Sommaire
ILe bonheur comme tentative de satisfaire tous les désirsALa difficulté de définir le bonheurBLe désir comme obstacle au bonheur1Le caractère illimité du désir2Le désir menant à la souffranceCL'impossibilité d'atteindre le bonheur par la satisfaction de tous les désirsIILes conceptions antiques du bonheurALe bonheur épicurienBLe bonheur stoïcienIIILe désir comme force de l'homme et affirmation de la joie menant au bonheurALe désir comme force de l'hommeBLa joie comme affirmation du bonheurLe bonheur paraît être une notion connue de tous : tout le monde en a déjà fait l'expérience ou, du moins, tout le monde désire être heureux. Pourtant, chacun met sous ce nom des réalités très différentes. Il faut donc se demander s'il est possible de s'accorder sur sa définition et sur les moyens de l'atteindre. Ce travail sur le bonheur implique également une étude de la notion de désir. En effet, la réalisation des désirs est souvent considérée comme l'un des éléments nécessaires au bonheur. Cette idée ne va pas sans difficultés : si le désir est un mouvement qui pousse les individus vers des objets alors que le bonheur est un état stable et durable de bien-être, bonheur et désir sont peut-être contradictoires.
Le bonheur comme tentative de satisfaire tous les désirs
S'accorder sur une définition du bonheur n'est pas aisé, mais on considère parfois que le bonheur est atteint avec la réalisation de tous les désirs. Pourtant, le désir est souvent un obstacle au bonheur. Il semble finalement impossible d'atteindre le bonheur en satisfaisant tous les désirs de l'être humain.
La difficulté de définir le bonheur
La première difficulté, lorsque l'on réfléchit au bonheur, est de savoir si l'on peut s'accorder sur sa définition. Le bonheur est un état durable de bien-être éprouvé par un individu, souvent compris comme l'état dans lequel tous les besoins et désirs de l'homme sont satisfaits. Toutefois, cette définition pose problème, elle repose sur l'expérience de chacun.
Communément, on pense que ce qui fait le bonheur est une affaire privée, subjective. Chacun pourrait ainsi déterminer ce qu'est le bonheur selon ses préférences et ses goûts.
Mais si chacun détermine le bonheur selon sa préférence, il devient difficile de savoir si le bonheur lui-même est vraiment atteint. Autrement dit, s'il n'y a pas de définition du bonheur sur laquelle s'entendre, on ne peut être certain de l'avoir atteint, car le vrai bonheur pourrait être un sentiment plus fort, plus durable, ou plus intense.
C'est ce que souligne le philosophe Emmanuel Kant : le concept de bonheur est indéterminé car il est empirique, c'est-à-dire qu'il est défini par l'expérience de chacun.
Empirique
On dit d'une chose qu'elle est empirique lorsqu'elle repose entièrement sur l'expérience.
Dire du bonheur qu'il est empirique revient à dire qu'il repose sur l'expérience que chaque individu en fait. Ainsi, l'un trouvera son bonheur dans la pratique d'un sport, l'autre dans la lecture, etc.
« Par malheur, le concept du bonheur est un concept si indéterminé que, malgré le désir qu'a tout homme d'arriver à être heureux, personne ne peut jamais dire en termes précis et cohérents ce que véritablement il désire et il veut. »
Emmanuel Kant
Fondements de la métaphysique des mœurs
1785
Toute tentative de définition du bonheur est donc contestable, et cela a pour conséquence qu'il est impossible de savoir comment y accéder.
Le désir comme obstacle au bonheur
Le désir semble plutôt un obstacle au bonheur, car il est illimité et mène à la souffrance.
Le caractère illimité du désir
Le désir est une force violente qui pousse l'être humain à trouver une satisfaction. Le désir peut être illimité, l'homme veut toujours plus, ce qui s'oppose à l'idée même du bonheur, un état de plénitude et de satisfaction.
Le bonheur et le désir sont deux notions qui s'opposent :
- Le désir est un mouvement qui porte les hommes à vouloir posséder quelque chose, ou atteindre un but, qui devront leur procurer une satisfaction. C'est donc un état caractérisé par un sentiment de manque et de privation.
- À l'inverse, le bonheur est un état durable de plénitude, de bien-être, de satisfaction.
Il semble a priori difficile de lier ces deux notions dont les définitions s'opposent.
Désir
Le désir est une force psychique qui pousse l'individu vers un objet : l'objet du désir.
On distingue par ailleurs le désir et le besoin :
- Le besoin est animal (se reproduire, se nourrir, dormir, etc.). Il dépend du corps seul et trouve donc sa satisfaction dans un acte ou un objet précis.
- Le désir se déploie dans l'imagination et non dans la réalité. Contrairement au besoin physique, le désir dépend de la capacité de l'homme à se projeter et à se représenter consciemment un objet désiré, malgré son absence.
Le désir est donc propre à l'homme : il fait partie de ce qui définit notre humanité.
Le fait de manger permet d'illustrer la différence entre le besoin et le désir :
- Manger lorsque l'on a faim permet de satisfaire un besoin primaire. Une fois que l'on a mangé, le besoin disparaît.
- Manger par désir relève de la gourmandise. Une fois que la gourmandise est satisfaite par un objet, elle ne s'arrête pas et se porte sur un nouvel objet.
Ce qui pose problème avec le désir, c'est son caractère illimité : dès qu'un désir est satisfait, de nouveaux désirs naissent tout de suite après.
L'image du tonneau percé de Platon
Dans Gorgias, Platon utilise l'image des tonneaux percés pour montrer qu'une vie de plaisirs ne peut pas permettre d'accéder au bonheur. En effet, puisque le propre du désir est de renaître sans cesse, chercher à être heureux en cumulant les plaisirs reviendrait à remplir des tonneaux percés des mets les plus fins : ceux-ci ne seraient jamais remplis et la quête de leur contenu serait infinie.
Le désir menant à la souffrance
L'image des tonneaux percés permet de montrer que le mécanisme du désir ne peut mener au bonheur : tenter d'être heureux en satisfaisant tous ses désirs revient ainsi à passer toute sa vie à courir après le bonheur, sans jamais l'atteindre. Le désir mène finalement plutôt à la souffrance.
Le mythe des androgynes
Pour illustrer l'origine du désir amoureux, par exemple, Platon utilise le mythe des androgynes dans Le Banquet. Il raconte que les dieux avaient créé au départ trois espèces : les hommes, les femmes et les androgynes (mi-hommes, mi-femmes).
Chaque androgyne possédait quatre bras, quatre jambes, deux têtes, et avait la forme d'une boule qui roulait pour se déplacer. Un jour, ces individus partirent à l'assaut du ciel et du royaume des dieux. Pour les punir, les dieux décidèrent de les couper en deux. Depuis ce jour, chaque moitié recherche l'autre désespérément afin de reconstituer l'unité perdue.
Ce mythe illustre l'idée que tout désir serait une poursuite désespérée d'un idéal. Le désir fait partie de l'origine et de l'essence des êtres humains et se cache derrière chacun de leurs actes.
L'insatiabilité du désir est ce qui en fait une souffrance : il renaît sans cesse et l'impossibilité de le satisfaire conduit au malheur. Autrement dit, le plaisir engendré quand on satisfait un désir n'est qu'éphémère tandis que la souffrance est constante.
C'est ce que met en évidence le philosophe Arthur Schopenhauer.
Schopenhauer montre que le désir fait de l'existence une souffrance perpétuelle. En effet, quand on désire quelque chose que l'on n'a pas, on souffre de ne pas l'avoir. Mais si on finit par l'obtenir, la satisfaction n'est que momentanée : très vite, on veut satisfaire un nouveau désir.
Le désir semble donc être un mouvement sans fin, qui conduit l'homme à la souffrance plutôt qu'au bonheur.
« Le désir satisfait fait place aussitôt à un nouveau désir. Comme une aumône qu'on jette à un mendiant, elle lui sauve la vie aujourd'hui pour prolonger sa misère jusqu'à demain. La vie donc oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l'ennui. »
Arthur Schopenhauer
Le Monde comme volonté et comme représentation
1818
L'impossibilité d'atteindre le bonheur par la satisfaction de tous les désirs
On en vient à affirmer qu'il est impossible d'atteindre le bonheur par la satisfaction de tous les désirs.
Ils sont trop variés, trop multiples pour pouvoir être tous satisfaits. Il existe un décalage trop grand entre la multiplication des désirs, notamment dans les sociétés de consommation, et les moyens auxquels les individus ont accès pour les satisfaire.
C'est ce qu'illustre Jean-Jacques Rousseau lorsqu'il pense la différence entre l'homme à l'état de nature et l'homme en société.
L'homme à l'état de nature selon Rousseau
Dans le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, Rousseau décrit l'état de nature. Dans cet état fictif, les hommes étaient solitaires, sans souci d'autrui, et avaient pour seule préoccupation la satisfaction de leurs besoins naturels. L'homme était alors heureux car il pouvait aisément satisfaire tous ses besoins.
C'est au contraire une fois que la société a été créée que les désirs se sont multipliés, créant un décalage entre les moyens dont disposent les hommes pour les satisfaire et le nombre de leurs désirs.
Même si l'état de nature n'a jamais existé, Rousseau l'évoque pour montrer que les désirs ont été créés par la société. Si l'homme veut être heureux, il doit tenter de retrouver une certaine simplicité dans son existence.
Le bonheur, pensé comme un état durable, ne peut donc pas être atteint par la satisfaction de tous les désirs, inventés par la société humaine.
Les conceptions antiques du bonheur
Dans l'Antiquité, le bonheur constitue le Souverain Bien, c'est-à-dire le but que doit poursuivre tout homme. On retient souvent deux grandes visions du bonheur : le bonheur épicurien et le bonheur stoïcien.
Souverain Bien
Le Souverain Bien est le bien le plus haut, c'est-à-dire la fin ultime de toute activité humaine. Il est souvent identifié au bonheur.
Le bonheur épicurien
Pour les épicuriens, et en particulier pour Épicure, le Souverain Bien consiste en une absence de trouble dans le corps et dans l'âme ; on retrouve donc l'idée que le bonheur est un état stable. Le bonheur chez les épicuriens correspond à l'ataraxie, à l'aponie, c'est-à-dire l'absence de troubles de l'âme, et l'absence de maux du corps.
Épicure identifie quatre grandes craintes qui empêchent l'homme d'être heureux : la crainte des dieux, la crainte de la souffrance, la crainte de n'être pas heureux, et enfin la crainte de la mort.
Pour parvenir au Souverain Bien, il importe de faire un travail sur ses désirs, afin de ne se préoccuper que des désirs essentiels.
Dans la Lettre à Ménécée, Épicure distingue ainsi plusieurs sortes de désirs, qu'il hiérarchise :
- Il y a les « désirs naturels et nécessaires », qui sont limités et aisés à satisfaire (faim, soif). Ceux-là permettent d'atteindre le Souverain Bien.
- Il y a ensuite les « désirs naturels et non nécessaires », qui peuvent être satisfaits mais qui ne présentent pas de caractère impératif (le désir d'une bonne nourriture, par exemple).
- Enfin, il y a les désirs vains, c'est-à-dire non naturels et non nécessaires (la richesse, la gloire, l'honneur). Ces derniers sont causés par des artifices et ne sont synonymes que de souffrance et de dépendance.
Pour atteindre le Souverain Bien, donc le bonheur, il faut se contenter des désirs « naturels et nécessaires ». C'est dans ce cas que l'on peut atteindre l'ataraxie, c'est-à-dire l'absence de troubles de l'âme.
« Partant, quand nous disons que le plaisir est le but de la vie, il ne s'agit pas des plaisirs déréglés ni des jouissances luxurieuses ainsi que le prétendent encore ceux qui ne nous connaissent pas, nous comprennent mal ou s'opposent à nous. Par plaisir, c'est bien l'absence de douleur dans le corps et de trouble dans l'âme qu'il faut entendre. Car la vie de plaisir ne se trouve point dans d'incessants banquets et fêtes, ni dans la fréquentation de jeunes garçons et de femmes, ni dans la saveur des poissons et des autres plats qui ornent les tables magnifiques, elle est dans la tempérance, lorsqu'on poursuit avec vigilance un raisonnement, cherchant les causes pour le choix et le refus, délaissant l'opinion, qui avant tout fait le désordre de l'âme. »
Épicure
Lettre à Ménécée
IIIe siècle av. J.-C.
Il faut satisfaire uniquement les désirs naturels — principalement ceux qui sont nécessaires —, tous les autres désirs étant vains. C'est ainsi que l'on peut atteindre l'ataraxie. Ce type de bonheur est très simple, puisqu'il s'agit d'une absence de troubles de l'âme. Il faut fuir les désirs démesurés et privilégier un bonheur simple et modéré.
Les désirs selon Épicure
Ataraxie
Le mot « ataraxie », d'origine grecque, signifie « absence de troubles ». Il désigne la tranquillité de l'âme.
L'ataraxie, pour les épicuriens, est la paix de l'âme. Elle est atteinte par la limitation des désirs.
La voie d'accès au bonheur épicurien passe donc par une limitation des désirs. Le bonheur épicurien n'exclut toutefois pas le plaisir. Épicure en distingue deux types :
- Les plaisirs cinétiques, c'est-à-dire en mouvement : ce sont les plaisirs qui remédient à un manque et qui resurgissent toujours après l'état de satiété.
- Les plaisirs catastématiques, c'est-à-dire stables : ce sont les plaisirs qui ne perturbent en rien l'être qui les éprouve, les plaisirs de l'homme qui a atteint l'ataraxie. Le plaisir catastématique correspond à l'état d'absence de douleur ou d'absence de manque.
On dit « J'ai faim ». La satisfaction qui correspond à l'action même de manger, d'étancher la faim, est un plaisir cinétique. Par contre, le fait d'être repus, le plaisir que l'on peut ressentir à avoir sa faim rassasiée, état qui dure dans le temps jusqu'à la prochaine faim, est un plaisir catastématique.
Épicure montre que si ces deux types de plaisirs sont nécessaires, puisqu'il faut bien répondre aux besoins du corps, les plaisirs cinétiques ne doivent servir qu'à maintenir l'état d'équilibre de l'homme heureux. Seuls les plaisirs stables doivent être recherchés pour eux-mêmes.
Le modèle du bonheur d'Épicure passe donc par une limitation des désirs. Pour atteindre l'ataraxie, il importe de mener une existence faite de choses simples.
Le bonheur stoïcien
Pour les stoïciens, l'enjeu n'est pas seulement de limiter les désirs. Il s'agit surtout de ne plus être esclaves des passions pour atteindre le Souverain Bien.
Le stoïcisme de l'époque impériale, la dernière époque de ce courant philosophique, est représenté par Sénèque, Épictète et Marc Aurèle. Selon les stoïciens, le monde est régi par une stricte nécessité : le cours des choses, ce qui arrive, est totalement hors de notre portée. Seule notre réaction face à ce que nous appelons à tort les « hasards » de la vie est en notre pouvoir. Il faut donc apprendre à maîtriser ses passions, et à accepter les événements sans en pâtir.
Pour être heureux, il faut que l'homme apprenne à ne désirer que ce qui dépend de lui, car désirer ce qui dépend de ce qui nous apparaît comme un hasard revient à se faire l'esclave de ses passions.
Le seul pouvoir qu'a l'homme sur sa vie est le contrôle de ses désirs : il lui faut donc supprimer tous les désirs qui dépendent du « hasard » et des autres, et ne désirer que les choses qui dépendent de lui-même.
C'est par la vertu que l'homme peut atteindre le bonheur. En ce sens, on peut dire que le bonheur ne réside pas dans la recherche du plaisir.
La vertu permet d'atteindre un état stable, durable, et réalise l'excellence de l'homme. Au contraire, le plaisir est éphémère et n'élève pas l'homme.
« Souviens-toi donc de ceci : si tu crois soumis à ta volonté ce qui est, par nature, esclave d'autrui, si tu crois que dépende de toi ce qui dépend d'un autre, tu te sentiras entravé, tu gémiras, tu auras l'âme inquiète, tu t'en prendras aux dieux et aux hommes. Mais si tu penses que seul dépend de toi ce qui dépend de toi [...] aucun malheur ne pourra t'atteindre. »
Épictète
Manuel
IIe siècle apr. J.-C.
Le seul pouvoir qu'a l'homme sur sa vie est le contrôle de ses désirs : il lui faut donc supprimer tous les désirs qui dépendent du « hasard » et des autres, et ne désirer que les choses qui dépendent de lui-même.
« Pourquoi rapprocher des choses si dissemblables et même si opposées ? La vertu est chose élevée, sublime, royale, invincible, inépuisable ; le plaisir est chose basse, servile, faible, fragile qui s'établit et séjourne dans les mauvais lieux et cabarets. »
Sénèque
De la vie heureuse
Ier siècle apr. J.-C.
La vertu, c'est-à-dire l'excellence qui est propre à l'être humain, permet d'atteindre un état stable, durable, et réalise l'excellence de l'homme. Au contraire, le plaisir est éphémère et n'élève pas l'homme.
Le stoïcisme préconise donc d'atteindre le bonheur par la tempérance plutôt que par le plaisir, en rendant son bonheur indépendant du monde extérieur.
Le bonheur devient ce qui est visé à travers toutes les actions d'une personne. Il n'est donc pas seulement un état stable, mais une activité : c'est en agissant conformément à la vertu que l'homme réalise son essence et trouve le bonheur. En outre, vivre une vie selon l'excellence qui est propre à l'être humain est source de plaisir.
L'idée stoïcienne selon laquelle il faut apprendre à maîtriser ses passions et accepter l'ordre des choses a marqué de nombreux philosophes tels que Montaigne ou Descartes.
« Ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs que l'ordre du monde. »
René Descartes
Discours de la méthode
1637
Il faut, par un travail de la raison, parvenir à réorienter nos désirs en fonction de ce qui est possible. C'est ce travail sur les désirs qui doit permettre d'être heureux.
Par exemple, il ne faut pas désirer la santé, car c'est une chose qui est indépendante de notre volonté : ainsi, si on ne l'a pas, on ne sera pas malheureux puisqu'on n'a aucun pouvoir dessus.
Le désir comme force de l'homme et affirmation de la joie menant au bonheur
À contrepied des courants de pensée antiques, pour certains philosophes, le désir peut constituer une force de l'homme et permettre l'affirmation de la joie, ce qui mène au bonheur.
Le désir comme force de l'homme
Au lieu de considérer le désir comme un élément empêchant le bonheur, on pourrait tenter de le considérer comme une force.
En effet, le désir peut être défini comme ce qui anime l'homme, ce qui le pousse hors de lui. C'est ainsi que Spinoza nous propose de penser le désir : comme ce qui pousse l'homme à continuer d'exister.
Pour Spinoza, le désir n'est pas quelque chose d'extérieur à l'homme : c'est l'expression de son essence. Notre corps et notre esprit ont des désirs qui les incitent à continuer d'exister et à se développer. Il faut apprendre à suivre notre nature profonde, laquelle s'exprime par ces désirs, par cette force vitale qui anime l'être humain.
« Le Désir est l'essence même de l'homme en tant qu'effort pour persévérer dans son être. »
Baruch Spinoza
Éthique
1677
Pour Spinoza, le désir n'est pas quelque chose d'extérieur à l'homme : c'est l'expression de son essence. Notre corps et notre esprit ont des désirs qui les incitent à continuer d'exister et à se développer. Il faut apprendre à suivre notre nature profonde, laquelle s'exprime par ces désirs, par cette force vitale qui anime l'être humain.
La joie comme affirmation du bonheur
Si le désir est une force constitutive de l'homme, celle-ci doit pouvoir être intégrée pleinement à sa poursuite du bonheur.
En un sens, c'est l'idée que développe Henri Bergson lorsqu'il parle de la joie. Pour lui, la joie n'est pas simplement synonyme de plaisir : c'est l'affirmation de la puissance créative de la vie, que chaque individu peut expérimenter lorsqu'il réalise quelque chose.
Pour expliquer ce qu'est la joie, Henri Bergson la distingue du plaisir :
- Le plaisir est une satisfaction qui se rapporte à un instant déterminé : c'est un état superficiel et léger, qui prend fin rapidement et signifie simplement que l'individu continue de vivre.
- La joie est une satisfaction qui s'inscrit dans la durée : éprouver de la joie, c'est un état dense, durable, car c'est aussi éprouver tout ce passé qui a finalement conduit le sujet à cet état.
« La joie annonce toujours que la vie a réussi, qu'elle a gagné du terrain, qu'elle a remporté une victoire : toute grande joie a un accent triomphal. »
Henri Bergson
L'Énergie spirituelle. Essais et conférences
1919
La joie est le signe que l'individu est parvenu à se dépasser lui-même. Elle est la preuve de la capacité de l'individu à opérer une « création de soi par soi », c'est-à-dire à augmenter son être.
Pour conclure, l'affirmation de la puissance du désir ne conduit pas nécessairement à la souffrance et au malheur. Dans la joie, le désir est créateur et sa force participe à un processus d'affirmation et de construction de soi-même. Il permet à l'homme de se dépasser et l'aide à accéder au bonheur.