait voter une série de lois répressives :
- Accusée de troubler l'ordre public, la presse est censurée et toutes les caricatures politiques sont interdites, notamment celles qui représentent Louis-Philippe se transformant en poire.
- La liberté de réunion est limitée afin d'empêcher les opposants au régime, et notamment les républicains, de se réunir pour déclencher une insurrection.
Le passé, le présent, l'avenir, caricature de Louis-Philippe, Honoré Daumier, 1834
Le leader de l'opposition bonapartiste, Louis-Napoléon Bonaparte, tente de renverser la monarchie de Juillet par deux coups d'État en 1836 puis en 1840. Condamné à la prison à vie dans le fort de Ham, dans la Somme, il s'évade en 1846 et se réfugie en Angleterre.
De l'instabilité sociale à l'abdication de Louis-Philippe
Sous la monarchie de Juillet, les inégalités de richesse sont importantes, les ouvriers vivent dans des conditions difficiles. Le régime répond par la violence aux révoltes ouvrières et refuse le droit de vote aux classes moyennes qui se développent, ce qui le rend impopulaire. Lorsque la crise économique de 1846 touche la France, le chômage explose. En 1848, Louis-Philippe abdique.
La monarchie de Juillet se déroule dans un contexte d'industrialisation. La France se modernise et l'économie prospère. Mais la forte croissance économique ne profite qu'à une minorité et les inégalités de richesse se creusent entre les bourgeois et les ouvriers que l'on qualifie alors de « prolétaires ». Dans les années 1830, la question sociale prend une place croissante dans l'opinion. Cela signifie que la popularité du régime dépend de plus en plus de ce qu'il fait ou pas pour les classes les moins favorisées.
En 1831 et en 1834, le régime réprime dans le sang la révolte contre la misère des « canuts », les ouvriers du textile à Lyon.
Révolte des canuts à la une d'un journal, anonyme
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Selon les journaux républicains, la monarchie de Juillet est un « régime qui ne sait répondre à la misère que par des coups de fusil ». Face à ces contestations, la monarchie de Juillet choisit l'intransigeance et s'enferme dans le conservatisme politique et l'immobilisme social. À partir de 1840, Louis-Philippe confie le gouvernement à François Guizot qui défend une vision conservatrice du régime :
- Politiquement, il reste sourd aux classes moyennes qui réclament une modification du code électoral qui leur permettrait de voter.
- Socialement, il reste aveugle à la misère des prolétaires qui prend des proportions dramatiques dans la capitale.
L'impopularité du régime est déjà élevée lorsque la crise économique frappe la France à partir de 1846. Les mauvaises récoltes et le ralentissement de la production dans l'industrie textile et la métallurgie font exploser le chômage.
En 1848, sous le gouvernement Guizot, des manifestations et des insurrections ont lieu : le 22 février 1848, ouvriers et étudiants parisiens se regroupent sur la place de la Concorde et ils entonnent La Marseillaise devant la Chambre des députés. Le 23 février, les manifestants sont rejoints par des soldats de la Garde nationale. Louis-Philippe pense calmer les esprits en renvoyant Guizot mais l'insurrection redouble et les troupes tirent sur le peuple. Le 24 février, Paris se couvre de barricades et les insurgés assiègent le palais des Tuileries. Louis-Philippe abdique, les révolutionnaires envahissent l'Assemblée où ils déclarent l'abolition de la monarchie et la IIe République est immédiatement proclamée à l'Hôtel de Ville.
Les mouvements libéraux et nationaux en Europe de 1815 à 1848
L'ordre monarchique rétablit au congrès de Vienne rencontre rapidement une opposition. Après 25 ans d'influence française, les idéaux politiques et sociaux de 1789 ont circulé et se sont imprégnés dans les sociétés européennes. Ainsi, la Restauration est rapidement contestée par les mouvements libéraux puis nationaux.
Les contestations des mouvements libéraux européens
Les contestations en Europe prennent d'abord la forme de mouvements libéraux dirigés par des bourgeois. Les insurrections sont multiples mais échouent face à la violence de la répression.
Le développement du libéralisme après le congrès de Vienne
Les mouvements libéraux européens sont des groupes plus ou moins organisés qui défendent une vision libérale de la société. Impulsé par les philosophes des Lumières au XVIIIe siècle, le libéralisme est une idéologie qui fait de la liberté individuelle le but de la vie politique. Les mouvements libéraux européens sont généralement constitués de bourgeois cultivés.
Le libéralisme se décline :
- dans le domaine économique, avec la liberté d'acheter et de vendre ;
- dans le domaine social avec les libertés de circulation, d'expression, de réunion ;
- dans le domaine politique avec la liberté de participer au gouvernement et de faire entendre sa voix grâce au vote.
Le libéralisme est l'un des principaux moteurs de la Révolution de 1789 et il se concrétise dans la Déclaration des Droits de l‘homme et du citoyen dont le premier article affirme que « les hommes naissent et demeurent libres ». Lorsque la République française est proclamée en 1792, son slogan fait explicitement référence au libéralisme : « la liberté ou la mort ». Les mouvements libéraux européens sont le plus souvent composés de bourgeois cultivés qui s'opposent aux gouvernements réactionnaires en place. Prenant comme modèle la monarchie anglaise, ils exigent que les monarques partagent leur pouvoir avec la nation grâce à un contrat écrit, une constitution. Généralement censurés, réprimés et interdits, ils parviennent cependant à mobiliser l'opinion publique par des tracts, des chansons et des caricatures.
L'échec des insurrections libérales des années 1820
Dès 1820, les libéraux multiplient les insurrections pour forcer les monarques à accepter les réformes qu'ils ne parviennent pas à obtenir par la négociation. Le bilan de cette première vague d'insurrections libérales des années 1820 est négatif. Elles échouent toutes face à la répression militaire que les monarques coordonnent au cours des réunions de la Sainte-Alliance.
- Dans plusieurs royaumes allemands comme la Bavière et le Bade, les insurgés libéraux imposent aux souverains des constitutions.
- En Italie, les Carbonari (« charbonniers » en français) organisent des révoltes à Turin et Naples.
- En Espagne, le roi doit renoncer à l'absolutisme et accepter une constitution qui limite ses pouvoirs.
- En Russie, les « décabristes », jeunes officiers admirant la Révolution française, se soulèvent pour forcer le tsar à accepter des réformes libérales.
Le bilan de cette première vague d'insurrections libérales des années 1820 est négatif. Elles échouent toutes face à la répression militaire que les monarques coordonnent au cours des réunions de la Sainte-Alliance. En représailles, les monarques limitent encore davantage les libertés :
- Le roi de Prusse, l'empereur d'Autriche et le tsar de Russie rétablissent les droits des seigneurs sur les paysans.
- Dans les États allemands de la Confédération germanique placés sous le contrôle de l'Autriche, Metternich impose le contrôle des enseignants et la censure de la presse. Les chefs de file libéraux sont étroitement surveillés puis traqués par la police. Beaucoup d'entre eux s'exilent à Londres ou Paris pour continuer la lutte.
Les contestations des mouvements nationaux européens
L'ordre monarchique européen de 1815 est également contesté par les mouvements nationaux. Il s'agit d'organisations plus ou moins structurées dont les revendications sont fondées sur le principe de la nationalité. Ces mouvements nationaux se développent dans les empires multinationaux où des peuples de cultures différentes sont soumises à l'autorité d'un roi ou d'un empereur : l'empire d'Autriche mêle Autrichiens, Allemands et Italiens ; le royaume de Prusse regroupe des Polonais et des Allemands. Des contestations se soldent par des échecs, à l'exception de celle qui survient en Grèce.
Dans ces États multinationaux, la cohabitation des cultures devient difficile. Se considérant différents, ces peuples développent un sentiment national au nom duquel ils réclament leur indépendance en tant que nation souveraine.
- Au sein de la Confédération germanique composée d'une mosaïque de cultures placées sous le contrôle de la Prusse et de l'Autriche, les Allemands appellent à l'unification des peuples de langue germanique. Une association d'étudiants baptisée la Burschenschaft (« fraternité » en allemand) multiplie les actions pour défendre les idéaux libéraux et nationaux.
- En 1817, les Burschenschtaften (« frères ») de Thuringe, arborant leurs couleurs noir, rouge et or, organisent la fête de la Wartburg au cours de laquelle ils brûlent le texte du congrès de Vienne. Ils sont soutenus par des intellectuels qui mettent leurs talents au service de l'unification allemande comme l'auteur romantique Goethe notamment connu pour la pièce de théâtre dans laquelle le docteur Faust signe un pacte avec le diable.
Un épisode des cinq journées de Milan en 1848, Baldassare Verazzi, 1886
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Cependant, entre 1820 et 1821, toutes les insurrections se soldent par un échec. Dans les années 1820, le seul mouvement national qui parvient à son but est celui qui se développe en Grèce.