Sommaire
ILes raisons de la colonisationADes intérêts économiquesBDes motivations politiquesCDes enjeux géopolitiquesDUn prétexte humaniste, des motivations racistesIILa construction et l'organisation de l'empire colonialALes grandes étapes de la constructionBL'organisation de l'empire colonialIIILes effets de la colonisationALes conséquences dans les colonies1L'exploitation des territoires colonisés2L'assimilation et l'exploitation des populations colonisées3Des révoltes écrasées violemmentBPropagande, bilan mitigé et opposition en métropole1Une forte propagande2Un bilan économique contrasté3L'émergence d'une opposition à la colonisationCLes effets de la colonisation sur les relations internationalesLa colonisation semble ralentir durant la première moitié du XIXe siècle en raison des critiques libérales et de la Déclaration d'indépendance des États-Unis. Toutefois, elle repart ensuite avec la conquête de l'Afrique, de l'Asie et de l'Océanie par les Européens.
En quoi la politique coloniale de la IIIe République consiste-t-elle et quelles sont les caractéristiques des sociétés coloniales ?
Les raisons de la colonisation
Les raisons de la colonisation sont surtout économiques et politiques. Derrière une mission humaniste se cache un fort racisme des Blancs à l'encontre des populations colonisées.
Des intérêts économiques
La colonisation est avant tout économique. Les colonies sont une source de matières premières utilisées ensuite dans l'industrie française. Elles constituent également des marchés pour vendre les produits français. Enfin, leurs terres peuvent être cultivées.
Pour la France, la colonisation sert d'abord à se procurer les matières premières nécessaires à son industrie, à un coût modéré. Ainsi, elle ne dépend pas d'autres pays.
La France utilise les céréales d'Algérie. Elle exploite également le riz et le charbon d'Indochine.
L'exploitation économique des colonies est le plus souvent confiée à des compagnies concessionnaires pour de longues durées, allant jusqu'à 30 ans. Ces compagnies sont des entreprises privées ayant obtenu de l'État le droit d'exploiter un territoire ou une richesse naturelle en échange du paiement d'une redevance.
La colonisation permet également de créer des débouchés pour les produits français. Les nouvelles colonies deviennent un marché réservé à la France. Enfin, l'État français peut exploiter les terres des colonies pour les cultiver.
L'exploitation des ressources des colonies à des fins économiques
Ces motivations économiques sont plus fortes encore durant la Grande Dépression (1873–1896) alors que la concurrence commerciale entre les pays européens est exacerbée et que le protectionnisme se développe.
Des motivations politiques
Les motivations de la colonisation sont également politiques. Les conquêtes coloniales sont un moyen pour renforcer le nationalisme des Français et faire oublier la perte de l'Alsace et de la Lorraine après la guerre contre l'Allemagne. La IIIe République espère ainsi se consolider.
Confrontée à des débuts difficiles, la IIIe République ne se préoccupe pas tout de suite de la question coloniale. Elle est accaparée par la lutte contre les monarchistes et la perte de l'Alsace-Lorraine. À partir de 1879, le régime est solidement installé. Les conquêtes coloniales deviennent un moyen pour entretenir le nationalisme des Français et faire oublier la perte des deux régions françaises. La IIIe République met tout en œuvre pour valoriser la colonisation et en faire un atout.
Des enjeux géopolitiques
La colonisation est enfin l'occasion pour la France d'affirmer sa puissance face à ses voisins. En effet, le Royaume-Uni et l'Allemagne sont également engagés dans la colonisation et constituent des empires. On parle de course aux colonies.
La tenue de la conférence de Berlin en 1885 devait régler le partage du continent africain entre les puissances européennes. Pourtant, dans les années 1890, la France s'oppose au Royaume-Uni et à l'Allemagne en Afrique. En 1898, deux expéditions militaires française et anglaise se rencontrent à Fachoda, au Soudan, et la situation dégénère. La guerre est évitée par la volonté de la IIIe République de nouer une alliance avec le Royaume-Uni contre l'Allemagne.
Un prétexte humaniste, des motivations racistes
La colonisation est justifiée par un objectif humaniste : apporter la civilisation aux peuples barbares. En réalité, la colonisation est possible car les peuples colonisés sont considérés comme étant inférieurs aux Français. Il s'agit de racisme.
En colonisant, la France entend affirmer son statut de civilisation supérieure. Elle prétend apporter le progrès et les Droits de l'homme dans les territoires colonisés. À ce titre, la France lutte contre les épidémies, encourage la scolarisation et interdit l'esclavage dans les territoires conquis. Mais les résultats sont mitigés.
Trois grandes figures sont mises en avant dans cette volonté civilisationniste :
- le médecin ;
- le missionnaire ;
- l'instituteur.
« Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! il faut dire ouvertement qu'en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures... [...]
Je répète qu'il y a pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures...
[...]
Est-ce que vous pouvez nier, est-ce que quelqu'un peut nier qu'il y a plus de justice, plus d'ordre matériel et moral, plus d'équité, plus de vertus sociales dans l'Afrique du Nord depuis que la France a fait sa conquête ? »
Discours de Jules Ferry sur la colonisation adressé aux députés le 28 juillet 1885
Dans ce discours, Jules Ferry assure que la France est une nation supérieure et qu'elle a non seulement le droit mais le devoir d'apporter la civilisation dans les pays qui en seraient privés.
La construction et l'organisation de l'empire colonial
La construction et l'organisation de l'empire colonial français se font entre 1870 et 1914.
Les grandes étapes de la construction
La France a déjà colonisé des territoires lorsqu'elle se lance dans la course aux colonies dans les années 1870. Le rythme s'accélère, tant en Afrique qu'en Asie, et elle multiplie les conquêtes.
Les colonies sont gagnées par le biais de la guerre ou à la suite de traités diplomatiques.
La France obtient Madagascar après une guerre en 1897. Elle annexe le Congo à la suite d'un traité diplomatique en 1882.
La colonisation se déroule en Afrique et en Asie :
- Au Maghreb, l'Algérie est conquise en 1830, la Tunisie en 1881 puis le Maroc en 1912.
- En Afrique subsaharienne, le Sénégal est conquis dans les années 1880–1890 et aboutit à la création de l'Afrique occidentale française (Sénégal, Soudan français, Guinée et Côte d'Ivoire) en 1895 et de l'Afrique équatoriale française en 1910 (le Gabon, le Moyen-Congo, l'Oubangui-Chari et le Tchad). L'île de Madagascar est conquise à son tour en 1897.
- En Asie, la colonisation française reprend à partir de 1883 avec l'expédition du Tonkin et la conquête du Vietnam. Le Laos est conquis en 1899.
En 1914, la France possède un empire très étendu, couvrant 10 millions de km2 et peuplé de 50 millions d'indigènes. Il s'agit du deuxième empire colonial mondial, derrière le Royaume-Uni.
L'empire colonial français en 1914
L'organisation de l'empire colonial
L'empire colonial est administré de différentes façons en fonction des colonies. Il y a plusieurs statuts : département, protectorat ou colonie pénitentiaire.
Le ministère des Colonies est créé en 1894. Il gère les territoires conquis, qui vont être dotés de statuts très différents :
- L'Algérie est un département depuis 1848.
- La Tunisie, le Maroc, le Laos et le Cambodge sont des protectorats.
- La Nouvelle-Calédonie est une colonie pénitentiaire (elle accueille les prisonniers).
Lorsqu'elles sont des protectorats, les colonies sont placées sous le contrôle d'un résident général qui conseille le dirigeant autochtone. Ce résident général dépend du ministère des Affaires étrangères. La grande majorité des territoires deviennent des colonies administrées par un gouverneur cumulant des fonctions administratives, de justice et de police.
Les effets de la colonisation
Les conséquences dans les colonies
La colonisation mène à l'exploitation des territoires colonisés. Les populations dans les colonies sont mal assimilées et surtout exploitées. Cela conduit à des révoltes qui sont violemment réprimées.
L'exploitation des territoires colonisés
Les territoires colonisés sont fortement exploités dans le seul but d'enrichir la métropole. La plupart des colonies sont dites d'exploitation : on cherche uniquement à utiliser leurs ressources.
L'État, des banques ou des entreprises françaises investissent dans les colonies dans le but d'en exploiter les matières premières. Les cultures locales sont développées pour envoyer leurs productions en métropole.
En Indochine, l'hévéa et le riz sont cultivés. Au Maghreb, ce sont les agrumes et, à Madagascar, la vanille.
Des voies ferrées relient les lieux de production au port exportateur, sans chercher à faciliter les déplacements des populations colonisées. De même, les économies locales sont ignorées des colonisateurs, qui les déstabilisent par le recours au travail forcé, les déplacements de population et les expropriations.
L'assimilation et l'exploitation des populations colonisées
Officiellement, les colonies sont présentées comme une extension de la métropole. Les populations indigènes doivent donc être assimilées pour devenir françaises. En réalité, les populations indigènes ont moins de droits que les colons et sont très souvent exploitées.
L'assimilation repose essentiellement sur la diffusion de la langue française. C'est pour cette raison qu'est créée l'Alliance française en 1883. Toutefois, seules les élites indigènes vivant en ville bénéficient de ces cours et maîtrisent le français.
Dans leur immense majorité, les indigènes sont discriminés et exploités par le Code de l'indigénat. Ce code est mis en place en 1875 en Algérie. Il est étendu à toutes les colonies en 1887. Il s'agit d'un ensemble de réglementations permettant de soumettre sans procès des autochtones rebelles à des peines diverses (amendes, travail forcé, prison, peine de mort).
Bien que non-citoyens, les colonisés sont également soumis à l'impôt et au service militaire.
Des révoltes écrasées violemment
Fatiguées par l'exploitation coloniale, les populations colonisées se révoltent. Elles sont violemment réprimées.
Les révoltes commencent dès le début de la colonisation, lors des conquêtes.
Lors de la conquête française de la Guinée, les populations locales se révoltent régulièrement entre 1884 et 1898.
Les populations colonisées se révoltent ensuite régulièrement, contre l'impôt et le travail forcé.
À Madagascar, une révolte éclate en 1896 après l'annexion négociée avec la reine de l'île. Cette révolte ne prend fin qu'en 1905, occasionnant des milliers de victimes et de déplacés.
Propagande, bilan mitigé et opposition en métropole
Dans la métropole, les Français adhèrent majoritairement au projet colonial à cause de la propagande, bien que les résultats économiques de la colonisation soient contrastés. À partir des années 1890, un mouvement s'opposant à la colonisation émerge pourtant.
Une forte propagande
Afin de légitimer le projet colonial, l'État français utilise la propagande. En conséquence, la majorité des Français soutiennent l'empire colonial.
La IIIe République met en place une propagande efficace pour faire adhérer les Français à la politique coloniale. Il y a d'abord la justification scientifique du racisme, fondée sur la théorie de la classification des peuples et de l'inégalité des races « prouvées » par des informations biologiques et psychologiques.
Le développement du darwinisme social est un exemple de ces théories racistes. Reposant sur les recherches de l'évolution des espèces de Darwin, cette théorie stipule que les « races humaines » les plus faibles disparaissent pour laisser la place aux races et aux êtres les mieux armés pour survivre. Cette théorie a été défendue par le savant Herbert Spencer.
La publicité et l'art se mettent au service de l'idéologie coloniale en vantant l'exotisme de ces contrées lointaines. Cela entraîne l'émergence d'un tourisme colonial.
Angkor devient une ville très touristique, les Français de la métropole y font des séjours.
Certaines villes colonisées sont données comme des exemples de ce que la France apporte aux populations colonisées. Ainsi, Saigon, conquise en 1859 par la France, est considérée comme la « perle de l'Extrême-Orient ». La ville se développe rapidement : l'architecture est occidentale, le centre-ville est habité par de nombreux Européens, son dynamisme culturel et économique est mis en avant. On cache la réalité : les populations autochtones souffrent d'injustice.
Enfin, l'école est un fort outil de propagande. Les instituteurs décrivent l'empire colonial et vantent l'action humaniste de la France à grand renfort de cartes et d'illustrations.
Affiche de Léon Cauvy à propos du centenaire de la conquête de l'Algérie publiée en 1929 à Alger
© Wikimedia Commons
Un bilan économique contrasté
Le bilan des échanges avec les colonies n'est pas aussi favorable à la métropole que prévu.
Le système économique qui se met en place dans la colonisation est inégalitaire : les colonies exportent des matières premières et reçoivent au contraire les produits industriels de la métropole. Mais la part des exportations de la France vers ses colonies n'excède pas 13 % des exportations totales, tandis que les importations issues des colonies ne dépassent 10 % des importations totales. Ce n'est donc pas un enrichissement très important.
De plus, le coût des colonies est très important. Les investissements pour développer les colonies sont élevés. L'entretien des forces militaires pour conquérir les colonies et les conserver est également très coûteux.
Entre 1850 et 1913, la France consacre 10 % de ses dépenses publiques aux colonies.
Au final, les colonies coûtent plus à la métropole française qu'elles ne lui rapportent.
L'émergence d'une opposition à la colonisation
Le bilan mitigé de la colonisation finit par se faire ressentir en métropole, et une opposition à la colonisation naît.
En 1892 est créé un parti colonial. Il regroupe :
- une centaine de députés provenant de tous les bords politiques (extrême droite nationaliste, royalistes, républicains et radicaux) ;
- des scientifiques, des savants et des géographes.
Une opposition à ce parti et à la politique coloniale se met en place. Le débat culmine en 1885 lors de l'échange à la Chambre des députés entre Jules Ferry, favorable à la colonisation, et Georges Clemenceau, qui dénonce les pratiques coloniales. L'opposition repose sur :
- le coût de la colonisation ;
- la volonté d'orienter la politique étrangère française vers l'Europe et contre l'Allemagne pour l'Alsace-Lorraine ;
- la remise en cause de la supériorité raciale et civilisationnelle de la France.
« Races supérieures ? races inférieures, c'est bientôt dit ! Pour ma part, j'en rabats singulièrement depuis que j'ai vu des savants allemands démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-allemande parce que le Français est d'une race inférieure à l'Allemand. Depuis ce temps, je l'avoue, j'y regarde à deux fois avant de me retourner vers un homme et vers une civilisation, et de prononcer : homme ou civilisation inférieurs. »
Discours de Georges Clemenceau devant les députés en réponse à Jules Ferry, le 31 juillet 1885
Les effets de la colonisation sur les relations internationales
Au niveau international, les conquêtes coloniales de la France se heurtent à celles des autres pays européens colonisateurs. Cela ravive les rivalités et nourrit les tensions qui mènent à la Première Guerre mondiale en 1914.
Les conquêtes de la France se heurtent à celles des autres puissances européennes, notamment le Royaume-Uni et l'Allemagne. Les tensions avec le Royaume-Uni culminent avec l'épisode de Fachoda en 1898. Elles aboutissent toutefois à un rapprochement entre les deux pays avec la signature de l'Entente cordiale en 1904.
En revanche, les affrontements au sujet du Maroc avec l'Allemagne restent violents. Ils s'enveniment entre 1905 et 1911. L'Allemagne et la France, ennemis héréditaires, ne font que raviver les tensions et les plaies ouvertes après la guerre de 1870.
La course aux colonies entre les grandes puissances européennes attise donc les rivalités à la veille de la Première Guerre mondiale.