Sommaire
ILe discours argumentatifIILes démarches d'argumentationAConvaincreBPersuaderCDélibérerIIILes types de raisonnementsALe raisonnement déductifBLe raisonnement inductifCLe raisonnement concessif (ou concession)DLe raisonnement par analogieELe raisonnement par l'absurdeIVLes types d'argumentsAL'argument logiqueBL'argument d'expérienceCL'argument de valeurDL'argument d'autoritéEL'argument ad hominemLe discours argumentatif
Discours argumentatif
Le discours argumentatif vise à faire adhérer le destinataire à une idée (ou thèse) défendue par l'auteur.
Dans un texte argumentatif, on identifie :
- Le thème : c'est le sujet abordé par le texte.
- La thèse : c'est le point de vue de l'auteur sur le sujet, son opinion.
- Le raisonnement : c'est l'enchaînement logique des idées.
- Les arguments : ce sont les preuves avancées par l'auteur pour justifier sa thèse.
- Les exemples : ce sont les cas particuliers évoqués par l'auteur pour illustrer ses arguments.
Pour repérer le thème, il est souvent utile de lire le titre ou de travailler sur les champs lexicaux.
Pour repérer la thèse de l'auteur, on relève les verbes d'opinion, les affirmations catégoriques.
« Tous les hommes recherchent d'être heureux. Cela est sans exception, quelques différents moyens qu'ils y emploient. Ils tendent tous à ce but. Ce qui fait que les uns vont à la guerre et que les autres n'y vont pas est ce même désir qui est dans tous les deux accompagné de différentes vues. La volonté ne fait jamais la moindre démarche que vers cet objet. C'est le motif de toutes les actions de tous les hommes, jusqu'à ceux qui vont se pendre. »
Blaise Pascal, Pensées, 1670
Le thème du texte est le bonheur, comme l'indique l'adjectif « heureux », auquel renvoient « ce but » et « cet objet ».
La thèse de l'auteur est formulée dans une affirmation catégorique : « Tous les hommes recherchent d'être heureux. »
Les démarches d'argumentation
Pour obtenir l'adhésion du destinataire, le locuteur peut convaincre, persuader ou délibérer.
Convaincre
Convaincre
Convaincre consiste à faire appel à la capacité de raisonnement logique du destinataire, à sa logique.
Les caractéristiques de cette démarche sont :
- l'utilisation du raisonnement déductif ou inductif ;
- l'utilisation d'arguments logiques ;
- les connecteurs de cause et de conséquence ;
- le registre didactique.
« Il me paraît presque démontré que les bêtes ne peuvent être de simples machines. Voici ma preuve : Dieu leur a fait précisément les mêmes organes de sentiment que les nôtres ; donc, s'ils ne sentent point, Dieu a fait un ouvrage inutile. Or Dieu, de votre aveu même, ne fait rien en vain ; donc il n'a point fabriqué tant d'organes de sentiment pour qu'il n'y eût point de sentiment ; donc les bêtes ne sont point de pures machines. »
Voltaire, Lettres philosophiques, 1734
Persuader
Persuader
Persuader consiste à faire appel aux sentiments, aux émotions du destinataire davantage qu'à sa raison (attendrir, émouvoir, surprendre, faire rire, révolter, etc.).
Les caractéristiques de cette démarche sont :
- les phrases interrogatives et exclamatives ;
- l'utilisation de la 1re personne du singulier pour exprimer la subjectivité ;
- l'utilisation de la 2e personne du singulier ou du pluriel pour impliquer le destinataire ;
- les termes connotés ;
- le registre pathétique ou polémique.
« Celui dont tu veux t'emparer comme de la brute, le Tahitien est ton frère. Vous êtes deux enfants de la nature ; quel droit as-tu sur lui qu'il n'ait pas sur toi ? Tu es venu ; nous sommes-nous jetés sur ta personne ? Avons-nous pillé ton vaisseau ? T'avons-nous saisi et exposé aux flèches de nos ennemis ? T'avons-nous associé dans nos champs au travail de nos animaux ? Nous avons respecté notre image en toi. »
Denis Diderot, Supplément au voyage de Bougainville, 1772
Délibérer
Délibérer
Délibérer consiste à confronter des thèses opposées pour aboutir à une prise de position.
Les caractéristiques de cette démarche sont :
- les phrases interrogatives ;
- les connecteurs d'opposition ;
- les modalisateurs exprimant le doute, l'incertitude ;
- les antithèses ;
- les subordonnées circonstancielles d'hypothèse.
« Il pensait : "Je ne peux pas lui faire ça, je ne peux pas m'en aller pour la deuxième fois sans lui demander son avis. Si je restais pour elle, pensa-t-il, ça serait une preuve d'amour. […] A-t-on le droit de rester pour rendre une femme heureuse ? Présenté comme ça, je penserais plutôt que non. Mais a-t-on le droit de partir, si ça fait le malheur de quelqu'un ?" […] Il se racla la gorge, entrouvrit les lèvres et attendit. Mais le mot ne vint pas ; "je ne peux pas lui faire cette peine." Boris comprit qu'il ne voulait pas partir sans avoir consulté Lola. »
Jean-Paul Sartre, La Mort dans l'âme, © Gallimard, 1949
Les types de raisonnements
Le raisonnement est l'enchaînement logique des idées ou des propositions au sein d'un texte argumentatif. Il peut être déductif, inductif, concessif, par analogie ou par l'absurde.
Le raisonnement déductif
Raisonnement déductif
Le raisonnement déductif part d'une vérité générale dont il déduit des conséquences particulières.
« Tout est dans un flux continuel sur la terre : rien n'y garde une forme constante et arrêtée […]. Aussi n'a-t-on guère ici-bas que du plaisir qui passe ; pour le bonheur qui dure je doute qu'il y soit connu. »
Jean-Jacques Rousseau, Les Rêveries du promeneur solitaire, 1782
Syllogisme
Le syllogisme est un cas particulier de raisonnement déductif, qui consiste à déduire de deux affirmations initiales (les prémisses) une conclusion logique.
Tous les hommes sont mortels ; or, Socrate est un homme ; donc Socrate est mortel.
Le raisonnement inductif
Raisonnement inductif
Le raisonnement inductif part d'observations particulières pour aboutir à un principe général.
« Quand je m'y suis mis quelquefois à considérer les diverses agitations des hommes et les périls et les peines où ils s'exposent dans la cour, dans la guerre, d'où naissent tant de querelles, de passions, d'entreprises hardies et souvent mauvaises, j'ai dit souvent que tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. »
Blaise Pascal, Pensées, 1670
Le raisonnement concessif (ou concession)
Raisonnement concessif
Le raisonnement concessif (ou concession) consiste à admettre momentanément la thèse ou un argument de l'adversaire, pour mieux contre-argumenter ensuite.
« Supposons, j'y consens, que vous mettiez autant d'adresse à nous vaincre que nous à nous défendre ou à céder, vous conviendrez au moins qu'elle vous devient inutile après le succès. »
Pierre Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses, 1782
Le raisonnement par analogie
Raisonnement par analogie
Le raisonnement par analogie consiste à établir un rapprochement entre l'objet du discours et une réalité concrète et familière.
Le raisonnement par l'absurde
Raisonnement par l'absurde
Le raisonnement par l'absurde consiste à faire semblant d'adopter la thèse adverse pour mieux montrer son absurdité ou son incohérence. Il est souvent un outil de l'ironie.
« Si j'avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves, voici ce que je dirais : […] On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux, qui chez les Égyptiens […] était d'une si grande conséquence, qu'ils faisaient mourir tous les hommes roux qui leur tombaient entre les mains. »
Montesquieu, De l'esprit des lois, 1748
Les types d'arguments
Un argument est une preuve avancée par l'auteur pour montrer la validité de sa thèse. Les plus courants sont l'argument logique, l'argument d'expérience, l'argument de valeur, l'argument d'autorité et l'argument ad hominem.
L'argument logique
Argument logique
L'argument logique s'appuie sur un enchaînement cause-conséquence logique et rationnel.
« L'esclavage doit être aboli, parce qu'aucun être humain ne peut être la propriété d'un autre homme. »
Louis de Jaucourt, article « Traite des nègres », Encyclopédie, 1766
L'argument d'expérience
Argument d'expérience
L'argument d'expérience s'appuie sur l'expérience, le témoignage, l'observation de l'énonciateur.
« Voulez-vous savoir jusqu'où elle est, la misère ? Voulez-vous des faits ? […] Ces jours-ci, un homme, mon Dieu, un malheureux homme de lettres, car la misère n'épargne pas plus les professions libérales que les professions manuelles, un malheureux homme est mort de faim, mort de faim à la lettre, et l'on a constaté, après sa mort, qu'il n'avait pas mangé depuis six jours. »
Victor Hugo, « Détruire la misère », 1849
L'argument de valeur
Argument de valeur
L'argument de valeur s'appuie sur des critères de valeur subjectifs, relatifs, culturels.
« Ils changent très fréquemment de femmes, ce qui est un signe très vrai de sauvagerie. Ils ignorent de toute évidence la noblesse et l'élévation du beau sacrement de mariage. »
Jean-Claude Carrière, La Controverse de Valladolid, © Le Pré aux clercs, coll. Le Doigt de Dieu, 1992
L'argument d'autorité
Argument d'autorité
L'argument d'autorité s'appuie sur les propos, la pensée d'une personne faisant autorité dans un domaine ou considérée comme une référence.
« Cicéron dit que philosopher ce n'est autre chose que s'apprêter à la mort. »
Michel de Montaigne, Essais, I, 20, « Que philosopher c'est apprendre à mourir », 1580-1595
L'argument ad hominem
Argument ad hominem
L'argument ad hominem (« à/contre l'homme » en latin) consiste à s'attaquer à la personne même de l'adversaire pour le décrédibiliser, au lieu de contre-argumenter véritablement.
« Ceux qui jugent et qui condamnent disent la peine de mort nécessaire. D'abord, – parce qu'il importe de retrancher de la communauté sociale un membre qui lui a déjà nui et qui pourrait lui nuire encore. – S'il ne s'agissait que de cela, la prison perpétuelle suffirait. À quoi bon la mort ? Vous objectez qu'on peut s'échapper d'une prison ? faites mieux votre ronde. Si vous ne croyez pas à la solidité des barreaux de fer, comment osez-vous avoir des ménageries ? »
Victor Hugo, Le Dernier Jour d'un condamné (préface), 1829