Sommaire
ILa prééminence de l'expérience : LockeIILa théorie guide l'expérienceIIIRôle de l'expérience pour la théorieIVLes limites de l'inductionLa prééminence de l'expérience : Locke
Supposons qu'au commencement l'âme est ce qu'on appelle une table rase, vide de tous caractères, sans aucune idée, quelle qu'elle soit. […] Les observations que nous faisons sur les objets extérieurs et sensibles (Sensation), ou sur les opérations intérieures de notre âme (Réflexion), fournissent à notre esprit les matériaux de toutes ses pensées.
John Locke
Essai sur l'entendement humain, (An Essay Concerning Human Understanding), trad. Pierre Coste, Amsterdam, éd. Pierre Mortier (1735)
1689
Locke affirme dans cette citation l'absence de connaissances innées. À la naissance, l'esprit est comme une feuille blanche : rien n'y est inscrit. L'expérience est donc la première étape de la connaissance.
La théorie guide l'expérience
Il faut nécessairement expérimenter avec une idée préconçue.
Claude Bernard
Introduction à l'étude de la médecine expérimentale, Paris, éd. Flammarion, coll. "Champs Classiques" (2013)
1865
Pour le médecin Claude Bernard, l'expérience scientifique n'est pas une observation naïve des phénomènes. Toute expérience vise à tester une hypothèse en la confrontant aux faits. L'expérience est donc toujours conçue avec pour but de tester la validité d'une hypothèse.
La découverte de Neptune
Au XIXe siècle, Le Verrier observe que les mouvements d'Uranus ne semblent pas compatibles avec les lois de l'attraction de Newton. En effet, son orbite ne suit pas la trajectoire qu'elle devrait théoriquement suivre. Le Verrier se demande s'il doit remettre en cause Newton.
Il fait alors une hypothèse : il est possible qu'il existe une autre planète qui force Uranus à suivre sa trajectoire actuelle. Il calcule la masse et la trajectoire que devrait prendre cette planète. Toutefois, il n'a pas les outils pour vérifier cette hypothèse.
C'est au XXe siècle que l'astronome Gall découvre avec son télescope la planète dont Le Verrier a fait la prédiction. Il s'agit de Neptune. Gall valide donc la théorie de Le Verrier, des années après sa mort.
Le théorie précède et guide l'expérience. Les lois de Newton n'ont pas été remises en cause, cette théorie était juste. L'expérience devait donc prouver qu'il existait bien une autre planète faisant dévier Uranus.
Les théories se présentent en bloc au tribunal de l'expérience.
Pierre Duhem
La Théorie physique, son objet, sa structure, Paris, éd. Vrin, coll. "Bibliothèque des textes philosophiques" (2007)
1906
Pierre Duhem pense qu'une hypothèse n'est jamais isolée.
Rôle de l'expérience pour la théorie
Pour les théories, l'irréfutabilité n'est pas (comme on l'imagine souvent) vertu mais défaut.
Karl Popper
Conjectures et réfutations : la croissance du savoir scientifique, (Conjectures and refutations), trad. Michelle-Irène B. de Launay, Marc Buhot de Launay, Paris, éd. Payot, coll. "Bibliothèque scientifique" (2006)
1963
Le rôle de l'expérience est de confirmer ou d'invalider une théorie scientifique. Ainsi, pour être dite scientifique, une théorie doit pouvoir être testée à l'aide d'un protocole expérimental. C'est pourquoi l'irréfutabilité est un défaut : une théorie qui ne peut pas être testée est une théorie non scientifique.
Les limites de l'induction
La dinde inductiviste
Bertrand Russell est un philosophe du XXe siècle qui propose une petite histoire pour illustrer les limites de l'induction :
Une dinde arrive dans une ferme pour dindes. Elle s'aperçoit qu'on la nourrit à 9h00 du matin. Étant inductiviste, elle n'en déduit rien. Elle attend d'avoir constaté plusieurs fois qu'elle est nourrie à 9h00 du matin. Elle recueille cette information avec différentes circonstances : différents jours de la semaine, différentes températures, différentes météos. Elle conclut au final qu'elle est bien nourrie tous les jours à 9h00 du matin. Or le matin de Noël, à 9h00, on lui tord le cou.
Russell en conclut que l'induction n'est pas un raisonnement logique.