Sommaire
IDéfinitions de la raisonIILa raison : orgueil de l'être humainALa raison de l'humain et celle des autres animaux1La raison comme propre de l'humain2L'intelligence animaleBLes failles de la raison humaine1Les limites de la raison humaine2Perdre la raison : l'expérience de la folieIIIApprendre à raisonnerAChercher la vérité : la nécessité d'une méthodeBLe doute : élément crucial de la méthode1L'expérience du doute2Le doute méthodique3Les quatre étapes de la méthodeIVLa raison comme ce qui est raisonnableALe versant moral de la raison : guider l'action humaine1Agir de manière raisonnable2Le rejet de la raison : le refus de la rationalité et de la raisonnabilitéBLa destruction du raisonnable par le rationnelCLa raison : une valeur à réinterroger et à dépasser1La valeur raison2La transvaluation de la valeur raisonLa notion de raison comporte deux versants : la rationalité et la raisonnabilité. La rationalité est la capacité de calcul de la raison. En ce sens la raison humaine n'est pas la seule raison qui existe et elle comporte des failles. La philosophie peut alors proposer une méthode pour guider la raison humaine à aboutir à des vérités. Bien agir, c'est agir conformément à la loi morale. Cependant la rationalité peut être mise au service de fins totalement immorales. La raison est alors déchirée car ses deux versants s'opposent. Une solution serait alors de réinterroger la valeur de la vérité et, ce faisant, de la dépasser.
Comment l'être humain doit-il faire un bon usage de sa raison pour fonder d'une part des raisonnements logiques et aboutir à des vérités, et d'autre part guider ses actions pour agir de manière raisonnable ?
Définitions de la raison
D'un point de vue cognitif, on peut définir la raison comme rationalité et comme faculté. D'un point de vue moral, la raison est ce qui est raisonnable.
D'un point de vue cognitif, la raison est synonyme de rationalité ou de faculté. Au sens large, la raison c'est la rationalité, c'est l'art de penser en général. Un être doué de raison est un être rationnel. Dans un sens plus spécifique, la raison est une faculté précise et différenciée des autres facultés : on parle de la faculté d'écrire, de mentir, de sentir, etc.
D'un point de vue moral, la raison est synonyme de raisonnable. Un humain est raisonnable quand il sait soumettre à la raison l'ensemble de ses autres facultés. Il maîtrise grâce à sa raison ses impulsions et ses passions.
- « Faire entendre raison à quelqu'un » c'est l'amener à prendre un parti raisonnable quand il se laisse entraîner par ses passions.
- Un « mariage de raison » est un mariage où l'intérêt, les considérations matérielles et sociales priment sur le sentiment. On soumet alors les sentiments à la raison.
- « Écouter la voix de la raison », « suivre le chemin de la raison » signifie être raisonnable, agir conformément à ce que dit la raison et contre ce à quoi incitent les passions.
Ainsi la raison s'oppose au sentiment, aux pulsions, au déraisonnable. Cette seconde définition de la raison comme ce qui est raisonnable montre que le champ d'étude de la raison ne se limite pas au champ théorique et scientifique. Elle recouvre également des enjeux pratiques et moraux.
L'image de l'être humain raisonnable qui use de sa raison pour maîtriser ses passions est une valeur qui n'a rien de nécessaire ni d'universel. Plus encore, cette valeur conduit l'homme fort à ne pas faire usage de sa force.
La raison : orgueil de l'être humain
L'humain est un être rationnel, mais il ne doit pas se montrer orgueilleux de la raison qu'il possède. La raison n'est pas l'apanage de l'être humain, il existe une raison animale. Par ailleurs, la raison humaine a des failles.
La raison de l'humain et celle des autres animaux
La raison humaine n'est pas la seule raison qui soit. Il existe aussi une intelligence animale. La raison humaine n'est donc qu'une raison parmi d'autres.
La raison comme propre de l'humain
Pour Descartes, les animaux sont semblables à des machines. Tous les mouvements et actions des animaux s'expliquent par l'organisation mécanique des corps. Les animaux n'ont donc pas de raison, mais ils sont entièrement soumis à des lois mécaniques. De ce point de vue, il n'y a pas de différence entre un être vivant et un automate.
« La principale raison, selon moi, qui peut nous persuader que les bêtes sont privées de raison, est que, bien que parmi celles d'une même espèce les unes soient plus parfaites que les autres, comme dans les hommes, ce qui se remarque particulièrement dans les chevaux et dans les chiens, dont les uns ont plus de dispositions que les autres à retenir ce qu'on leur apprend, et bien qu'elles nous fassent toutes connaître clairement leurs mouvements naturels de colère, de crainte, de faim, et d'autres semblables, ou par la voix, ou par d'autres mouvements du corps, on n'a point cependant encore observé qu'aucun animal fût parvenu à ce degré de perfection d'user d'un véritable langage, c'est-à-dire qui nous marquât par la voix, ou par d'autres signes, quelque chose qui pût se rapporter plutôt à la seule pensée qu'à un mouvement naturel. Car la parole est l'unique signe et la seule marque assurée de la pensée cachée et renfermée dans les corps ; or tous les hommes les plus stupides et les plus insensés, ceux mêmes qui sont privés des organes de la langue et de la parole, se servent de signes, au lieu que les bêtes ne font rien de semblable, ce que l'on peut prendre pour la véritable différence entre l'homme et la bête.
Je passe, pour abréger, les autres raisons qui ôtent la pensée aux bêtes. Il faut pourtant remarquer que je parle de la pensée, non de la vie, ou du sentiment ; car je n'ôte la vie à aucun animal, ne la faisant consister que dans la seule chaleur de cœur. Je ne leur refuse pas même le sentiment autant qu'il dépend des organes du corps. Ainsi, mon opinion n'est pas si cruelle aux animaux qu'elle est favorable aux hommes. »
René Descartes
Lettre à Morus
5 février 1649
Selon René Descartes, le trait caractéristique permettant de distinguer radicalement l'homme de l'animal est la raison. L'homme est doué à la fois de sensibilité et de raison, tandis que l'animal ne possède que la sensibilité. La sensibilité relève du corps, lequel est explicable par des lois mécaniques. C'est ce que Descartes nomme la substance étendue. La raison ne relève pas du corps et n'est pas explicable par des lois mécaniques : c'est ce que Descartes nomme la substance pensante. Autrement dit, l'animal n'est qu'un corps, tandis que l'homme est à la fois corps et esprit.
La preuve de cette différence est que l'animal est incapable de parler, car la parole est la manifestation extérieure de la présence d'une raison et d'une pensée dans un corps. Ainsi, tout ce qu'apprennent et communiquent les animaux s'explique par des mouvements naturels, c'est-à-dire par du mécanisme, et aucunement par la présence d'une raison et d'une pensée.
L'intelligence animale
La théorie cartésienne de l'animal-machine est aujourd'hui contestée car elle nie l'existence d'une intelligence animale. La rationalité animale constitue une première humiliation de la raison humaine, qui n'est alors plus la seule raison qui soit, mais bien une raison parmi d'autres. Comme l'être humain, les animaux sont des êtres rationnels. Ils sont ainsi capables de faire des raisonnements logiques pour guider leurs actions.
Montaigne, dans les Essais, II, XII, « Apologie de Raymond Sebond », prend l'exemple d'un chien qui, à la recherche de son maître, se retrouve à un carrefour comportant trois chemins. L'animal essaie deux routes et, ne trouvant pas son maître, s'élance sur la troisième sans se servir de son odorat, « mais s'y laisse emporter par la force de la raison ». Le chien a donc fait le raisonnement logique suivant :
- J'ai suivi mon maître à la trace jusqu'à ce carrefour, il a donc nécessairement emprunté l'une de ces trois voies. Le chien a ainsi énuméré les différents termes du raisonnement.
- Mon maître n'a pas emprunté la première voie ni la deuxième, il a donc nécessairement emprunté la troisième. Le chien a ainsi exploré les différentes propositions de manière séparée. Il a ensuite su rassembler ces différentes propositions pour dégager une conclusion.
C'est parce qu'il a fait ce raisonnement logique que le chien a pu tirer la conclusion que son maître était sur le troisième chemin. Cette conclusion lui donne une certitude. Celle-ci lui permet de s'élancer sur la troisième voie sans avoir à se servir de son flair. Par cette réflexion, Montaigne pointe l'orgueil de l'humain qui se considère comme le seul être doué de raison.
Ce premier moment pointe l'illégitimité de l'orgueil de l'humain, qui se considère comme le seul être rationnel qui soit. La raison humaine connaît une seconde humiliation lorsqu'on examine ses faiblesses.
Les failles de la raison humaine
La raison humaine est faillible en ce qu'elle ne permet pas à l'humain de tout comprendre. Elle l'est d'autant plus qu'elle peut faire défaut à l'humain, lequel peut alors « perdre la raison » et sombrer dans la folie.
Les limites de la raison humaine
Certaines choses restent inaccessibles à la raison humaine à cause de la finitude de l'être humain. Plus encore, on peut considérer que la raison humaine ne peut comprendre qu'une infime partie du monde.
« Que l'homme contemple donc la nature entière dans sa haute et pleine majesté, qu'il éloigne sa vue des objets bas qui l'environnent. Qu'il regarde cette éclatante lumière mise comme une lampe éternelle pour éclairer l'univers, que la terre lui paraisse comme un point au prix du vaste tour que cet astre décrit, et qu'il s'étonne de ce que ce vaste tour lui-même n'est qu'une pointe très délicate à l'égard de celui que ces astres qui roulent dans le firmament embrassent. Mais si notre vue s'arrête là, que l'imagination passe outre, elle se lassera plutôt de concevoir que la nature de fournir. Tout le monde visible n'est qu'un trait imperceptible dans l'ample sein de la nature. Nulle idée n'en approche ; nous avons beau enfler nos conceptions au-delà des espaces imaginables, nous n'enfantons que des atomes, au prix de la réalité des choses. C'est une sphère infinie dont le centre est partout, la circonférence nulle part. Enfin c'est le plus grand caractère sensible de la toute-puissance de Dieu que notre imagination se perde sans cette pensée.
Que l'homme revenu à soi considère ce qu'il est au prix de ce qui est, qu'il se regarde comme égaré dans ce canton détourné de la nature ; et que, de ce petit cachot où il se trouve logé, j'entends l'univers, il apprenne à estimer la terre, les royaumes, les villes et soi-même son juste prix. »
Blaise Pascal
Pensées, fragment 185, « Disproportion de l'homme »
1669
Si l'homme ne peut accéder qu'à une infime partie de la nature, c'est parce qu'il est un être fini, dont les sens et la raison sont limités. Seul l'intellect divin est infini. Cette finitude est due selon Blaise Pascal au fait que l'homme est une créature. L'homme est fini car il fut créé par Dieu, lequel est infini. La disproportion consiste pour l'homme à s'estimer capable de comprendre l'Univers entier. C'est l'orgueil d'une créature finie qui prétend accéder à ce qui est infini. Cette humiliation conduit l'homme à réévaluer sa place et sa propre valeur au sein de l'univers, c'est-à-dire à corriger sa « disproportion ». Cette pensée ne doit ainsi pas conduire l'homme à renoncer à ses recherches, ni à se lamenter sur sa propre finitude. Au contraire, l'homme doit reconnaître, accepter et respecter les limites qui sont les siennes. Il ne doit pas chercher à comprendre l'entièreté du monde, mais s'attacher à l'infime parcelle qu'il est dans ses capacités de connaître.
La finitude de l'être humain permet de souligner une première limite de la raison humaine en pointant ce qui demeure hors de sa portée. Une seconde limite est la vulnérabilité de la raison humaine. L'être humain possède une raison, mais il peut également la perdre.
Perdre la raison : l'expérience de la folie
L'humain est un être rationnel en tant qu'il possède une raison. Il peut cependant se conduire de manière complètement irrationnelle quand sa raison lui fait défaut.
Les dieux peuvent enlever à l'être humain sa raison et l'amener à commettre des actes insensés.
Dans la pièce d'Euripide La Folie d'Héraclès, Héra (Junon) rend Héraclès (Hercule) fou, et cette folie le conduit à tuer sa femme et ses enfants.
Les sentiments de l'humain peuvent le faire basculer dans la folie.
Dans la pièce de William Shakespeare Othello, un roi, devenu fou de jalousie, assassine sa femme Desdémone.
La présence du surnaturel, c'est-à-dire de ce qui par essence échappe à la raison humaine, peut conduire l'humain à la folie.
La nouvelle Le Horla de Guy de Maupassant ou le film Shining de Stanley Kubrick illustrent cette idée.
La perte de la raison peut s'expliquer enfin par des raisons médicales. Il est possible d'expliquer scientifiquement et rationnellement la folie.
Les films Psychose d'Alfred Hitchcock et Vol au-dessus d'un nid de coucou de Milos Forman expliquent scientifiquement et rationnellement la folie.
La raison humaine n'est pas toute-puissante. Bien au contraire, elle est fragile au sens où elle peut défaillir. L'humain peut ainsi tomber dans le délire et la folie. De même, la raison humaine est faillible, c'est-à-dire qu'elle échoue à comprendre un grand nombre de choses. Enfin, la raison humaine n'est pas la seule raison qui existe : il existe aussi une intelligence animale. Si la raison humaine est une raison parmi d'autres et qu'elle est imparfaite, quelles sont cependant ses caractéristiques propres ?
Apprendre à raisonner
Si la raison humaine n'est pas la seule raison qui existe, elle a cependant ses caractéristiques et ses faiblesses propres. L'humain doit alors apprendre à faire un bon usage de la raison qui est la sienne pour bien juger et parvenir à des vérités.
Chercher la vérité : la nécessité d'une méthode
Il ne suffit pas d'être doué de raison pour trouver des vérités. Il faut encore savoir en faire bon usage. Descartes fonde ainsi une méthode permettant à l'être humain de raisonner droitement, c'est-à-dire de juger de manière juste et de parvenir ainsi à des vérités.
« Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée. »
René Descartes
Discours de la méthode, I
1637
C'est sur cette phrase que s'ouvre le Discours de la méthode de René Descartes. Le bon sens désigne ici la raison, c'est-à-dire la faculté de bien juger, de distinguer le vrai du faux. Tous les hommes possèdent une raison, et chacun peut donc accéder à la vérité.
Cependant, on constate dans l'expérience que les humains font aussi des erreurs. Tout être humain peut accéder à la vérité car il possède une raison, mais en fait les humains se trompent. La cause de l'erreur est que l'humain ne s'est pas servi correctement de sa raison. Ainsi, il ne suffit pas d'avoir une raison pour accéder à la vérité : il faut aussi savoir bien s'en servir. Comment l'être humain peut-il faire un bon usage de sa raison, et ainsi découvrir des vérités ? Pour faire bon usage de sa raison, il est nécessaire de suivre une méthode. Le terme « méthode » vient du grec methodos, terme signifiant la poursuite d'un chemin. Il s'agit donc de « chercher la vraie méthode pour parvenir à la connaissance de toutes les choses dont mon esprit serait capable ».
Le doute : élément crucial de la méthode
Une fois posée la nécessité de la méthode, Descartes en expose le principe essentiel. Ainsi, la méthode cartésienne repose sur un doute systématique, radical et provisoire.
L'expérience du doute
Avant d'arriver à penser un doute radical, Descartes fit au cours de sa vie plusieurs expériences du doute. Ces dernières l'ont amené à fonder la nécessité du doute en philosophie.
Dans le Discours de la méthode, René Descartes explique qu'il a fait plusieurs expériences du doute dans sa jeunesse. Ainsi, dès son enfance, il est instruit de toutes sortes de sciences. Cependant, alors que ce savoir aurait dû le hisser au rang des doctes, il ne lui permet que de prendre conscience de son ignorance. Descartes étudie la philosophie, mais sans jamais aboutir à une certitude. Toute idée est sans cesse remise en question et apparaît donc comme douteuse.
Descartes fait également de nombreux voyages et constate alors que les opinions des humains varient d'un pays à l'autre. Une opinion jugée ridicule par un peuple sera reçue et approuvée par un autre. Encore une fois, il semble ne pas y avoir de vérité, mais seulement une diversité d'opinions contradictoires.
Le doute méthodique
Riche de ces nombreuses expériences, Descartes en vient à élaborer un doute méthodique servant de principe à sa méthode. C'est paradoxalement par l'exercice du doute que l'humain peut parvenir à des certitudes et à des vérités.
« Que pour examiner la vérité il est besoin, une fois en sa vie, de mettre toutes choses en doute autant qu'il se peut.
Comme nous avons été enfants avant que d'être hommes, et que nous avons jugé tantôt bien et tantôt mal des choses qui se sont présentées à nos sens lorsque nous n'avions pas encore l'usage entier de notre raison, plusieurs jugements ainsi précipités nous empêchent de parvenir à la connaissance de la vérité, et nous préviennent de telle sorte qu'il n'y a point d'apparence que nous puissions nous en délivrer, si nous n'entreprenons de douter une fois en notre vie de toutes les choses où nous trouverons le moindre soupçon d'incertitude. »
René Descartes
Principes de la philosophie, I, 1
1644
Un enfant a besoin de préjugés : Descartes ne dit pas que l'homme ne doit jamais recevoir d'opinion ou de préjugé sans les examiner. Un enfant ne peut pas faire autrement, car sa raison n'est pas assez développée pour qu'il puisse examiner les idées qu'il reçoit de la coutume et de l'autorité. Il lui faut cependant des principes pour guider ses actions.
Il faut se défaire des préjugés quand la raison est assez formée. Quand l'homme est en âge de penser par lui-même, c'est-à-dire quand sa raison est assez formée, il doit se défaire des préjugés reçus par la persuasion de l'exemple et de la coutume. Contre la tradition et l'autorité des doctes, il doit user de sa raison pour trouver par lui-même des vérités. Il s'agit donc de « bâtir dans un fond qui est tout à moi ».
Ainsi, avant de trouver des vérités par lui-même, l'humain doit commencer par faire table rase des opinions qu'il a reçues. Cet impératif est le tout premier principe des Principes de la philosophie. Descartes rejette donc tous les préjugés qu'il avait reçus sans avoir pris le temps de les examiner par lui-même. Un préjugé ne doit donc être reçu que si l'esprit en a par lui-même éprouvé le bien-fondé, c'est-à-dire si ce préjugé est reconnu comme vérité après être passé au crible de la raison. Le fait de douter systématiquement de toutes les idées que l'on n'a pas encore examinées s'appelle le doute méthodique.
Le doute cartésien est un moyen pour l'esprit d'atteindre une vérité, c'est un doute méthodique et provisoire. À terme, l'esprit doit dépasser le doute pour atteindre une vérité, c'est-à-dire une certitude. À l'inverse, le doute sceptique est à lui-même sa propre fin, c'est-à-dire que le sceptique ne cesse jamais de douter.
« Les sceptiques ne doutent que pour douter et affectent d'être toujours irrésolus… au contraire, tout mon dessein ne tend qu'à m'assurer et à rejeter la terre mouvante et le sable, pour trouver le roc et l'argile. »
René Descartes
Discours de la méthode, III
1637
Les quatre étapes de la méthode
Après avoir exposé la nécessité et le principe de sa méthode, Descartes en détaille les différentes étapes. C'est en suivant pas à pas ces différents paliers que l'esprit parvient à la vérité.
« 45. Ce que c'est qu'une perception claire et distincte
La connaissance sur laquelle on peut établir un jugement clair et indubitable doit être non seulement claire, mais aussi distincte. J'appelle claire celle qui est présente et manifeste à un esprit attentif ; de même que ce que nous disons voir assez fort, et que nos yeux sont disposés à les regarder ; et distincte, celle qui est tellement précise et différente de toutes les autres, qu'elle ne comprend en soi que ce qui paraît manifestement à celui qui la considère comme il faut. »
René Descartes
Principes de la philosophie, article 1
1644
Idée claire
Une idée claire s'oppose à une idée obscure. C'est une idée que l'on comprend totalement, où il n'y a pas de zone d'ombre, d'où la comparaison avec la clarté de la vue. Un objet apparaît beaucoup plus clairement sous tous ses contours en plein jour que dans une semi-obscurité.
Idée distincte
Une idée distincte est une idée que l'on ne confond pas avec une autre. C'est une idée qui se détache nettement des autres idées que l'on peut avoir. Le critère de la vérité est pour Descartes l'évidence, c'est-à-dire lorsqu'une idée apparaît à l'esprit de manière claire et distincte.
« Le premier [des préceptes] était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie, que je ne la connusse évidemment être telle : c'est-à-dire d'éviter soigneusement la précipitation et la prévention ; et de ne comprendre rien de plus en mes jugements, que ce qui se présenterait si clairement et si distinctement à mon esprit, que je n'eusse aucune occasion de le mettre en doute.
Le second, de diviser chacune des difficultés que j'examinerais en autant de parcelles qu'il se pourrait et qu'il serait requis pour les mieux résoudre.
Le troisième, de conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu, comme par degrés, jusques à la connaissance des plus composés.
Et le dernier, de faire partout des dénombrements si entiers, et des revues si générales, que je fusse assuré de ne rien omettre. »
René Descartes
Discours de la méthode, II
1637
Le premier précepte permet d'éviter l'erreur due à la précipitation et à la prévention. L'homme juge dans la précipitation quand il formule un jugement avant que sa raison ait fini de mener son analyse sur l'objet concerné. Il juge par prévention quand son jugement se base sur l'influence de l'habitude et de la coutume.
Le second précepte correspond à l'opération mathématique de la division : l'esprit divise le composé en éléments simples.
Le troisième précepte est la réciproque du second : après être passé du composé au simple, l'esprit part du simple pour reconstruire le composé. Le simple c'est, comme son nom l'indique, ce qui n'est pas composé. Le simple est donc ce qui ne suppose rien d'autre pour être connu, c'est-à-dire qu'il est l'élément le plus facile à connaître. À l'inverse, le composé est ce qui s'éloigne du plus simple par un grand nombre de déductions.
Le quatrième précepte expose l'opération de dénombrement par laquelle l'esprit vérifie qu'il n'a rien oublié.
Il faut noter que cette méthode est un exercice de l'esprit, c'est-à-dire qu'elle doit être pratiquée afin d'affermir l'esprit, de l'entraîner à rechercher correctement des vérités.
La raison humaine est développée et affermie par une méthode qui assure le bon usage que l'humain en fait. Il peut alors, grâce à sa raison, ériger différents types de raisonnements et accéder à différentes vérités.
La raison comme ce qui est raisonnable
Le versant moral de la raison intervient dans le domaine pratique, quand il s'agit de déterminer et de juger les actions des humains. L'être humain ne fait pas usage de sa raison de la même manière dans le domaine logique et dans le domaine pratique. Ces deux versants de la raison peuvent même entrer en opposition. Cette dernière peut alors conduire à la destruction du versant moral de la raison, ou bien à son dépassement.
Le versant moral de la raison : guider l'action humaine
Le versant moral de la raison est la raisonnabilité. L'humain fait un usage moral de sa raison quand il doit déterminer sa manière d'agir conformément à la morale. Cependant, de même qu'il peut mobiliser les deux versants de sa raison, l'humain peut refuser de s'en servir, délaissant à la fois sa rationalité et sa raisonnabilité.
Agir de manière raisonnable
Quand il s'agit de guider ses actions, l'humain peut mobiliser le versant moral de sa raison. Le domaine logique d'une part et le domaine pratique et moral d'autre part correspondent alors à deux usages différents qu'il fait de sa raison.
L'humain agit de manière raisonnable lorsque son action est conforme à la morale. René Descartes, dans la troisième partie du Discours de la méthode, propose alors une morale pour guider nos actions. De même que la méthode guide l'humain dans le champ logique, la morale le guide dans le champ pratique. Cependant, l'être humain fait un usage différent de sa raison dans chacun de ces deux champs. En effet, la raison recommande à l'être humain de rester irrésolu tant qu'il ne sera pas certain d'avoir atteint la vérité. Ce principe vaut dans le domaine logique, mais il est inapplicable dans le champ pratique. Effectivement, l'être humain ne peut pas rester irrésolu dans ses actions, car certaines situations exigent qu'il agisse, quand bien même il ne sait pas avec certitude quel parti est le plus sage. C'est donc parce que l'esprit remet en doute l'ensemble de ses idées en suivant la méthode qu'une morale dite « par provision » est nécessaire afin de guider l'action quand l'esprit n'a pas encore fini l'examen de ses idées. La méthode fonde la nécessité de la morale.
« Afin que je ne demeurasse point irrésolu en mes actions, pendant que la raison m'obligerait à l'être en mes jugements (…) je me formerai une morale par provision »
René Descartes
Discours de la méthode, III
1637
La morale que Descartes propose est une morale par provision, c'est-à-dire une morale imparfaite dont on suit les principes en attendant de savoir quel est effectivement le meilleur parti. Il s'agit donc d'une morale provisoire.
« Ma seconde maxime était d'être le plus ferme et le plus résolu en mes actions que je pourrais, et de ne suivre pas moins constamment les opinions les plus douteuses, lorsque je m'y serais une fois déterminé, que si elles eussent été très assurées. Imitant en cela les voyageurs qui, se trouvant égarés en quelque forêt, ne doivent pas errer en tournoyant, tantôt d'un côté, tantôt d'un autre, ni encore moins s'arrêter en une place, mais marcher toujours le plus droit qu'ils peuvent vers un même côté, et ne le changer point pour de faibles raisons, encore que ce n'ait peut-être été au commencement que le hasard seul qui les ait déterminés à le choisir : car, par ce moyen, s'ils ne vont justement où ils désirent, ils arriveront au moins à la fin quelque part, où vraisemblablement ils seront mieux que dans le milieu d'une forêt. Et ainsi, les actions de la vie ne souffrant souvent aucun délai, c'est une vérité très certaine que lorsqu'il n'est pas en notre pouvoir de discerner les plus vraies opinions, nous devons suivre les plus probables ; et même, qu'encore que nous ne remarquions point davantage de probabilité aux unes qu'aux autres, nous devons néanmoins nous déterminer à quelques-unes, et les considérer après, non plus comme douteuses, en tant qu'elles se rapportent à la pratique, mais comme très vraies et très certaines, à cause que la raison qui nous y a fait déterminer se trouve telle. »
René Descartes
Discours de la méthode, III
1637
Une des maximes de la morale par provision porte sur le cas où l'homme doit agir sans connaître les vérités qui pourraient le guider. Il doit alors suivre les opinions les plus probables aussi fermement que s'il s'agissait de vérités, c'est-à-dire sans jamais en dévier. Cette morale préserve alors l'homme de tout remords d'avoir mal agi, car ce dernier a agi du mieux qu'il pouvait.
Le rejet de la raison : le refus de la rationalité et de la raisonnabilité
L'aspect moral peut renforcer l'aspect logique de la raison quand il s'agit de guider l'action humaine. Cependant, si l'humain peut se servir de sa raison sous ces deux aspects, il peut également refuser d'en user. Il rejette alors autant la rationalité que la raisonnabilité dont il est capable.
« Les Lumières, c'est la sortie de l'homme hors de l'état de tutelle dont il est lui-même responsable. L'état de tutelle est l'incapacité de se servir de son propre entendement sans la conduite d'un autre. On est soi-même responsable de cet état de tutelle quand la cause tient non pas à une insuffisance de l'entendement mais à une insuffisance de la résolution et du courage de s'en servir sans la conduite d'un autre. Sapere aude ! [Ose savoir !] Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Voilà la devise des Lumières.
Paresse et lâcheté sont les causes qui font qu'un grand nombre d'hommes, après que la nature les eut affranchis depuis longtemps d'une conduite étrangère, restent cependant volontiers toute leur vie dans un état de tutelle ; et qui font qu'il est si facile à d'autres de se poser comme leurs tuteurs. Il est si commode d'être sous tutelle. Si j'ai un livre qui a de l'entendement à ma place, un directeur de conscience qui a de la conscience à ma place, un médecin qui juge à ma place de mon régime alimentaire, etc., je n'ai alors pas moi-même à fournir d'efforts. Il ne m'est pas nécessaire de penser dès lors que je peux payer ; d'autres assumeront bien à ma place cette fastidieuse besogne. Et si la plus grande partie, et de loin, des hommes tient ce pas qui affranchit de la tutelle pour très dangereux et de surcroît très pénible, c'est que s'y emploient ces tuteurs qui, dans leur extrême bienveillance, se chargent de les surveiller. Après avoir d'abord abêti leur bétail et avoir empêché avec sollicitude ces créatures paisibles d'oser faire un pas hors du chariot où ils les ont emprisonnés, ils leur montrent ensuite le danger qui les menace s'ils essaient de marcher seuls. […] Il est donc difficile à chaque homme pris individuellement de s'arracher à l'état de tutelle devenu pour ainsi dire une nature. »
Emmanuel Kant
Qu'est-ce que les Lumières ?
1784
Pourquoi vouloir se maintenir dans l'état de tutelle ? Une telle volonté est à la fois un refus de se servir de la rationalité dont l'homme est capable, et un acte déraisonnable.
L'humain choisit de rester sous tutelle par paresse : accéder aux Lumières demande un effort. Celui qui refuse de penser par lui-même se laisse gagner par le confort et la facilité qu'il y a à déléguer cet effort à un autre. Se laisser conduire par un autre évite toute remise en question et tout ébranlement de ses convictions. De plus celui qui pense à la place d'un autre lui donne des idées toutes faites. L'être humain s'épargne alors l'effort de penser par lui-même. Cette délégation devenant habituelle, il est toujours plus difficile de commencer à penser par soi-même.
L'humain choisit de rester sous tutelle par lâcheté : cette lâcheté vient de la peur de se tromper et d'être tenu pour responsable de ses erreurs. À l'inverse, celui qui se laisse gouverner par un autre ne sera jamais tenu pour responsable : le responsable sera son guide. De plus les idées toutes faites que lui donne son guide correspondent à une certaine norme. L'homme sous tutelle est alors sûr de ne pas penser contre la masse, et de ne pas être confronté à la difficulté de s'affirmer. Il jouit du sentiment de sécurité qu'apporte le conformisme.
Se laisser guider par un autre : un acte déraisonnable. Le tuteur de l'enfant doit le faire passer d'un état de dépendance, d'hétéronomie, à un état d'autonomie. Il le conduit à dépasser l'état de tutelle pour accéder à une liberté de penser et d'agir par lui-même. L'objectif est de le faire accéder à la liberté. Il est un maître à penser, c'est-à-dire celui qui apprend à penser.
Inversement, le tuteur responsable de la tutelle d'un autre ne le fait pas devenir autonome. Il le conforte dans sa servitude afin de conserver sur lui un pouvoir et le manipuler. Ainsi il l'abêtit, c'est-à-dire qu'il ne l'aide pas à exercer ses facultés. Il n'éveille pas sa raison, mais au contraire l'endort. De plus, il fait peur à l'homme qu'il veut maintenir sous sa tutelle. Il lui représente le pas à franchir vers l'autonomie comme redoutable. L'humain volontairement sous tutelle s'ôte lui-même le pouvoir de juger de son tuteur. Il ne va pas de soi que celui qui se prétend son tuteur soit digne de l'être, qu'il soit lui-même dans les Lumières, c'est-à-dire qu'il ne soit pas lui-même guidé par un autre. Un tel tuteur est un maître penseur, celui qui pense à la place d'un autre. Ainsi l'homme qui se maintient volontairement dans un état de tutelle refuse de se servir de sa rationalité, et se prive lui-même de sa liberté, ce qui est un acte déraisonnable.
Un pas supplémentaire peut être franchi quand le rationnel entre en opposition avec le raisonnable. En effet, un homme, tout en étant rationnel, peut choisir de ne pas être raisonnable, voire d'agir à l'encontre de la morale.
La destruction du raisonnable par le rationnel
L'homme peut mettre sa rationalité au service de fins totalement immorales. La raison est alors déchirée, quand ses deux versants se séparent radicalement l'un de l'autre et s'opposent.
La mise en place de la « solution finale » par les nazis est un exemple historique de cette déchirure et de cette opposition. Georges Didi-Huberman, dans Images malgré tout, explique que les nazis ont voulu et construit le caractère inimaginable de la Shoah. Il reprend alors le témoignage du détenu Simon Wisenthal, lequel rapporte les paroles d'un SS disant que tous les soupçons et les recherches ne permettront jamais de dégager de preuve de l'existence de la Shoah. La cause en est que les nazis auront détruit toutes les preuves matérielles et humaines. Ainsi le crématoire V d'Auschwitz fut détruit en 1945 par les SS eux-mêmes ; et les Sonderkommandos furent contraints de détruire tous les documents sur les détenus. L'oubli de l'extermination fait partie de l'extermination elle-même.
Un autre moyen employé par les SS pour cacher l'existence de la Shoah fut le détournement de la langue. Ainsi le mot allemand sonder signifie « spécial, séparé, singulier ». Le terme de Sonderbehandlung, qui se traduit littéralement par « traitement spécial », désignait en fait le gazage. De même, les Sonderkommandos ne sont pas seulement un commando spécial comme l'invite à le croire le terme allemand. Ce sont les équipes de détenus chargés de mettre les cadavres dans les fosses ou les fours crématoires. Toutes ces procédures témoignent d'une très grande rationalité, d'une grande capacité de calcul ; mais également de la destruction de toute morale.
Le constat de la possible opposition entre rationnel et raisonnable conduit à interroger la valeur de la raison dans son aspect moral. La raisonnabilité est en effet posée comme une valeur à respecter et à suivre. Quelle est cependant la valeur de cette valeur ?
La raison : une valeur à réinterroger et à dépasser
Le versant moral de la raison, qui pousserait l'homme à agir conformément au bien, n'est qu'une valeur. Plus encore, cette valeur entrave la volonté de puissance de ceux qui sont assez forts pour exprimer pleinement tous les instincts qui sont les leurs.
La valeur raison
Aux yeux de Nietzsche, la raison n'est pas un idéal métaphysique et moral immuable. C'est au contraire une valeur historiquement construite par l'homme. Si l'on interroge la valeur de cette valeur, on s'aperçoit que la raison s'est aujourd'hui retournée contre l'homme en tant qu'elle entrave sa volonté de puissance.
« Exiger de la force qu'elle ne se manifeste pas comme force, qu'elle ne soit pas volonté de domination, volonté de terrasser, volonté de maîtrise, soif d'ennemis, de résistances et de triomphes, c'est tout aussi absurde que d'exiger de la faiblesse qu'elle se manifeste comme force. […] Car, tout comme le peuple sépare la foudre de son éclat, et prend ce dernier pour l'action, pour l'effet d'un sujet qui s'appelle la foudre, de même la morale du peuple sépare la puissance des manifestations de la puissance, comme s'il y avait derrière le puissant un substrat indifférent qui serait libre de manifester la puissance ou de ne pas le faire. Mais un tel substrat n'existe pas ; il n'existe aucun être derrière l'agir, le faire, le devenir ; l'agent est un ajout de l'imagination à l'agir, car l'agir est tout. »
Friedrich Nietzsche
Généalogie de la morale, I, § 13
1887
Friedrich Nietzsche, dans Généalogie de la morale, explique que la raison au sens métaphysique et moral n'est ni un idéal éternel et immuable, ni une faculté de l'esprit. L'équivalence entre la raison, la vertu et le bonheur n'est qu'un préjugé exprimant la victoire de certains instincts sur d'autres. Ainsi, l'idée selon laquelle l'homme doit user de sa raison pour maîtriser ses instincts n'est qu'une valeur. Cette valeur fut posée par les « surnuméraires » pour gâter la volonté de puissance des « forts » et les affaiblir. Au contraire, la raison a une origine sensible et instinctive. Elle est le fruit d'une élaboration. Autrement dit, la raison est l'objet d'un surinvestissement philosophique fictif.
La transvaluation de la valeur raison
L'estimation de la valeur de la valeur raison amène Nietzsche à penser que cette valeur doit être dépassée. Il nomme « transvaluation » le dépassement d'un système de valeurs vers un autre. L'objectif est alors de proposer de nouvelles valeurs qui serviront davantage la volonté de puissance de l'homme, c'est-à-dire la vie.
« Tout animal, y compris la bête philosophe, aspire instinctivement à un optimum de conditions favorables, dans lesquelles il peut déployer toute sa force et atteindre le maximum de son sentiment de puissance ; tout animal, instinctivement et avec une finesse de flair qui « dépasse toute intelligence », repousse également avec horreur les gêneurs et les obstacles de toute espèce qui se mettent ou pourraient se mettre en travers de son chemin vers l'optimum (je ne parle pas de son chemin vers le bonheur, mais de son chemin vers la puissance, vers l'action, vers l'action la plus puissante, qui, dans la plupart des cas, est en fait son chemin vers le malheur). »
Friedrich Nietzsche
Généalogie de la morale, III, § 7
1887
Il est faux de penser que la raison dans son versant moral est quelque chose de paisible. Au contraire, elle est le fruit d'une lutte entre les instincts. Plus encore, la raison est en conflit ouvert avec les instincts qu'elle refoule.
Nietzsche affirme alors qu'il faut rejeter l'idée de raison raisonnable afin de permettre le libre déploiement de la volonté de puissance. Il s'agit donc d'opérer une « transvaluation » de la valeur raison. Autrement dit, il faut poser la question de la valeur de la raison pour dépasser la valeur raison et, à terme, poser de nouvelles valeurs qui permettront le complet déploiement de la volonté de puissance. La raison dans son acception morale est une valeur qui doit être dépassée.