Quelle est la thèse dans chacun des extraits suivants ?
C'est par le travail que la femme a en grande partie franchi la distance qui la séparait du mâle ; c'est le travail qui peut seul lui garantir une liberté concrète. […] Cependant il ne faudrait pas croire que la simple juxtaposition du droit de vote et d'un métier soit une parfaite libération : le travail aujourd'hui n'est pas la liberté.
Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe, II, quatrième partie « Vers la libération », 1949
Ceux qui jugent et qui condamnent disent la peine de mort nécessaire. D'abord, – parce qu'il importe de retrancher de la communauté sociale un membre qui lui a déjà nui et qui pourrait lui nuire encore. – S'il ne s'agissait que de cela, la prison perpétuelle suffirait. À quoi bon la mort ? Vous objectez qu'on peut s'échapper d'une prison ? faites mieux votre ronde. Si vous ne croyez pas à la solidité des barreaux de fer, comment osez-vous avoir des ménageries ?
Pas de bourreau où le geôlier suffit.
Victor Hugo, Le Dernier Jour d'un condamné, 1829
Dans un article, Balzac commente la pièce Hernani de Hugo.
Nous résumons notre critique en disant que tous les ressorts de cette pièce sont usés ; le sujet, inadmissible, reposât-il sur un fait vrai, parce que toutes les aventures ne sont pas susceptibles d'être dramatisées ; les caractères, faux ; la conduite des personnages, contraire au bon sens ; et, dans quelques années, les admirateurs de ce premier angle de la trilogie que M. Victor Hugo nous promet, seront bien surpris d'avoir pu se passionner pour Hernani. L'auteur nous semble, jusqu'à présent, meilleur prosateur que poète, et plus poète que dramatiste1. M. Victor Hugo ne rencontrera jamais un trait de naturel que par hasard ; et, à moins de travaux consciencieux, d'une grande docilité aux conseils d'amis sévères, la scène lui est interdite. Entre la préface de Cromwell et le drame d'Hernani, il y a une distance énorme. Hernani aurait tout au plus été le sujet d'une ballade.
Honoré de Balzac, « Hernani », 1830
1 Dramatiste : dramaturge.
Les autres forment l'homme ; je le récite et en représente un particulier bien mal formé, et lequel, si j'avais à façonner de nouveau, je ferais vraiment bien autre qu'il n'est. Méshui, c'est fait. Or les traits de ma peinture ne fourvoient point, quoiqu'ils se changent et diversifient. Le monde n'est qu'une branloire pérenne. Toutes choses y branlent sans cesse : la terre, les rochers du Caucase, les pyramides d'Égypte, et du branle public et du leur. La constance même n'est autre chose qu'un branle plus languissant. Je ne puis assurer mon objet. Il va trouble et chancelant, d'une ivresse naturelle. Je le prends en ce point, comme il est, en l'instant que je m'amuse à lui. Je ne peins pas l'être. Je peins le passage.
Michel de Montaigne, Essais, III, 2, 1580
1 Méshui : Aujourd'hui
2 Branloire : balançoire
Je me suis souvent dépité, en mon enfance, de voir dans les comédies italiennes toujours un pédant pour badin1 et le surnom de magister n'avoir guère plus honorable signification parmi nous. Car, leur étant donné en gouvernement et en garde, que pouvais-je moins faire que d'être jaloux de leur réputation ? Je cherchais bien de les excuser par la disconvenance naturelle qu'il y a entre le vulgaire et les personnes rares et excellentes en jugement et en savoir ; d'autant qu'ils vont un train entièrement contraire les uns des autres. [...]
Depuis, avec l'âge, j'ai trouvé qu'on avait une grandissime raison, et que « Pardieu les plus grands clercs ne sont pas les plus fins. »
Michel de Montaigne, Essais, I, 25, 1580
1 Sot.