Sommaire
ILa figure du monstreADéfinition du monstreBLe monstre entre peur et fascinationIILes multiples représentations du monstre dans la littérature et les artsADes créatures hybrides entre l'homme et l'animal1Les géants2Les vampiresBDes créatures ressemblant à l'homme1La fée2La sorcièreCDes créatures nées d'une transformationIIILe monstre et ses différents liens avec l'hommeALe monstre : un ennemiBLe monstre : un alliéCL'homme : un monstre pour l'hommeDans chaque pays du monde, à toutes les époques, les hommes ont eu besoin d'inventer des monstres. Ces créatures imaginaires, repoussantes ou attirantes, gentilles ou méchantes, mi-homme mi-animal, permettent à l'homme d'exprimer sa peur ou son admiration à l'égard de ce qui est différent de lui, de ce qui lui est étranger, de ce qui ne lui ressemble pas et de ce qu'il considère comme monstrueux. La littérature et les arts représentent les différentes figures du monstre et interrogent les diverses relations entre l'homme et le monstre : combat, affrontement, entente amicale ou amoureuse, etc. La littérature et les arts montrent également de quelle manière la figure du monstre permet au héros de prendre sa place.
Quelles sont les représentations du monstre dans la littérature et dans les arts ? Quelles sont les émotions ressenties ? En quoi les liens entre l'homme et le monstre permettent à l'homme d'être monstrueux et au monstre d'être humain ?
La figure du monstre
Le monstre est une créature imaginée par l'homme qui peut prendre différentes formes. Le monstre provoque la peur mais aussi la fascination.
Définition du monstre
La définition du mot « monstre » est variée et complexe. C'est un mot qui peut prendre plusieurs sens. La créature monstrueuse peut être un être ou un animal terrible incarné par le dragon. Le monstre peut être une créature effrayante, soit par son physique soit par son attitude morale et ses actions.
Le mot « monstre » vient du latin monstrum qui signifie « prodige », « ce qui est donné à voir ». On distingue trois sens du mot « monstre » :
- être, animal fantastique et terrible des légendes et des mythologies ;
- personne d'une laideur physique effrayante ;
- personne effrayante par sa méchanceté.
Les trois sens du mot « monstre » trouvent chacun des représentations dans la littérature et les arts.
Quand le monstre est un être ou un animal fantastique terrible, il ressemble souvent à une sorte de dragon étrange et imaginaire. Il possède plusieurs têtes, plusieurs membres supérieurs et inférieurs (pattes, sorte de bras, etc.), des écailles, des ailes, des griffes, des cornes. Il est effrayant par sa taille, par son pouvoir magique, par les sons qu'il émet. Il peut cracher du feu pour se défendre.
Scylla, dans l'Odyssée d'Homère, est un monstre marin qui ressemble à un dragon avec ses « douze pieds difformes, et six longs cous sortent de son corps : à chaque cou est attachée une tête horrible, et dans chaque gueule pleine de la noire mort il y a une triple rangée de dents épaisses et nombreuses. » (Homère, Odyssée, chant XIII)
© Wiki Lettres antiques
Quand une personne est d'une laideur effrayante, elle est souvent considérée comme monstrueuse. Elle a des traits physiques difformes, laids, et non conformes à l'ordinaire.
Quasimodo est un personnage monstrueux du roman de Victor Hugo, Notre-Dame de Paris (1831). Il est borgne, bossu et boiteux.
Une créature peut être monstrueuse du fait de son comportement. Elle fait preuve d'une méchanceté incomparable au point de commettre des actes inimaginables.
Dans la mythologie grecque, Médée est une princesse douée de pouvoirs magiques. Elle aide Jason à retrouver la Toison d'or. Ensemble, ils ont des enfants, mais Jason finit par tromper Médée. Elle entre dans une terrible colère et souhaite se venger. Elle fait preuve d'une violence redoutable et d'une grande cruauté au point de tuer ses propres enfants qu'elle aimait pourtant. Médée est un personnage dont le comportement est monstrueux.
Le monstre entre peur et fascination
L'homme ressent de la peur pour les monstres, mais il est également fasciné par leurs caractéristiques physiques, par leurs pouvoirs et par leurs actes.
La littérature montre que l'homme peut avoir peur des monstres qu'il rencontre sur son passage. Les légendes populaires ont souvent utilisé la figure du loup. Le loup serait une créature monstrueuse qui effraie l'homme et lui veut du mal. Le loup a en effet très souvent mauvaise réputation dans la littérature : il est celui qui mange les troupeaux de moutons dans la montagne, les petits enfants dans les contes merveilleux comme Le Petit Chaperon rouge. Plus encore, certains hommes sont capables de prendre l'aspect d'un loup et de devenir un homme-loup appelé « loup-garou » qui ne sortirait que le soir pour effrayer les gens.
Entre 1764 et 1767, au sud de l'Auvergne, dans le Gévaudan, une bête monstrueuse et mystérieuse s'attaque aux hommes et les effraie.
« Une Bête féroce est apparue dans nos climats, laissant les traces sanglantes de sa cruauté. Elle est venue comme par miracle, et sème la terreur dans nos campagnes, elle joint la force à la ruse, fond sur sa proie avec une agilité extraordinaire, parcourt d'énormes distances en un temps très bref. Ce monstre s'en prend de préférence aux femmes, aux enfants, aux vieillards aussi, mais ose attaquer les hommes robustes. [...] Un homme a vu la Bête traverser la Truyère à gué sur ses deux pattes de derrière : pour lui, ce ne peut être qu'un singe ou un loup-garou. »
José Féron Romano
La Bête du Gévaudan
Paris, © Hachette, 1988
La littérature montre également que l'homme peut ressentir de l'attirance pour les créatures monstrueuses. Certains monstres sont attirants et envoûtants. Ils empruntent des caractéristiques humaines comme la voix.
© Wikimedia Commons
Ce tableau montre comment Ulysse, attaché solidement au mât du bateau, résiste au chant envoûtant de six sirènes qui tournent autour de lui pendant qu'une autre va tenter un de ses compagnons. Ces sirènes ont un très beau visage humain, très fin, avec des cheveux bruns, mais leur corps est celui d'un oiseau noir aux larges ailes.
Les multiples représentations du monstre dans la littérature et les arts
Dans la littérature et les arts, on trouve de multiples représentations du monstre. Il peut être une créature hybride entre l'homme et l'animal, une créature qui ressemble à l'homme ou encore une créature née d'une métamorphose.
Des créatures hybrides entre l'homme et l'animal
Les créatures monstrueuses hybrides sont un mélange imaginaire d'homme et d'animal. C'est le cas des géants ou des vampires.
Les géants
Les géants sont des créatures hybrides que l'on retrouve notamment dans les récits antiques et dans les contes merveilleux.
Hybride
L'adjectif « hybride » signifie « croisement » : c'est un mélange entre deux éléments.
Les géants sont des créatures hybrides qui ont des caractéristiques humaines mais sont de taille démesurée. Ils peuvent également n'avoir qu'un œil comme les cyclopes dans l'Odyssée d'Ulysse.
Odyssée
Le mot « odyssée » vient du grec Odusseus qui signifie « Ulysse ». L'épopée détaille le long et difficile retour d'Ulysse à Ithaque, sa terre natale, après la victoire des Grecs à Troie. Ulysse s'est absenté de sa patrie pendant vingt ans : il a vécu dix ans de siège à Troie et dix ans d'errance.
Dans la littérature et les arts de l'Antiquité, de nombreux géants existent : les titans, les cyclopes, les ogres, etc. On les trouve notamment dans les épopées.
Épopée
Le mot « épopée » vient du grec epos qui signifie « chant ». L'origine du mot rappelle le caractère oral du texte : les récits étaient racontés et chantés devant un public par un chanteur appelé « aède » accompagné d'une lyre.
Une fois la guerre de Troie terminée, Ulysse et ses compagnons reprennent la route pour Ithaque. Ils débarquent sur une île sauvage habitée par les Cyclopes, mot qui signifie « les yeux ronds ».
« Nous vîmes une haute caverne ombragée de lauriers, près de la mer. Là habitait un géant qui, seul et loin de tous, menait paître ses troupeaux, et ne se mêlait point aux autres, mais vivait à l'écart, faisant le mal. C'était un monstre prodigieux. Il ne ressemblait pas à un homme qui mange le pain, mais au faîte boisé d'une haute montagne, qui se dresse, seul, au milieu des autres sommets. »
Homère
Odyssée, chant IX
fin du VIIIe siècle av. J.-C.
Homère affirme explicitement que le cyclope est « un monstre prodigieux ». L'adjectif qualificatif est hyperbolique et insiste sur son caractère monstrueux tout comme la vie retirée du cyclope, sa grande taille (« un géant ») et son caractère très méchant (« faisant le mal »).
La figure du géant est également très présente dans les contes merveilleux avec l'ogre.
Conte merveilleux
Le conte merveilleux est un récit de tradition orale dans lequel on trouve de nombreux éléments magiques ou extraordinaires.
Dans le conte merveilleux, l'ogre est un personnage méchant et un ennemi pour le héros qui doit l'affronter.
Le Petit Poucet et ses frères sont abandonnés dans la forêt par leurs parents qui sont trop pauvres pour les nourrir. Les enfants trouvent refuge dans une maison. C'est celle d'un ogre géant qui mange les petits enfants. (Charles Perrault, « Le Petit Poucet », Les Contes de ma mère l'Oye, 1697)
Les vampires
Les vampires sont des créatures hybrides. Ils ont des caractéristiques humaines, mais ils ont également des canines pointues, la peau très pâle, et boivent du sang humain.
Les vampires sont des morts-vivants qui craignent la lumière. Ils vivent dans l'obscurité et ne sortent de leur cercueil que la nuit. Les vampires ressemblent à des êtres humains mais ont un teint de peau très pâle. Leurs dents très pointues, notamment leurs canines, les rapprochent de l'animal. Elles leur servent à boire du sang humain afin de se nourrir et de prolonger leur existence. Leur victime peut devenir un nouveau vampire. Pour se débarrasser d'un vampire, plusieurs solutions existent selon les légendes : il faut leur couper la tête, leur brûler ou leur arracher le cœur.
Jonathan Harker est un jeune notaire anglais qui doit se rendre en Transylvanie, dans le Nord de la Roumanie, pour conclure une affaire avec un noble bien étrange et monstrueux.
« Son nez aquilin lui donnait véritablement un profil d'aigle ; il avait le front haut, bombé, les cheveux rares aux tempes mais abondantes sur le reste de la tête ; les sourcils broussailleux se rejoignaient presque au-dessus du nez, et leurs poils, tant ils étaient longs et touffus, donnaient l'impression de boucler. La bouche, ou du moins ce que j'en voyais sous l'énorme moustache, avait une expression cruelle, et les dents, éclatantes de blancheur, étaient particulièrement pointues ; elles avançaient au-dessus des lèvres dont le rouge vif annonçait une vitalité extraordinaire chez un homme de cet âge. Mais les oreilles étaient pâles, et vers le haut se terminaient en pointe. [...] Aussi étrange que cela puisse sembler, le milieu des paumes était couvert de poils. »
Bram Stoker
Dracula
1920
La description du vampire souligne les éléments humains comme le nez, le front, les cheveux, les sourcils, la bouche, les dents, les lèvres, les oreilles, la moustache. Il est désigné comme « un homme ». Cependant, des détails et des comparaisons précisent également son appartenance au genre animal : « un profil d'aigle », « poils ». La pâleur de ses oreilles et ses dents pointues font peur.
Des créatures ressemblant à l'homme
Les créatures monstrueuses peuvent également ressembler à l'homme mais détenir des pouvoirs magiques. C'est notamment le cas des fées ou des sorcières.
La fée
La fée est une personne qui ressemble à une femme généralement belle et gentille, elle est très présente dans les contes merveilleux mais on la trouve également dans d'autres formes littéraires.
Dans les arts et la littérature, la fée est très souvent belle. Elle peut changer de physique : elle peut se présenter sous l'aspect d'une magnifique princesse ou sous la forme d'une pauvre vieille femme du village. C'est une personne bonne, généreuse et juste qui vient en aide aux plus faibles. Elle lance des mauvais sorts à ceux qui le méritent.
On trouve de nombreuses figures de fées dans les contes merveilleux que l'on appelle d'ailleurs « contes de fées ».
Dans le conte de Charles Perrault, « Les Fées », la sœur aînée malhonnête rencontre une fée-princesse qui lui jette un vilain sort. La sœur cadette rencontre également la fée sous la forme d'une pauvre vieille femme. Elle lui vient en aide et la fée la dote de pierres précieuses pour la récompenser de sa gentillesse.
La fée est également présente dans d'autres genres littéraires, notamment en poésie.
« Viens, bel enfant ! Je suis la Fée.
Je règne aux bords où le soleil
Au sein de l'onde réchauffée
Se plonge, éclatant et vermeil.
Les peuples d'Occident m'adorent
Les vapeurs de leur ciel se dorent,
Lorsque je passe en les touchant ;
Reine des ombres léthargiques,
Je bâtis mes palais magiques
Dans les nuages du couchant. »
Victor Hugo
« La Fée et la Péri », Odes et ballades
1826
La sorcière
La sorcière est souvent représentée comme femme méchante et laide. Elle est également présente dans les contes merveilleux.
La sorcière habite souvent dans un lieu retiré, dans une cabane ou au fond des bois. Elle prépare des potions magiques dans un chaudron et se déplace sur un balai volant. Elle peut se transformer en crapaud, en corbeau, en chat noir. Elle est particulièrement présente dans les contes merveilleux.
Hansel et Gretel sont deux enfants abandonnés par leurs parents, trop pauvres pour les nourrir. Ils arrivent devant une petite maison en pain d'épice qui est habitée par une sorcière.
« Si amicale que se montrât la vieille, elle était cependant une méchante sorcière qui épiait les enfants et qui n'avait bâti de pain sa maisonnette que pour les attirer. Quand il en tombait un dans sa puissance, elle le tuait, le cuisait, et le mangeait, et cela était toujours pour elle un jour de fête. Malgré sa vue basse, la vieille femme avait senti, avec son flair de sorcière, venir près de chez elle Hansel et Gretel. »
Jacob et Wilhelm Grimm
« Hansel et Gretel », Contes de l'enfance et du foyer, vol. 1
1812
La sorcière est « une vieille femme » laide et « méchante ». Elle tend des pièges aux enfants grâce à sa maison en gâteau puis elle les tue et les mange, comme le souligne l'énumération : « elle le tuait, le cuisait, et le mangeait ».
© Wikimedia Commons
Le dessinateur représente la sorcière comme une vieille dame voûtée qui se tient sur deux cannes en bois, elle a un gros nez crochu, des plis sur le visage. Il lui manque des dents. Même si ses traits physiques sont ceux d'un être humain, la sorcière est bien une créature monstrueuse tant elle est horrible et repoussante, tant elle semble effrayer les deux jeunes enfants.
Aujourd'hui, la figure de la sorcière est revalorisée. De nombreux auteurs féministes reprennent cette figure et en font une héroïne, un personnage positif.
Des créatures nées d'une transformation
Certaines créatures deviennent monstrueuses après une transformation. En littérature, le processus de transformation est particulièrement illustré par Ovide dans les Métamorphoses. Un être humain peut ainsi devenir un élément du monde végétal ou animal.
Métamorphose
Le mot « métamorphose » vient du préfixe grec méta- qui indique un changement, et du nom morphê qui signifie « forme ». La métamorphose est donc le passage d'une forme à une autre.
Les Métamorphoses ont été écrites en vers et en latin par le poète Ovide entre le IIe siècle et le VIIIe siècle après Jésus-Christ. Il s'agit d'un vaste recueil de mythes qui met en scène différents monstres obtenus par le phénomène de la transformation.
Mythe
Un mythe est un récit qui explique les phénomènes naturels comme l'origine de l'Univers ou les grands sentiments humains comme l'angoisse, le désir.
Les mythes racontés par Ovide sont souvent fondés sur une métamorphose. Les personnages deviennent des monstres à la suite de transformations dont ils sont victimes. Ce sont souvent les dieux qui décident de ces métamorphoses pour punir, pour récompenser, pour aider, pour soutenir, pour séduire les mortels. Les hommes perdent les caractéristiques humaines pour devenir des rochers, des plantes, des arbres, des animaux, des insectes. Cela suppose un processus de transformation avec un changement de forme, de taille, de consistance, d'apparence, de couleur, etc.
La transformation peut se faire de l'homme vers le minéral ou le végétal. Le personnage perd totalement ses caractéristiques humaines, c'est-à-dire son apparence physique et le fonctionnement de son corps.
La nymphe Écho se transforme en rocher car Narcisse ne répond pas à ses déclarations amoureuses.
« Rouge de honte, elle part se cacher au fond des bois. Toujours amoureuse, elle erre solitaire et ne se nourrit plus, si bien que sa peau se dessèche, se ride. Bientôt elle n'a plus que les os et la voix ; ses os deviennent rochers. Un son, c'est tout ce qui reste d'elle finalement. »
Ovide
Métamorphoses, III
Ier siècle apr. J.-C.
Écho perd progressivement son apparence humaine par un vieillissement prématuré (« sa peau se dessèche, se ride »), par l'affaiblissement de son corps « elle n'a plus que les os et la voix ») pour se transformer en « rocher ».
Narcisse est transformé en fleur du même nom car Écho, dont l'amour a été repoussé par Narcisse, demande à la déesse de la Justice de le punir. Sa prière est exaucée puisque Narcisse devient « une fleur jaune, couleur de safran, dont le centre est entouré de pétales blancs ». (Ovide, Métamorphoses, III)
La transformation peut se faire de l'homme vers l'animal. Le personnage perd toutes ses caractéristiques humaines pour devenir un animal. Généralement, la transformation n'est pas très positive, l'homme est changé en grenouille ou en araignée. Il suscite alors le dégoût.
« Après cela, en s'éloignant, elle l'aspergea de sucs extraits d'une herbe d'Hécate. Aussitôt touchés par le funeste poison, les cheveux d'Arachné tombent ainsi que son nez et ses oreilles ; puis sa tête devient minuscule, tout son corps aussi rapetisse ; des doigts ténus, à la place des jambes, s'attachent à ses flancs, et son ventre forme le reste ; c'est de là qu'elle produit du fil et que, devenue araignée, elle s'applique à ses toiles de jadis. »
Ovide
Métamorphoses, VI
Ier siècle apr. J.-C.
Arachné est une excellente tisseuse lydienne. Elle ose défier la déesse Minerve, la fille de Jupiter, en prétendant qu'elle sait tisser mieux que personne. Minerve, vexée et en colère, la transforme en araignée. Cet extrait décrit la métamorphose d'Arachné en araignée.
Il arrive que les transformations mènent à une créature hybride, mi-homme, mi-animal.
© Wikimedia Commons
Le peintre Le Caravage représente ici Méduse, dont la chevelure est remplacée par une quantité de serpents venimeux. La pâleur de son visage, sa bouche ouverte et la noirceur de son regard font peur.
Le thème de la métamorphose a également fasciné certains auteurs des XIXe et XXe siècles.
- Dans La Métamorphose (1915), Franz Kafka décrit un homme qui est transformé en un insecte géant.
- Dans Rhinocéros (1959), Eugène Ionesco raconte la métamorphose de toute une population en rhinocéros.
Le monstre et ses différents liens avec l'homme
Le monstre est souvent un ennemi, une créature contre laquelle l'homme doit se battre. Toutefois, il peut aussi être un allié, un personnage positif auquel le héros est attaché. Enfin, il arrive que le monstre soit l'homme lui-même.
Le monstre : un ennemi
Souvent, le monstre est un ennemi à affronter. Le héros fait preuve de courage en s'opposant à lui et en le tuant. Il arrive que le héros perde face au monstre, c'est notamment le cas dans certains contes merveilleux.
Dans l'Odyssée d'Homère, Ulysse rencontre différents monstres durant ses aventures. Il doit en affronter plusieurs pour sauver sa propre vie, défendre ses compagnons, et parvenir à rentrer à Ithaque, sa patrie natale. Dans de tels combats, Ulysse, le héros, déploie toute sa force, son intelligence et sa ruse pour parvenir à vaincre le monstre.
Ulysse et ses compagnons sont de retour. Ils se retrouvent enfermés dans la grotte du cyclope Polyphène, fils de Poséidon.
« Le sommeil, invincible dompteur, le gagne. De sa gorge, du vin jaillit ainsi que des morceaux de chair humaine ; et il rote, l'ivrogne !
J'enfouis alors le pie sous l'abondante cendre pour le chauffer ; j'encourage de mes propos mes compagnons, afin qu'aucun, de peur, ne défaille. Mais, quand bientôt le pieu d'olivier dans le feu rougeoyant, quoique vert, jette une lueur terrible, m'approchant, je l'en retire. Mes compagnons étaient autour de moi ; un dieu nous insufflait grand courage. Eux, s'emparant du pieu d'olivier acéré, l'enfoncent dans l'œil. Moi, appuyant dessus de tout mon poids, je le fais tourner [...] ; ainsi, tenant dans l'œil le pieu affûté à la flamme, nous tournons, et le sang coule autour du pieu brûlant. Partout sur la paupière et le sourcil grille la prunelle en feu. [...] Il pousse un rugissement, la roche en retentit, nous nous enfuyons apeurés [...] »
Homère
Odyssée, IX
fin du VIIIe siècle av. J.-C.
Ulysse fait preuve d'intelligence et de ruse pour affronter le Cyclope : il réfléchit et décide de l'endormir avec une potion. Il fait preuve de force pour combattre le monstre et les sauver, lui et ses compagnons : il a besoin de l'aide de ses hommes pour enfoncer le pieu mais c'est lui qui donne le dernier coup de force héroïque : « Moi, appuyant dessus de tout mon poids, je le fais tourner ».
Il arrive que le héros ne mesure pas le caractère terrible et effrayant du monstre. Rempli d'orgueil et de vanité, il se croit plus fort que la créature monstrueuse. Dans le conte merveilleux, l'auteur peut avertir le lecteur que le personnage est en danger : il n'écoute pas les mises en garde des autres personnages. Le récit montre alors un héros qui se laisse aller à son entêtement : il se retrouve alors puni. La fin du conte est donc malheureuse et tragique.
Une petite fille, très têtue et imprudente, désobéit à ses parents. Elle succombe à sa curiosité et se rend chez Dame Trude, une sorcière.
« — Ah ! Dame Trude, dans mon épouvante, j'ai regardé par la fenêtre chez vous, mais je ne vous ai pas vue : j'ai vu le Diable en personne avec une tête de feu.
— Oho ! dit la vieille, ainsi tu as vu la sorcière dans toute sa splendeur ! Et cela, je l'attendais et je le désirais de toi depuis longtemps : maintenant tu vas me réjouir.
Elle transforma la fillette en une grosse bûche qu'elle jeta au feu, et quand la bûche fut bien prise et en train de flamber, Dame Trude s'assit devant et s'y chauffa délicieusement en disant : « Oh ! le bon feu comme il flambe bien clair pour une fois ! ».
Jacob et Wilhelm Grimm
« Dame Trude », Contes de l'enfance et du foyer, vol. 1
1812
La sorcière attire la petite fille déraisonnable car cette dernière veut voir à quoi elle ressemble. Par la fenêtre, l'enfant verra tour à tour un homme noir, un homme vert et un homme tout rouge de sang pour découvrir qu'elle est l'incarnation du « Diable en personne ». La sorcière a changé d'apparence pour effrayer la petite fille et la punit de sa curiosité en la transformant en morceau de bois, pour la brûler et la tuer. C'est donc le monstre qui a gagné.
Le monstre : un allié
Le monstre, malgré une apparence hideuse et un comportement effrayant, peut être positif et devenir un proche du héros.
Le monstre peut se montrer gentil, agréable, doux : il inspire alors de la tendresse ou de l'amour.
« Jupiter a donc l'idée de prendre l'apparence d'un magnifique taureau blanc pour la séduire. Il descend alors de l'Olympe et se mêle au troupeau : il mugit et se promène, resplendissant, sur l'herbe tendre. Son pelage a la couleur de la neige immaculée. Son cou est fort et gonflé de muscles ; ses cornes sont petites, mais ciselées, elles brillent de l'éclat pur des pierres précieuses. Son front n'a rien de menaçant, ses yeux, rien de redoutable ; son expression est paisible. La fille d'Agénor s'émerveille de voir un animal si beau et si peu agressif ; pourtant, elle n'ose pas le toucher. Puis elle s'approche peu à peu de li, et tend des fleurs vers sa bouche si blanche ; fou d'amour, le dieu dépose des baisers sur ses mains. »
Ovide
Métamorphoses, II
Ier siècle apr. J.-C.
Le monstre, un dieu transformé en animal, est présenté uniquement avec des termes mélioratifs : « magnifique », « resplendissant », « Son pelage a la couleur de la neige immaculée. », « fort et gonflé de muscles », « paisible ». Il est beau. Les termes dépréciatifs qui renvoient à des défauts et à un comportement terrifiant sont niés : « rien de menaçant », « rien de redoutable », « si peu agressif ». Le monstre est ici gentil et éprouve de l'amour pour la princesse.
Dans le conte merveilleux, le monstre peut aussi cacher une beauté intérieure : la vraie beauté est morale, le physique hideux ne doit pas faire peur.
Dans son conte La Belle et la Bête (1740), Jeanne-Marie Leprince de Beaumont met en scène une créature monstrueuse et terrifiante appelée « la Bête ». La Belle est prisonnière de la Bête, mais au fur et à mesure du conte, elle découvre que la Bête est victime d'un sortilège. Bien qu'elle soit très laide, elle est en réalité belle à l'intérieur. La Belle tombe amoureuse de la Bête et la libère ainsi de son sortilège.
L'homme : un monstre pour l'homme
Malgré une apparence totalement humaine, l'homme peut devenir un véritable monstre pour d'autres hommes. En littérature, on trouve de nombreux exemples d'hommes dont l'apparence ou le comportement sont monstrueux.
On trouve des hommes monstrueux dans les récits antiques. Punis par les dieux, ils ont perdu leurs caractéristiques humaines. Les Enfers antiques, appelés « le Tartare », sont peuplés d'hommes devenus monstres, condamnés à d'éternelles souffrances. Ils ne ressemblent plus à des hommes : ce sont des créatures laides, abattues par la souffrance, par les douleurs physiques, la faim et la soif.
Ulysse se rend aux Enfers pour consulter Tirésias, le devin, afin qu'il l'aide à rentrer chez lui.
« Je vois aussi Tantale, subissant de cruelles douleurs, debout dans un lac qui lui baignait le menton. Assoiffé, il ne pouvait atteindre l'eau. Chaque fois, en effet, que le vieillard se penchait, dans son désir de boire, l'eau disparaissait, absorbée dans le sol [...] Je vois encore Sisyphe subissant de grandes douleurs : il soutenait un immense rocher avec ses deux mains. Et il poussait ce rocher des mains et des pieds jusqu'au sommet d'une montagne. Et quand il était près d'atteindre ce sommet, alors la force lui manquait, et l'immense rocher roulait jusqu'au bas. Il recommençait alors de nouveau ; la sueur ruisselait de ses membres et son front se nimbait de poussière. »
Homère
Odyssée, chant XI
fin du VIIIe siècle av. J.-C.
Tantale et Sisyphe sont des hommes qui deviennent des créatures monstrueuses à cause des terribles souffrances endurées. Tantale est affaibli par la soif et la faim, qui le font vieillir au point de ressembler à un monstre. Sisyphe, lui, est abattu et rongé par la fatigue physique et morale. Il doit recommencer à monter sa pierre en haut de la montagne, bien que cela soit continuellement inutile.
L'homme peut aussi être un monstre pour son prochain, il adopte un comportement d'une grande violence et d'une profonde méchanceté. Son comportement n'est pas le résultat d'une punition divine ou d'une quelconque transformation : il a simplement la volonté de faire le mal.
Dans le conte « La Barbe bleue » de Charles Perrault (1697), Barbe Bleue est un homme riche doté d'une barbe bleue. Il s'agit d'un personnage monstrueux d'une extrême cruauté qui tue ses femmes et les accroche au mur dans une pièce de son château. C'est un homme monstrueux, bien qu'il soit humain.