Sommaire
ILa définition de la poésieALa mise en page et la musicalitéBLa musicalitéCLes formes de la poésieDLes fonctions de la poésieIILes normes poétiques au fil des sièclesLa définition de la poésie
La poésie est un des quatre genres littéraires qui se reconnaît principalement à sa dimension particulièrement esthétique. Le poète est en quête de la beauté de la langue et joue sur la mise en page, la musicalité et les formes.
La mise en page et la musicalité
La mise en page s'appuie particulièrement sur le vers et la strophe mais le poème peut également être en prose.
Dans Chansonnettes mesurées, Jean-Antoine de Baïf (XVIe siècle) propose un mètre imitant la poésie latine (notamment l'hexamètre dactylique et le pentamètre dactylique). La longueur du vers est calculée en pieds (association de sons courts et longs) au lieu de syllabes.
Semez, semez la graine,
Je connais la chanson
Que chante la sirène
Au pied de la maison
Robert Desnos
"Siramour", Fortunes, Paris, éd. Gallimard (1985)
1942
Dans cet extrait, Robert Desnos utilise l'hexasyllabe : chacun des vers comporte 6 syllabes.
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente
Guillaume Apollinaire
"Le Pont Mirabeau", Alcools, Paris, éd. Mercure de France
1913
Ici, le poète utilise la diérèse : les deux voyelles [i] et [o] doivent être prononcées séparément comme deux syllabes distinctes. Il faut donc insister sur ce mot pour le mettre en valeur.
Meurtriers de votre sang, appréhendez ce juge
Théodore Agrippa d'Aubigné
Les Tragiques, Les Tragiques, éd. établie par Frank Lestringant, Paris, éd. Gallimard, coll. "Poésie" (1995)
1616
Ici, le poète utilise la synérèse : il décide de relier deux sons voyelles qui suivent dans le mot "meurtriers" qu'il faut prononcer "meur-triers", en deux fois donc, et non "meur-tri-ers", en trois fois.
Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne
Victor Hugo
"Demain, dès l'aube", Les Contemplations, Paris, éd. Pagnerre, Michel Lévy
1856
Ici, le poète utilise un "e" muet à la fin du vers, le mot "campagne" compte alors pour deux syllabes et non pour trois.
Le distique est une strophe composée de deux vers.
Assise, la fileuse au bleu de la croisée
Où le jardin mélodieux se dodeline ;
Le rouet ancien qui ronfle l'a grisée
Paul Valéry
"La Fileuse", Album de vers anciens : 1890-1900, Paris, éd. A. Monnier et Cie
1920
Ici, Paul Valéry utilise une strophe formée de trois vers que l'on appelle tercet.
Il existe des poèmes en prose, Charles Baudelaire en a notamment écrit de nombreux dans le recueil Petits poèmes en prose publié en 1869.
La musicalité
D'aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Charles Baudelaire
"L'Invitation au voyage", Les Fleurs du Mal, Paris, éd. Poulet-Malassis et de Broise, 1957
1957
Ici, le poète utilise des rimes riches, on trouve plus de trois sons en commun entre mots "ensemble" et "ressemble".
Ici même les automobiles ont l'air d'être anciennes
Guillaume Apollinaire
"Zone", Alcools, Paris, éd. Mercure de France
1913
Ici, le poète utilise un accent flottant sur la dernière syllabe prononcée, "cienne", sur laquelle il faut donc insister à la lecture.
Pour un cœur qui s'ennuie
Ô le chant de la pluie !
Paul Verlaine
"Il pleure dans mon cœur", Romance sans paroles, Paris, éd. Lepelletier
1874
Ici, le poète utilise des rimes pauvres, un seul élément vocalique est repris, le "i" dans "s'ennuie" et "pluie".
Dieu parle, il faut qu'on lui réponde
Le seul bien qui me reste au monde.
Alfred de Musset
"Tristesse", Poésies nouvelles (1836-1852), Paris, éd. Charpentier
1852
Ici, le poète utilise des rimes suffisantes, deux sons sont répétés dans "réponde" et "monde".
Dans le poème "Spleen" de Charles Baudelaire, les rimes sont suivies.
Dans le poème "Les Yeux d'Elsa" de Louis Aragon, les rimes sont embrassées.
Dans le poème "Sensation" d'Arthur Rimbaud, les rimes sont croisées.
Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde
Léopold Sedar Senghor
"Femme noire", Chants d'ombre, Paris, Éditions du Seuil
1948
Ici, le poète utilise une allitération, il répète le son consonne "t".
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
Paul Verlaine
"Mon rêve familier", Poèmes saturniens, Paris, éd. Alphonse Lemerre
1866
Ici, le poète utilise une assonance, il répète les sons voyelles "é" et "en".
Les formes de la poésie
Dans "Ballade des dames du temps jadis", poème du XVe siècle, François Villon utilise la forme de la ballade.
Guillaume Apollinaire a écrit de nombreux calligrammes comme "Tour Eiffel", un poème parlant du monument et dont les vers forment le dessin de la tour.
Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
À peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d'eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid !
L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait !
Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.
Charles Baudelaire
"L'Albatros", Les Fleurs du Mal, Paris, 2e éd. Poulet-Malassis et de Broise
1861
Ici, Charles Baudelaire utilise la forme du sonnet : deux tercets suivis de deux quatrains.
Dans "À tout jamais, d'un amour immuable", Jean Marot emploie la forme du rondeau. En effet, le premier groupe de mots "À tout jamais" se retrouve au début du premier vers, puis à la fin de la seconde et de la troisième strophe. Cependant, le sens est obscur, car le respect de la forme du rondeau a contraint le poète à l'inversion de nombreux groupes de mots dans les phrases.
S'il ne faut, ma sœur chérie
Alfred de Musset
"La Nuit de mai", Poésies nouvelles (1836-1852), Paris, éd. Charpentier (1857)
1835
Ici, le poète utilise une césure, c'est-à-dire qu'il sépare le vers en deux parties distinctes et que l'accent se trouve dans la syllabe qui est à la fin de la première moitié du vers, donc dans "chérie".
Les fonctions de la poésie
Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,
Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé.
Alphonse de Lamartine
"L'Isolement", Méditations poétiques, Paris, éd. Charles Gosselin, 9e édition (1823)
1820
Dans cet extrait de poème, Alphonse de Lamartine exprime ses sentiments.
Dans ses Fables, Jean de La Fontaine entend donner un enseignement moral au lecteur. Par exemple, dans "La Grenouille qui voulait se faire plus grosse que le bœuf", il explique qu'il faut savoir s'accepter tel que l'on est.
Dans son recueil Émaux et Camées publié en 1852, Théophile Gautier défend l'art pour l'art. Pour lui, la fonction première de la poésie est de nature esthétique.
Les normes poétiques au fil des siècles
Le rondeau est une forme fixe de poème qui apparaît pour la première fois au Moyen Âge.
La ballade est une forme fixe de poème qui apparaît pour la première fois au Moyen Âge.
Le XVIe siècle est une période de redécouverte des œuvres en latin. Le poète Jean-Antoine de Baïf (membre de la Pléïade) cherche à retrouver la musicalité latine du vers. Il compose des vers en pieds, en se servant de l'étymologie latine des mots.
La plupart, emportés d'une fougue insensée,
Toujours loin du droit sens vont chercher leur pensée
Ils croiraient s'abaisser, dans leurs vers monstrueux,
S'ils pensaient ce qu'un autre a pu penser comme eux.
Évitons ces excès : laissons à l'Italie,
De tous ces faux brillants l'éclatante folie.
Tout doit tendre au bon sens : mais, pour y parvenir,
Le chemin est glissant et pénible à tenir ;
Pour peu qu'on s'en écarte, aussitôt on se noie.
La raison pour marcher n'a souvent qu'une voie.
Nicolas Boileau
"L'Art poétique", Chant I, dans Satires, Epîtres, Art poétique, édition de Jean-Pierre Collinet, éd. Gallimard, coll. "Poésie/Gallimard" n°195 (1985)
1670-1698
Au siècle classique, la poésie devient plus normée. Ici, le poète cherche à trouver une forme simple et directe.
Il pleurait. - Tout à coup, devant la tour antique,
S'éleva, murmurant comme un appel mystique,
Une voix… ce n'était sans doute qu'un esprit !
Bientôt parut la dame à son balcon gothique ; -
On ne sait si ce fut au sylphe qu'elle ouvrit.
Victor Hugo
"Le Sylphe", Odes et Ballades, Paris, éd. Ollendorf (1912)
1823
Les romantiques, comme Victor Hugo, rompent avec l'idée de normes. Ici, le poète prend des libertés avec la césure et l'alexandrin.
Au XIXe siècle, le poète Aloysius Bertrand choisit d'utiliser la prose et non plus le vers.
Les poètes de l'OuLiPo cherchent à appliquer des principes mathématiques à leurs créations et mettent au point la méthode S+7 : dans une réécriture, certains termes sont remplacés par des termes de la même catégorie présents dans le dictionnaire à la septième position derrière sa définition.
Au XXe siècle, les surréalistes cherchent à se libérer encore plus des normes poétiques, ils inventent notamment le cadavre exquis : chaque morceau de phrase est écrit par quelqu'un de différent ignorant ce qu'a écrit la personne précédente.