Quelle caractéristique de ce texte permet de dire qu'il s'agit d'une tragédie baroque ?
« MÉDÉE, seule dans sa grotte magique.
C'est trop peu de Jason, que ton œil me dérobe,
C'est trop peu de mon lit : tu veux encore ma robe,
Rivale insatiable, et c'est encore trop peu,
Si, la force à la main, tu l'as sans mon aveu :
Il faut que par moi-même elle te soit offerte,
Que perdant mes enfants, j'achète encore leur perte ;
Il en faut un hommage à tes divins attraits,
Et des remerciements au vol que tu me fais.
Tu l'auras : mon refus serait un nouveau crime :
Mais je t'en veux parer pour être ma victime
Et sous un faux-semblant de libéralité,
Soûler et ma vengeance et ton avidité.
Le charme est achevé, tu peux entrer, Nérine. »
Pierre Corneille, Médée, acte IV, scène 1,1635
Quelle caractéristique de ce texte, à la fin de la pièce, permet de dire que c'est une tragi-comédie ?
« DON RODRIGUE.
Pour posséder Chimène, et pour votre service,
Que peut-on m'ordonner que mon bras n'accomplisse ?
Quoi qu'absent de ses yeux il me faille endurer
Sire, ce m'est trop d'heures de pouvoir espérer
DON FERNAND.
Espère en ton courage, espère en ma promesse ;
Et possédant déjà le cœur de ta maîtresse,
Pour vaincre un point d'honneur qui combat contre toi,
Laisse faire le temps, ta vaillance et ton roi. »
Pierre Corneille, Le Cid, acte V, scène 7, 1637
Quelle caractéristique de ce texte permet de dire qu'il s'agit d'une tragédie classique ?
« BURRHUS.
De votre bouche, ô ciel ! Puis-je l'apprendre ?
Vous-même sans frémir avez-vous pu l'entendre ?
Songez-vous dans quel sang vous allez vous baigner ?
Néron dans tous les cœurs est-il las de régner ?
Que dira-t-on de vous ? Quelle est votre pensée ?
NÉRON.
Quoi toujours enchaîné de ma gloire passée
J'aurai devant les yeux je ne sais quel amour,
Que le hasard nous donne et nous ôte en un jour ?
Soumis à tous leurs vœux, à mes désirs contraires
Suis-je leur empereur seulement pour leur plaire ?
BURRHUS.
Et ne suffit-il pas, Seigneur, à vos souhaits
Que le bonheur public soit un de vos bienfaits ?
C'est à vous à choisir, vous êtes encore maître.
Vertueux jusqu'ici vous pouvez toujours l'être. »
Jean Racine, Britannicus, acte IV, scène 3, 1669
Quelle caractéristique de ce texte permet de dire qu'il s'agit d'une tragédie moderne ?
« Voilà. Ces personnages vont vous jouer l'histoire d'Antigone. Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. Elle pense qu'elle va être Antigone tout à l'heure, qu'elle va surgir soudain de la maigre jeune fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux dans la famille et se dresser seule en face du monde, seule en face de Créon, son oncle, qui est le roi. Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout... »
Jean Anouilh, Antigone, prologue, Paris, © Éditions de la Table ronde, 1946
Quelle caractéristique de ce texte permet de dire qu'il s'agit d'une tragédie classique ?
« PHÈDRE.
Les moments me sont chers, écoutez-moi, Thésée.
C'est moi qui sur ce fils chaste et respectueux
Osai jeter un œil profane, incestueux.
Le ciel mit dans mon sein une flamme funeste.
La détestable Œnone a conduit tout le reste.
Elle a craint qu'Hippolyte instruit de ma fureur
Ne découvrît un feu qui lui faisait horreur.
La perfide abusant de ma faiblesse extrême.
S'est hâtée à vos yeux de l'accuser lui-même.
Elle s'en est punie, et fuyant mon courroux
A cherché dans les flots un supplice trop doux.
Le fer aurait déjà tranché ma destinée.
Mais je laissais gémir la vertu soupçonnée.
J'ai voulu, devant vous exposant mes remords,
Par un chemin plus lent descendre chez les morts.
J'ai pris, j'ai fait couler dans mes brûlantes veines
Un poison que Médée apporta dans Athènes.
Déjà jusqu'à mon cœur le venin parvenu
Dans ce cœur expirant jette un froid inconnu ;
Déjà je ne vois plus qu'à travers un nuage
Et le ciel, et l'époux que ma présence outrage ;
Et la mort à mes yeux dérobant la clarté
Rend au jour, qu'ils souillaient, toute sa pureté.
PANOPE.
Elle expire, Seigneur. »
Jean Racine, Phèdre, acte V, scène 7, 1677