L'esprit comme table rase
John Locke
John Locke
Essai sur l'entendement humain
1689
Pour le philosophe empiriste Locke, l'expérience est la source de la connaissance. Avant l'expérience, l'esprit est comme une table rase : il ne possède aucune connaissance qui serait innée. Toutes nos idées nous viennent de l'expérience, qui doit être comprise en deux sens. D'une part, l'expérience sensible, c'est-à-dire ce que l'on peut apprendre des informations livrées par les sens. D'autre part, l'expérience intérieure, c'est-à-dire la réflexion sur la façon dont fonctionne notre esprit.
Supposons qu'au commencement l'âme est ce qu'on appelle une table rase, vide de tous caractères, sans aucune idée, quelle qu'elle soit. […] Les observations que nous faisons sur les objets extérieurs et sensibles (Sensation), ou sur les opérations intérieures de notre âme (Réflexion), fournissent à notre esprit les matériaux de toutes ses pensées.
John Locke
Essai sur l'entendement humain, (An Essay Concerning Human Understanding), trad. Pierre Coste, Amsterdam, éd. Pierre Mortier (1735)
1689
La falsifiabilité
Karl Popper
Karl Popper
La Logique de la découverte scientifique
1934
Karl Popper
Conjectures et réfutations
1963
Popper insiste sur le fait que les théories scientifiques ne sont pas vraies absolument : les théories retenues sont seulement les plus efficaces, c'est-à-dire que ce sont celles qui rendent le mieux compte du réel observé. Elles sont donc temporaires : si une théorie plus efficace est mise au point, on abandonnera alors l'ancienne version. Ce qui permet à Popper d'affirmer cela, c'est l'idée qu'il est impossible de prouver la vérité d'une théorie scientifique : tout ce que peut la science, c'est tester les théories, et ne conserver que celles qui n'ont pas pu être invalidées par les tests que nous avons imaginés.
Pour Popper, la démarche scientifique consiste à tester une théorie, c'est-à-dire à trouver les moyens de la réfuter. Cela a pour conséquence :
- Qu'une théorie non réfutable n'est pas une théorie scientifique.
- Qu'une théorie non réfutée peut toujours être démentie par les faits. Elle est seulement provisoirement vraie.
Le vieil idéal de l'epistêmê, l'idéal d'une connaissance absolument certaine et démontrable s'est révélé être une idole. […] Ce n'est que dans nos expériences subjectives de conviction, dans notre confiance personnelle, que nous pouvons être absolument certains. […] Car ce qui fait l'homme de science, ce n'est pas la possession de connaissances, d'irréfutables vérités, mais la quête obstinée et audacieusement critique de la vérité.
Karl Popper
La Logique de la découverte scientifique, (Logik der Forschung. Zur Erkenntnistheorie der modernen Naturwissenschaft), trad. Nicole Thyssen-Rutten, Philippe Devaux, Paris, éd. Payot (1973)
1934
Popper souligne ici que le scientifique est l'homme qui sait que ses connaissances ne sont pas absolues.
La distinction entre sensation et expérience
Aristote
Aristote
Métaphysique
IVe siècle av. J.-C.
Aristote pense que toute connaissance commence avec la sensation. Les sens recueillent une sensation et l'âme, qui la reçoit, peut la penser, apprendre à la connaître. Les sens sont ce qui pousse l'âme à l'action. Ainsi, les sens livrent à l'homme des faits.
Mais les sens ne donnent pas d'explication à l'homme sur ce qu'il perçoit. La sensation n'est pas la connaissance. Par contre, lorsque la mémoire fonctionne avec la sensation, l'homme peut reconnaître une situation. Il peut aussi la comparer à une autre. Un processus intellectuel de reconnaissance se met en route, grâce à l'expérience emmagasinée.
La différence entre sensation et expérience est donc que la sensation donne une information, et que l'expérience permet de traiter l'information.
Critique de la causalité
David Hume
David Hume
Essais sur l'entendement humain
1905
Pour Hume, la causalité, notion très importante en philosophie, est une simple association d'idées. Par habitude, l'homme associe deux idées et déclare qu'il y a un lien causal. Ainsi, lorsqu'il pleut, l'homme dit que la cause en est la pression atmosphérique. En effet, il a constaté, après plusieurs pluies, qu'il y avait un lien entre la pression atmosphérique et les précipitations. Hume parle d'un "antécédent constant". Il parle d'habitude plutôt que de causalité, rendant d'autant plus fragile les certitudes humaines. C'est l'attitude d'un philosophe sceptique.
La théorie classique (issue de l'expérimentation) indique les causes des phénomènes. Par exemple, la pression atmosphérique est la cause des pluies.
Cette explication a été progressivement remplacée par l'indication des conjonctions constantes (Hume) entre phénomènes observés (le nuage annonce la pluie). En effet, il pourrait pleuvoir pour des raisons différentes, encore inconnues de nous. Hume estime que l'explication causale se ramène à l'habitude de lier des phénomènes et des idées dans la pensée, et n'est pas nécessairement objective.
L'expérience cruciale
Francis Bacon
Francis Bacon
Novum Organum
1620
Bacon fonde une nouvelle logique de l'expérience. Il pense qu'il faut classer les faits pour formuler des hypothèses. Ces hypothèses doivent être vérifiées par la suite, c'est ce que Bacon appelle des expériences cruciales. Les expériences cruciales sont des expériences permettant de trancher décisivement entre deux hypothèses opposées. Le philosophe souligne également l'importance de noter ses expériences afin de les transmettre à la communauté qui pourra par la suite les tester.