Sommaire
ILa Révolution française de 1789 à 1791 : une nouvelle conception de la nationAL'année 17891De la convocation des États généraux à la monarchie constitutionnelle2De la prise de la Bastille aux grandes journées de la Révolution3La Déclaration des Droits de l'homme et du citoyenBLa naissance d'une monarchie constitutionnelleCLa fragilisation de la monarchie constitutionnelleIILa Ire République de 1792 à 1799ALa proclamation de la république1La patrie en danger2Un climat d'insurrection : la prise des Tuileries3Une nouvelle assemblée et la proclamation de la républiqueBL'histoire mouvementée de la Ire République1Robespierre et le règne de la Terreur de 1793 à 17942Le Directoire de 1795 à 1799IIILe Consulat et l'Empire napoléonien de 1799 à 1815ALa mise en place du Consulat, les réformes et le Code civil1La mise en place du Consulat : le pouvoir de Bonaparte2Les réformes napoléoniennes3Le Code civil : l'unification du droit françaisBL'Empire de Napoléon, un régime dictatorial et impérialiste1Le fonctionnement du régime impérial : une dictature2Un régime impéralisteCLa chute de l'EmpireDe 1789 à 1814, la France subit de profonds changements politiques. Avec la Révolution française, l'État est repensé : on passe d'une monarchie absolue à une monarchie constitutionnelle, puis à une république. Le peuple gouverne, même si en réalité ce sont les hommes riches qui gouvernent. La Ire République est instable, les révolutionnaires ne parviennent pas à s'accorder sur la politique à mener. Finalement, cette république est un échec et conduit Napoléon Bonaparte au pouvoir. Il crée le Consulat, puis se déclare empereur et fait de la France un empire qui terrorise les pays voisins.
Comment, entre 1789 et 1814, la France traverse-t-elle des transformations politiques majeures qui redéfinissent l'État ?
La Révolution française de 1789 à 1791 : une nouvelle conception de la nation
L'année 1789
De la convocation des États généraux à la monarchie constitutionnelle
L'année 1789 est marquée par une série de dates importantes. La convocation des États généraux en mai permet aux membres du tiers état de faire remonter leurs doléances. Comme ils sont déçus par les débats, ils décident de proclamer une Assemblée nationale le 17 juin. Le 20 juin, c'est le serment du Jeu de paume, un moment symbolique durant lequel les révolutionnaires promettent de se doter d'une constitution. Le 9 juillet 1789, le roi Louis XVI cède : la monarchie absolue devient monarchie constitutionnelle.
Le 5 mai 1789, environ 1 200 députés sont réunis au château de Versailles pour l'ouverture des États généraux. Pendant un mois, rien ne se passe car les États généraux sont paralysés par un désaccord sur la procédure du vote. La monarchie, le clergé et la noblesse souhaitent que la tradition du « vote par ordre » soit maintenue : un ordre, une voix. À l'inverse, les députés du tiers état réclament le « vote par tête » : un député, une voix.
Le 17 juin 1789, les députés du tiers état tentent un coup de force : ils se proclament « Assemblée nationale ». Dans une déclaration, les députés affirment que puisqu'ils représentent 96 % de la nation, ils ont le droit de voter seuls les réformes qui s'imposent. Cet acte est révolutionnaire, il place la souveraineté nationale au-dessus de la souveraineté du monarque. Pour la première fois en France, la nation, par l'intermédiaire de ses représentants élus, s'impose comme un pouvoir politique indépendant et supérieur au roi. Louis XVI contre-attaque par la répression et la censure : il déclare la nouvelle Assemblée nationale « illégale » et fait fermer la salle des États généraux.
Le 20 juin 1789, les députés de l'Assemblée nationale, rejoints par quelques députés progressistes de la noblesse et du clergé, transgressent de nouveau l'autorité royale en se réunissant dans la salle du Jeu de paume. C'est un symbole fort : la nation existe partout où ses représentants sont réunis, indépendamment de la volonté du roi. C'est dans cette salle que les députés prêtent le « serment du Jeu de paume » par lequel ils se promettent de rester unis pour rédiger une constitution définissant les nouvelles règles du royaume.
Léopold Morice, Le Serment du Jeu de paume, haut-relief en bronze du monument de la République, 1883
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Devant la détermination des députés du tiers état et le nombre croissant de députés de la noblesse et du clergé qui rejoignent l'Assemblée nationale, Louis XVI cède. Le 9 juillet 1789, il accepte l'Assemblée nationale. Les députés la rebaptisent « Assemblée nationale constituante ». La monarchie absolue n'existe plus et la transition vers une autre forme de monarchie, la monarchie constitutionnelle, commence.
De la prise de la Bastille aux grandes journées de la Révolution
Le 14 juillet 1789, les révolutionnaires prennent la Bastille, un événement symbolique qui reste aujourd'hui dans les mémoires. Durant l'été 1789, la Grande Peur s'installe : les seigneurs craignent pour leur vie après l'attaque des paysans. Ces événements conduisent, dans la nuit du 4 août 1789, à l'abolition des privilèges. Les 5 et 6 octobre 1789, ce sont les « grandes journées » de la Révolution : le peuple prend le contrôle sur le roi de France.
Le 12 juillet 1789, les Parisiens apprennent que le roi a renvoyé Necker, le ministre des Finances favorable à l'Assemblée nationale. Au Palais-Royal, espace très fréquenté, Camille Desmoulins annonce une attaque imminente des troupes royales et appelle les Parisiens à trouver des armes pour se protéger. Le 13 juillet 1789, la situation dégénère en insurrection : les bourgeois de Paris annoncent qu'ils prennent le contrôle de la ville et que, pour en défendre les habitants, une armée de citoyens dirigée par le marquis de La Fayette est créée sous le nom de « Garde nationale ». La nation se consolide : elle a désormais une Assemblée, une capitale et une armée. Le 14 juillet 1789, le peuple est devant la prison de la Bastille, qui est également un dépôt d'armes et de poudre à canon. Le peuple exige qu'on le laisse entrer pour s'y servir mais le gouverneur de la Bastille refuse. La Bastille est prise par la force. La révolution du peuple bascule dans la violence : la tête coupée du gouverneur est promenée comme un trophée. Cet événement a une forte portée symbolique : le peuple parisien démontre à la monarchie que la soif de liberté et d'égalité est plus forte que la peur de mourir.
Prise de la Bastille, anonyme, entre 1789 et 1791
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La Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen
L'Assemblée vote la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen le 26 août 1789. Ce texte synthétique de 17 articles révolutionnaires énumère les « droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme » acquis grâce à la Révolution française.
La Déclaration des Droits de l'homme est aussi une déclaration des devoirs du citoyen. En effet, les députés définissent des « bornes » à la liberté qui ne peut être totale. Les libertés d'opinion et d'expression impliquent le devoir de ne pas en abuser afin de ne pas « troubler l'ordre public ». De même, tout citoyen a le devoir d'obéir aux lois, sinon « il se rend coupable de résistance ». L'égalité proclamée est une égalité civile qui n'élimine pas les inégalités de richesse.
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La naissance d'une monarchie constitutionnelle
Depuis 1789, les débats à l'Assemblée nationale ont notamment pour but de mettre en place une marche constitutionnelle. Un an après la prise de la Bastille, la fête de la Fédération a lieu, à laquelle le roi participe. Le roi et le peuple semblent réconciliés. Le 3 septembre 1791, une constitution est adoptée : c'est la naissance de la monarchie constitutionnelle.
Lors de la fête de Fédération, tous les acteurs de la révolution de 1789 se réunissent sur le Champ-de-Mars pour participer à une cérémonie. Le roi et sa famille, les députés, la Garde nationale, le peuple de Paris et de la province commémorent ensemble la prise de la Bastille. Ils montrent leur unité et se félicitent du travail accompli. Le roi fait le serment de protéger l'Assemblée nationale et de respecter la Constitution.
La fête de la Fédération, Charles Thévenin
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Le 3 septembre 1791, la première Constitution française donne naissance à une monarchie constitutionnelle. Dans ce régime politique, la souveraineté nationale est permise par l'existence d'une Assemblée législative élue qui a le pouvoir de voter les lois, le budget et la guerre. Rebaptisé « roi des Français », Louis XVI voit ses pouvoirs considérablement limités.
La Constitution de 1791 a des limites. Le droit de vote dépend du niveau de richesse de chaque citoyen. Seuls les Français qui payent une certaine somme d'impôt, le cens, peuvent voter.
La fragilisation de la monarchie constitutionnelle
Le nouveau régime ne fait pas l'unanimité. En effet, si la majorité des Français soutiennent la monarchie constitutionnelle, certains lui sont hostiles. Les ennemis intérieurs, le roi et les contre-révolutionnaires (notamment ceux attachés à la religion) font tout pour affaiblir et renverser la monarchie constitutionnelle. Le roi tente de fuir, mais il est arrêté par les révolutionnaires, ce qui crée des tensions entre les révolutionnaires. Les ennemis extérieurs, notamment les monarques des pays voisins, fragilisent également la nouvelle monarchie en menaçant d'attaquer s'il arrive quelque chose à Louis XVI.
Louis XVI reste hostile à la révolution. Il use et abuse du droit que la Constitution lui a donné de s'opposer aux lois votées par l'Assemblée législative : c'est son droit de veto. Cette stratégie d'obstruction du roi est soutenue par les contre-révolutionnaires :
- des nobles qui n'acceptent pas l'abolition de leurs privilèges ;
- les Français les plus attachés à la religion catholique qui considèrent que la Révolution est allée trop loin contre la religion.
La question religieuse fragilise en effet la monarchie constitutionnelle. En avril 1791, le pape Pie VI condamne la Constitution civile du clergé, encourageant de nombreux prêtres réfractaires à refuser de prêter serment.
Dans la nuit du 20 au 21 juin 1791, le roi et sa famille déguisés quittent le palais des Tuileries. Reconnu, Louis XVI est arrêté à Varennes. Le 25 juin 1791, il est ramené à Paris entouré par les soldats de la Garde nationale, comme un prisonnier. La fuite du roi entraîne des tensions au sein de l'Assemblée législative : les députés se divisent au sujet de l'avenir de la monarchie constitutionnelle :
- À droite, les députés « modérés » comme Barnave souhaitent maintenir le roi.
- À gauche, les députés « radicaux » comme Brissot et Robespierre souhaitent fonder un régime sans roi, c'est-à-dire une République.
Le 17 juillet 1791, des manifestants parisiens se rendent sur le Champ-de-Mars pour déposer sur l'autel de la patrie une pétition réclamant la proclamation de la république et le suffrage universel mais La Fayette ordonne à la Garde nationale de tirer sur la foule. Pour la première fois, des révolutionnaires tirent sur d'autres révolutionnaires. Cet événement démontre les désaccords entre révolutionnaires : alors que certains veulent stopper la révolution, d'autres veulent la poursuivre.
La monarchie constitutionnelle est aussi confrontée à des ennemis extérieurs. Beaucoup de nobles français ont émigré au début de la révolution. Réfugiés dans les monarchies voisines comme l'Autriche et la Prusse, ils organisent la contre-révolution. Ils reçoivent l'aide des monarques européens qui voient d'un mauvais œil les événements français. En effet, ils craignent une contagion révolutionnaire en Europe et s'inquiètent du sort réservé à Louis XVI après son arrestation. D'ailleurs, dans une déclaration adressée aux Français en août 1791, l'empereur d'Autriche et le roi de Prusse avertissent qu'ils sont prêts « à agir promptement et avec les forces nécessaires » si l'intégrité physique de Louis XVI est mise en péril. À l'été 1791, la France est donc menacée d'invasion.
La Ire République de 1792 à 1799
La proclamation de la république
La patrie en danger
Une question divise l'Assemblée : « Faut-il déclarer la guerre à l'Autriche ? » Le roi y est favorable : il espère la défaite des armées révolutionnaires qui faciliterait le rétablissement de l'absolutisme. Les députés sont divisés. Finalement, la France déclare la guerre à l'Autriche le 20 avril 1792, mais elle est battue. Le 11 juillet 1792, l'Assemblée législative décide de réagir par un décret qui proclame « la patrie en danger » : tous les citoyens sont encouragés à défendre la France.
Si le roi veut la guerre, les députés de l'Assemblée, eux, sont partagés :
- À droite, les députés « modérés » pensent qu'une guerre victorieuse pourrait consolider les acquis de la révolution et même assurer leur diffusion dans toute l'Europe.
- À gauche, les députés « radicaux » craignent que la guerre fragilise la révolution par son coût financier et humain.
La France déclare la guerre à l'Autriche le 20 avril 1792. Peu nombreuse, mal équipée et désorganisée, l'armée française est rapidement mise en échec. Les troupes étrangères envahissent le Nord-Est et la capitale parisienne est menacée.
Le 11 juillet 1792, l'Assemblée législative décide de réagir par un décret qui proclame « la patrie en danger ». Concrètement, il s'agit d'une sorte d'état d'urgence qui fait de la défense du territoire l'objectif prioritaire. Tous les citoyens sont appelés à s'engager volontairement dans l'armée. Les Gardes nationaux et les troupes de volontaires vont vers Paris.
Parmi les troupes volontaires, on trouve les volontaires marseillais qui popularisent « le chant de guerre pour l'armée du Rhin », surnommé La Marseillaise. Ce chant a été composé à Strasbourg par l'officier Rouget de Lisle le 26 avril 1792.
Un climat d'insurrection : la prise des Tuileries
Dans Paris, le climat tourne bientôt à l'insurrection. Le peuple se méfie de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Pour les révolutionnaires parisiens les plus radicaux, surnommés les « sans-culottes », le « roi des Français » complote contre la nation et organise la contre-révolution depuis son palais des Tuileries. Ils décident alors d'assiéger ce palais. Louis XVI est destitué : il n'est plus roi.
Le 1er août 1792, les Parisiens ont connaissance du « manifeste de Brunswick ». Dans ce texte, écrit par un noble émigré à la demande de Marie-Antoinette le 25 juillet 1792, les monarques européens menacent de détruire Paris si Louis XVI n'est pas rapidement rétabli dans ses fonctions de monarque absolu de droit divin. En réaction, le peuple réalise un nouveau coup de force le 10 août 1792 avec la prise des Tuileries, où vit la famille royale.
Le 10 août 1792, avec l'aide des Gardes nationaux dont fait partie le jeune officier Napoléon Bonaparte, les sans-culottes assiègent les Tuileries défendues par les Gardes suisses qui sont massacrés. La famille royale se réfugie dans l'Assemblée législative. Sous la pression des sans-culottes qui l'envahissent, les députés votent la suspension du roi. Le 13 août, la famille royale est incarcérée à la prison du Temple où Louis XVI est rebaptisé « Louis le dernier ». La nation se sépare du roi.
Les sans-culottes parisiens
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Une nouvelle assemblée et la proclamation de la république
Une nouvelle Assemblée nationale constituante est élue. Cette nouvelle Assemblée prend le nom de « Convention nationale ». Deux groupes de députés s'opposent, les Girondins et les Montagnards. Grâce à la victoire des Français à Valmy en 1792, la révolution retrouve un nouveau souffle. La Ire République est officiellement proclamée le 22 septembre 1792, Louis XVI est exécuté en 1793.
- Sur les bancs de droite, les députés Girondins ont pour chef de file Brissot. Révolutionnaires modérés, ils souhaitent conserver le suffrage censitaire car ils se méfient de la violence des sans-culottes. Soucieux de maintenir l'ordre, ils veulent avant tout respecter les lois et protéger les libertés.
- En haut des bancs de gauche, les députés Montagnards sont dirigés par Danton, Marat et Robespierre. Révolutionnaires radicaux, ils souhaitent l'adoption du suffrage universel car ils sont soutenus par les sans-culottes. Ils veulent avant tout établir l'égalité politique et sociale, quitte à limiter les libertés.
Le 20 septembre 1792, la France remporte la victoire de Valmy. Stoppées à 200 kilomètres de Paris, les armées étrangères et les nobles émigrés se replient. À Paris, cette victoire crée un climat d'euphorie qui débouche sur le vote de deux décisions majeures par la Convention :
- l'abolition de la royauté, votée à l'unanimité le 21 septembre 1792 ;
- la proclamation d'un nouveau régime politique, la république, le 22 septembre 1792 : c'est « l'An I de la république ».
Un procès est organisé contre Louis XVI. Il est accusé de 33 crimes dont celui « d'avoir trahi la nation et d'avoir fait couler le sang des Français ». Après trois mois d'enquête et deux semaines de jugement, le verdict tombe le 15 janvier 1793 : Louis XVI est déclaré coupable de « conspiration contre la liberté publique et d'attentats contre la sûreté de l'État ». Condamné à mort, il est guillotiné le 21 janvier 1793 sur la place de la Révolution et sa tête est montrée au public venu nombreux.
L'histoire mouvementée de la Ire République
Robespierre et le règne de la Terreur de 1793 à 1794
Après l'exécution de Louis XVI, les frontières de la France sont de nouveau menacées au Nord-Est par les armées autrichiennes et prussiennes et au Sud par les armées espagnoles : la république est cernée, assiégée. Les députés Girondins sont accusés de mollesse par les sans-culottes parisiens. En mars 1793, les députés Montagnards prennent le dessus à la Convention et font voter des mesures exceptionnelles. Les Montagnards font un coup d'État. Ils proclament la « Terreur ». À la tête du nouveau gouvernement, on trouve Robespierre. La Terreur dure jusqu'en 1794. La France est sauvée et gagne la guerre contre ses ennemis mais le peuple n'a plus confiance en un gouvernement qui s'apparente à une dictature.
Le 2 juin 1793, les Montagnards aidés par les sans-culottes font un coup d'État en arrêtant les députés Girondins. Désormais seuls à la tête de la république, les Montagnards proclament « la Terreur » le 5 septembre 1793. Sa mise en œuvre est confiée à un « gouvernement révolutionnaire » qui ignore la séparation des pouvoirs et supprime les libertés. Son but est d'éliminer tous les ennemis intérieurs et extérieurs de la république. Robespierre en est le chef.
Le 17 septembre 1793, les Montagnards votent la loi des suspects qui met en place un système répressif permettant de condamner à mort, sans preuves, toute personne suspectée d'être anti-républicaine. Tout comportement ou propos peut être suspecté, la liberté d'expression disparaît.
À l'été 1794, après 11 mois de Terreur, le bilan des Montagnards est mitigé.
- La république est sauvée : le territoire est entièrement libéré grâce à une nouvelle « levée en masse » qui enrôle tous les hommes célibataires de 18 à 25 ans encadrés par de jeunes généraux patriotes et charismatiques, dont le jeune Corse Napoléon Bonaparte. Les armées républicaines partent à la conquête de l'Europe et remportent la bataille de Fleurus, en Belgique, en juin 1794. Les ennemis intérieurs sont écrasés comme c'est le cas des contre-révolutionnaires en Vendée.
- Cependant, la république s'est transformée en État « terroriste » : 500 000 suspects sont arrêtés dont 40 000 sont guillotinés, soit plus de 120 personnes par jour. La guerre de Vendée fait quant à elle 200 000 morts. De nombreux massacres entachent la première expérience républicaine. Des révolutionnaires renommés ont été guillotinés.
Robespierre est condamné pour ses crimes : il est guillotiné.
Estampe anonyme représentant l'exécution de Robespierre en 1794
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Le Directoire de 1795 à 1799
En août 1795, une nouvelle constitution est votée qui donne naissance au Directoire. La souveraineté nationale est garantie par le vote des citoyens. La séparation des pouvoirs est renforcée : deux assemblées se partagent le pouvoir législatif et cinq « directeurs » nommés par les représentants du peuple ont le pouvoir exécutif. Le Directoire, dirigé par les plus riches, perdure jusqu'en 1799, mais il est contesté. Napoléon Bonaparte met fin à la république avec un coup d'État le 9 novembre 1799.
Avec le Directoire, le suffrage est censitaire. Les citoyens sont divisés en une minorité de « citoyens actifs », c'est-à-dire environ 6 millions d'hommes de plus de 21 ans qui peuvent voter parce qu'ils payent l'impôt, et une majorité de « citoyens passifs ». Les bourgeois du Directoire écartent donc la majorité du peuple de la vie politique. La nouvelle Constitution s'accompagne d'une nouvelle Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen qui insiste tout particulièrement sur le droit de propriété. Le Directoire est donc une république conservatrice qui prend la forme d'une oligarchie : ce sont les citoyens les plus riches qui gouvernent.
Le Directoire est contesté et fragilisé par la multiplication des tentatives de coup d'État. Le 9 novembre 1799, Emmanuel-Joseph Sieyès, l'un des cinq directeurs, organise un coup d'État avec l'aide du général Napoléon Bonaparte : c'est la fin du Directoire.
Le Consulat et l'Empire napoléonien de 1799 à 1815
La mise en place du Consulat, les réformes et le Code civil
La mise en place du Consulat : le pouvoir de Bonaparte
Bonaparte prépare une nouvelle constitution pour fonder un régime plus fort et plus stable tout en préservant les acquis de 1789 : le Consulat. En réalité, le Consulat qui est mis en place concentre tous les pouvoirs entre les mains de Bonaparte.
Dès le mois de décembre 1799, la nouvelle Constitution est promulguée. Elle conserve la nature républicaine du régime politique mais elle crée des institutions dont le fonctionnement détourne les principes révolutionnaires au profit d'un seul homme : Napoléon Bonaparte. La Constitution de 1799 applique le principe de la séparation des pouvoirs, mais elle privilégie le pouvoir exécutif détenu par 3 consuls nommés pour 10 ans. Le Premier consul, Napoléon Bonaparte, concentre beaucoup de pouvoirs :
- Il commande seul l'armée.
- Il nomme seul les ministres et les fonctionnaires.
- Il propose seul les lois.
À l'inverse, le Consulat affaiblit le pouvoir législatif en le fragmentant en quatre assemblées :
- une qui prépare les lois ;
- une autre qui les discute ;
- une troisième qui les vote ;
- une dernière qui les vérifie.
C'est le Premier consul qui nomme lui-même les membres des première et dernière assemblées : il a ainsi l'avantage d'être au commencement et à la fin de chaque loi. La séparation des pouvoirs n'est qu'une façade : le pouvoir législatif est contrôlé par le pouvoir exécutif et donc par le Premier consul.
En faisant le choix du suffrage universel masculin, la Constitution de 1799 applique le principe révolutionnaire de la souveraineté nationale, c'est-à-dire qu'elle permet aux Français de rester des citoyens acteurs de la vie politique grâce au vote. Toutefois, si tous les hommes peuvent voter quel que soit leur niveau de richesse, ils ne peuvent élire que des « listes de notables », c'est-à-dire des riches propriétaires, industriels ou fonctionnaires. C'est le Premier consul qui, dans ces listes de notables, désigne les membres des assemblées qui discutent et votent les lois. Le Consulat instaure donc une illusion de république : c'est Napoléon Bonaparte qui décide de tout.
Napoléon Bonaparte demande directement l'avis des citoyens français en organisant un plébiscite (vote où la réponse est oui ou non) pour instaurer la nouvelle Constitution. L'organisation de ce scrutin ne permet pas aux opposants de s'exprimer librement. En effet, voter non, c'est prendre le risque de subir les représailles du régime puisque le vote est fait sans isoloir : on signe sur un registre devant tout le monde.
En février 1800, sur 7 millions de citoyens, 3 millions de Français votent oui et seulement 1 600 votent non.
Les réformes napoléoniennes
Le nouveau régime envisage une série de réformes administratives, économiques et sociales. Elles ont toutes pour but de centraliser le pouvoir entre les mains de Napoléon Bonaparte, de surveiller la population et d'assurer le bon fonctionnement du Consulat.
Les réformes administratives ont pour objectif de mettre en place une administration efficace, loyale, obéissante et centralisée. La fonction de préfet est créée en 1800 pour représenter Napoléon Bonaparte dans chaque département. Le préfet est nommé par le Premier consul, et sa mission consiste à empêcher de nouvelles révoltes et à s'assurer que les citoyens assument leurs devoirs en participant au service militaire obligatoire et en payant les impôts. Pour former ces futures élites de l'administration et de l'armée, Napoléon Bonaparte donne naissance aux lycées en 1802. Pour récompenser les fonctionnaires et les militaires de leur loyauté, il instaure la Légion d'honneur « pour service rendu à la nation » en 1802.
Les réformes sont également économiques. Ainsi, Napoléon relance l'investissement en créant en 1800 un organisme de crédit baptisé la Banque de France. En 1803, il met en circulation une nouvelle monnaie, le « franc germinal », dont la valeur dépend du poids de métal précieux qu'elle contient.
Enfin, les réformes sont sociales :
- L'une d'elles consiste à recréer une élite de notables fidèles et obéissants chargés de prendre en main le fonctionnement quotidien de l'État. Ainsi, sans rétablir officiellement les privilèges, le Consulat instaure une société à deux vitesses où des notables avantagés et protégés par le régime détiennent les responsabilités et les richesses alors que la majorité de la population n'a d'autre choix que de travailler et d'obéir.
- Pour accélérer la réconciliation nationale, Napoléon Bonaparte a une stratégie : donner à tous les ennemis du régime impérial une bonne raison de l'apprécier. Il envoie un signal d'apaisement aux chrétiens français et étrangers en signant le Concordat, synonyme de paix, avec le pape Pie VII en 1801. Ce texte met un terme à la déchristianisation menée par la république depuis 1793 et redéfinit les relations entre l'État et l'Église. Les chrétiens se voient accorder la liberté de culte mais les membres du clergé deviennent des fonctionnaires payés par l'État et contraints de prêter serment de fidélité au Premier consul. Napoléon Bonaparte monnaye aussi le retour des nobles royalistes et chrétiens qui avaient émigré en leur confiant des postes de fonctionnaires.
Le Code civil : l'unification du droit français
Le 21 mars 1804, Napoléon Bonaparte unifie le droit français en promulguant le « Code napoléonien » ou « Code civil ». Il s'agit d'un livre juridique, composé de plus de 2 000 articles, qui réglemente ou « codifie » les relations qu'entretiennent les citoyens français dans la vie « civile ». Abordant des aspects du quotidien aussi variés que le droit des personnes, le droit du mariage, le droit du travail et du commerce, le Code civil permet aux juges élus de disposer d'un socle commun pour rendre la justice de façon équitable au nom de la nation.
Les articles du Code civil confirment le principe d'égalité de tous devant la loi et l'impôt. Il fait de la propriété un droit fondamental. Cependant, il est aussi un outil de maintien de l'ordre social :
- La famille, cellule de base de la société, est placée sous l'autorité absolue du père.
- Dans le monde du travail, les déplacements des ouvriers sont surveillés et les grèves sont interdites.
L'Empire de Napoléon, un régime dictatorial et impérialiste
Le fonctionnement du régime impérial est celui d'une dictature, Napoléon concentre tous les pouvoirs et surveille la population française. Le régime est impérialiste : Napoléon entend étendre le territoire de la France et se lance dans des guerres avec ses voisins européens.
Le fonctionnement du régime impérial : une dictature
Le fonctionnement du régime impérial entraîne la concentration de tous les pouvoirs entre les mains d'un seul homme : c'est une dictature. Les assemblées censées représenter la nation existent toujours, mais elles ne sont plus convoquées. La centralisation du pouvoir est renforcée puisque toutes les décisions sont prises par l'empereur et sont appliquées sur le terrain par des fonctionnaires d'autant plus obéissants qu'ils sont nommés par lui. Le suffrage censitaire est rétabli. La surveillance et le contrôle des Français passent notamment par la propagande qui repose sur une noblesse impériale.
Napoléon Ier contrôle la population française. Il peut compter sur les préfets et les maires qui surveillent la population dans le but de prévenir toute forme de contestation. Dirigée par Joseph Fouché, la police est toute-puissante. Elle est renseignée par des indicateurs qui rapportent les propos anti-napoléoniens tenus dans les lieux publics, et arrête tous les opposants. Le courrier est contrôlé par un « cabinet noir » qui ouvre les lettres des citoyens suspectés d'être royalistes ou républicains.
En 1802, Napoléon Ier resserre l'autorité de l'État dans les colonies où l'esclavage et la traite négrière, pourtant abolis par la république en 1794, sont rétablis à la demande des colons.
En 1810, l'empereur rétablit même la censure contre la presse. Il n'hésite pas à interdire les journaux qui publient des articles émettant des doutes ou des critiques à l'encontre de sa politique. Il limite la presse à un journal par département et seulement quatre à Paris.
Napoléon Ier se protège aussi d'un réveil des idées révolutionnaires en permettant aux bourgeois de s'enrichir et en contrôlant les ouvriers grâce au « livret ouvrier » sur lequel leurs déplacements doivent être consignés dans le but d'éviter tout regroupement donc toute tentative d'insurrection.
Napoléon Ier s'appuie sur la propagande, l'Église et l'université :
- La propagande impériale instaure un culte de la personnalité qui est véhiculé par les images, les pièces de monnaies, les tableaux, les sculptures et les monuments qui glorifient Napoléon Ier. À partir de 1806, tous les 15 août, les Français fêtent un nouveau saint du calendrier : « saint Napoléon ».
- L'empereur s'appuie sur l'Église dont les prêtres fonctionnaires sont tenus d'enseigner aux enfants et aux croyants le « catéchisme impérial » qui proclame que « les chrétiens doivent à l'empereur amour, respect, obéissance et fidélité car il a été fait souverain par Dieu ».
- Instituées en 1808, les universités ont le monopole de l'enseignement et sont chargées de transmettre les connaissances et les valeurs validées par l'empereur. Premier diplôme de l'université, le baccalauréat est obtenu pour la première fois par 31 garçons en 1809 après un « grand oral » de 45 minutes en latin, grec, français et philosophie.
Pour donner plus d'éclat au régime impérial, Napoléon Ier crée une cour qui reprend tous les codes de celle de Versailles avant la révolution : soutien inconditionnel à l'empereur, concurrence pour obtenir ses faveurs et organisation de fêtes grandioses aux châteaux des Tuileries, de Compiègne et de Fontainebleau. En 1808, Napoléon Ier restaure une noblesse baptisée « la noblesse impériale » composée majoritairement de bourgeois militaires ou fonctionnaires.
Un régime impéraliste
Une fois devenu empereur, Napoléon Ier se lance dans une politique impérialiste qui fait de l'Europe un champ de batailles. Entre 1805 et 1813, Napoléon vole de victoire en victoire avec sa « Grande Armée ». Il jouit d'une grande popularité en France grâce à ses victoires militaires. Napoléon Ier met en place un nouvel ordre européen, il contrôle de plus en plus de territoires et redessine les frontières de l'Europe.
Les victoires napoléoniennes sont remportées par l'armée impériale baptisée « la Grande Armée ». D'abord armée nationale composée uniquement de conscrits (soldats français professionnels incorporés dans l'armée après avoir effectué le service militaire obligatoire pour tous les hommes de 20 à 25 ans) l'armée napoléonienne s'ouvre progressivement aux soldats étrangers. En 1812, avec 700 000 soldats dont moins de 50 % de Français, c'est la plus grande armée d'Europe.
Fort de sa supériorité militaire, Napoléon Ier va de victoire en victoire. Après chaque victoire, il fait signer au perdant un « traité de paix » qui l'oblige à soutenir la France ou à rester neutre. Grâce à cette stratégie, la France isole progressivement l'Angleterre en la privant d'alliés sur le continent européen. C'est aussi le but du « blocus continental » que Napoléon Ier met en place à partir de 1806. En effet, depuis la bataille perdue par la France à Trafalgar en 1805, l'empereur cherche à affaiblir l'Angleterre par tous les moyens. Avec le blocus, il veut ruiner l'Angleterre en interdisant tous les États européens qui sont sous son influence de faire du commerce avec elle.
Entre 1804 et 1815, la politique impérialiste de Napoléon Ier fait reculer les frontières au nord-est et au sud-est : la France s'agrandit. Après ses conquêtes, Napoléon met en place un nouvel ordre européen :
- Les « États vassaux » comme les royaumes d'Espagne et de Naples sont contrôlés par la France : l'empereur y impose des membres de sa famille. Ses frères Joseph et Jérôme Bonaparte deviennent respectivement rois d'Espagne et de Westphalie.
- Les « protectorats » sont des États soumis qui ont délégué à Napoléon la gestion de leur politique extérieure, comme les États membres de la confédération du Rhin créée par l'empereur en 1806.
- Les « États alliés » comme l'empire d'Autriche et l'empire de Russie conservent leur indépendance à la condition de respecter le blocus continental, c'est-à-dire de ne pas faire de commerce avec l'ennemi de l'Empire français : l'Angleterre.
Dans cette Europe napoléonienne, les valeurs et les principes du régime impérial se diffusent.
Napoléon impose les idéaux révolutionnaires comme la rédaction d'une constitution, l'abolition des privilèges, le principe d'égalité devant la loi. Il exporte aussi son Code civil qui est traduit en italien, en allemand et en polonais.
La chute de l'Empire
L'impérialisme napoléonien est très vite remis en cause par les régions conquises. Les peuples soumis paient toujours plus d'impôts et donnent toujours plus de soldats pour gonfler les rangs la Grande Armée de Napoléon. Ainsi, l'occupation française est de plus en plus mal perçue. Un sentiment anti-français se développe en Europe. Napoléon se lance bientôt à la conquête de la Russie, mais cette campagne est une véritable défaite. L'armée française subit une terrible défaite qui conduit à la capitulation de Napoléon et à la chute de l'Empire.
Un sentiment national s'éveille dans les régions occupées :
- Les Espagnols, à partir de 1808, prennent les armes et mènent une guerre de harcèlement contre les troupes napoléoniennes : c'est la « guérilla » d'indépendance espagnole.
- En Allemagne, pays alors divisé en une multitude d'États, les révoltes se multiplient.
La campagne de Russie est un échec pour l'armée française. Le contexte militaire, jusqu'ici très favorable à Napoléon Ier, bascule en 1812 : l'armée napoléonienne fait demi-tour et commence sa retraite en novembre 1812. Cette retraite se fait dans des conditions catastrophiques. Les marches interminables, le froid glacial, le manque de nourriture et les attaques incessantes des cavaliers russes déciment la Grande Armée : 450 000 hommes meurent en quelques semaines. L'épisode de la traversée du fleuve glacé « Bérézina », le 26 novembre 1812, entame le moral des 75 000 survivants.
L'expression « c'est la Bérézina » reste aujourd'hui synonyme d'échec total, de fiasco.
Profitant de la débâcle de la Grande Armée, l'Angleterre organise une nouvelle coalition contre la France. Pour la première fois, toutes les grandes puissances européennes se liguent contre la France. La défaite de Napoléon à la bataille de Leipzig en octobre 1813 s'accompagne de la chute de l'Empire.
Napoléon bat en retraite à Leipzig face aux armées coalisées.
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Chassés de Prusse, d'Autriche et d'Espagne, les Français se replient et les États occupés se libèrent les uns après les autres de l'impérialisme français. Pour vaincre Napoléon, les armées coalisées passent à l'offensive en janvier 1814. Après avoir franchi le Rhin, les Russes, les Prussiens et les Autrichiens envahissent la France et prennent Paris.
Napoléon abdique à Fontainebleau le 6 avril 1814 : c'est la fin du Premier Empire. Napoléon est condamné à l'exil sur l'île d'Elbe en Méditerranée.