Afrique, 2013, voie S
Vous répondrez à cette question dans un développement structuré, en vous fondant sur les textes du corpus, ceux étudiés en classe et votre culture personnelle.
Un personnage de roman ne se construit-il qu'à partir des scènes d'action ?
Texte A : Stendhal, La Chartreuse de Parme, livre premier, chapitre 11
1839
Bien qu'engagé dans une carrière ecclésiastique, Fabrice Del Dongo est amoureux d'une actrice, Marietta. Giletti, l'amant en titre de la jeune femme, jure de tuer Fabrice. Le hasard les met en présence tous les trois sur une route.
Au moment où Fabrice passait auprès de la portière ouverte, il entendit Marietta qui lui disait à demi-voix :
- Prends garde à toi ; il te tuera. Tiens !
Au même instant, Fabrice vit tomber de la portière une sorte de grand couteau de chasse ; il se baissa pour le ramasser, mais, au même instant il fut touché à l'épaule par un coup d'épée que lui lançait Giletti. Fabrice, en se relevant, se trouva à six pouces de Giletti qui lui donna dans la figure un coup furieux avec le pommeau de son épée ; ce coup était lancé avec une telle force qu'il ébranla tout à fait la raison de Fabrice ; en ce moment il fut sur le point d'être tué. Heureusement pour lui, Giletti était encore trop près pour pouvoir lui donner un coup de pointe. Fabrice, quand il revint à soi, prit la fuite en courant de toutes ses forces ; en courant, il jeta le fourreau du couteau de chasse et ensuite, se retournant vivement, il se trouva à trois pas de Giletti qui le poursuivait. Giletti était lancé, Fabrice lui porta un coup de pointe : Giletti avec son épée eut le temps de relever un peu le couteau de chasse, mais il reçut le coup de pointe en plein dans la joue gauche. Il passa tout près de Fabrice qui se sentit percer la cuisse, c'était le couteau de Giletti que celui-ci avait eu le temps d'ouvrir. Fabrice fit un saut à droite ; il se retourna, et enfin les deux adversaires se trouvèrent à une juste distance de combat.
Giletti jurait comme un damné. Ah ! Je vais te couper la gorge, gredin de prêtre, répétait-il à chaque instant. Fabrice était tout essoufflé et ne pouvait parler ; le coup de pommeau d'épée dans la figure le faisait beaucoup souffrir, et son nez saignait abondamment ; il para plusieurs coups avec son couteau de chasse et porta plusieurs bottes1 sans trop savoir ce qu'il faisait ; il lui semblait vaguement être à un assaut public. Cette idée lui avait été suggérée par la présence de ses ouvriers qui, au nombre de vingt-cinq ou trente, formaient cercle autour des combattants, mais à distance fort respectueuse ; car on voyait ceux-ci courir à tout moment et s'élancer l'un sur l'autre.
Le combat semblait se ralentir un peu ; les coups ne se suivaient plus avec la même rapidité, lorsque Fabrice se dit : à la douleur que je ressens au visage, il faut qu'il m'ait défiguré. Saisi de rage à cette idée, il sauta sur son ennemi la pointe du couteau de chasse en avant. Cette pointe entra dans le côté droit de la poitrine de Giletti et sortit vers l'épaule gauche ; au même instant l'épée de Giletti pénétrait de toute sa longueur dans le haut du bras de Fabrice, mais l'épée glissa sous la peau, et ce fut une blessure insignifiante.
Giletti était tombé ; au moment où Fabrice s'avançait vers lui, regardant sa main gauche qui tenait un couteau, cette main s'ouvrait machinalement et laissait échapper son arme.
Le gredin est mort, se dit Fabrice ; il le regarda au visage, Giletti rendait beaucoup de sang par la bouche. Fabrice courut à la voiture.
- Avez-vous un miroir ? cria-t-il à Marietta.
1 porter plusieurs bottes : porter plusieurs attaques
Texte B : Alexandre Dumas, Les Trois Mousquetaires, chapitre IV
1844
En 1625, arrivé à Paris pour se présenter à M. de Tréville, capitaine des Mousquetaires du Roi, d'Artagnan, en raison de maladresses successives, est contraint d'affronter en duel trois mousquetaires : Athos, Porthos et Aramis. Arrive le moment des affrontements, alors qu'un édit de son Éminence le cardinal de Richelieu interdit les duels.
"Et maintenant que vous êtes rassemblés, Messieurs, dit d'Artagnan, permettez-moi de vous faire mes excuses".
À ce mot d'excuses, un nuage passa sur le front d'Athos, un sourire hautain glissa sur les lèvres de Porthos, et un signe négatif fut la réponse d'Aramis.
"Vous ne me comprenez pas, Messieurs, dit d'Artagnan en relevant sa tête, sur laquelle jouait en ce moment un rayon de soleil qui en dorait les lignes fines et hardies : je vous demande excuse dans le cas où je ne pourrais vous payer ma dette à tous trois, car Monsieur Athos a le droit de me tuer le premier, ce qui ôte beaucoup de sa valeur à votre créance1, Monsieur Porthos, et ce qui rend la vôtre à peu près nulle, Monsieur Aramis.
Et maintenant, Messieurs, je vous le répète, excusez-moi, mais de cela seulement, et en garde !"
À ces mots, du geste le plus cavalier qui se puisse voir, d'Artagnan tira son épée.
Le sang était monté à la tête de d'Artagnan, et dans ce moment il eût tiré son épée contre tous les mousquetaires du royaume, comme il venait de faire contre Athos, Porthos et Aramis.
Il était midi et un quart. Le soleil était à son zénith, et l'emplacement choisi pour être le théâtre du duel se trouvait exposé à toute son ardeur.
"Il fait très chaud, dit Athos en tirant son épée à son tour, et cependant je ne saurais ôter mon pourpoint ; car, tout à l'heure encore, j'ai senti que ma blessure saignait, et je craindrais de gêner Monsieur en lui montrant du sang qu'il ne m'aurait pas tiré lui-même.
- C'est vrai, Monsieur, dit d'Artagnan, et tiré par un autre ou par moi, je vous assure je verrai toujours avec bien du regret le sang d'un aussi brave gentilhomme ; je me battrai donc en pourpoint comme vous.
- Voyons, voyons, dit Porthos, assez de compliments comme cela, et songez que nous attendons notre tour.
- Parlez pour vous seul, Porthos quand aurez à dire de pareilles incongruités2, interrompit Aramis. Quant à moi, je trouve les choses que ces Messieurs se disent fort bien dites et tout à fait dignes de deux gentilshommes.
- Quand vous voudrez, Monsieur, dit Athos en se mettant en garde.
- J'attendais vos ordres, dit d'Artagnan en croisant le fer.
Mais les deux rapières3 avaient à peine résonné en se touchant, qu'une escouade4 des gardes de Son Éminence, commandée par M. de Jussac, se montra à l'angle du couvent.
- Les gardes du cardinal ! s'écrièrent à la fois Porthos et Aramis. L'épée au fourreau, Messieurs ! L'épée au fourreau !"
Mais il était trop tard. Les deux combattants avaient été vus dans une pose qui ne permettait pas de douter de leurs intentions.
"Holà ! cria Jussac en s'avançant vers eux et en faisant signe à ses hommes d'en faire autant, holà ! Mousquetaires, on se bat donc ici ? Et les édits, qu'en faisons-nous ?"
1 ce qui ôte beaucoup de sa valeur à votre créance : ce qui ôte beaucoup de valeur à ce que je vous dois
2 incongruités : paroles déplacées
3 rapières : épées longues et effilées
4 escouade : petite troupe de quelques hommes
Texte C : Guy de Maupassant, Bel-Ami, première partie, chapitre VI
1885
Georges Duroy est un séducteur qui est depuis peu un journaliste travaillant au quotidien "La Vie française". Après quelques articles politiques, il est pris à parti par le chroniqueur d'un journal concurrent nommé Langremont. Après un échange de communiqués insultants, il ne reste qu'un recours : le duel.
Puis on l'amena jusqu'à une des cannes piquées en terre et on lui remit son pistolet.
Alors il aperçut un homme debout, en face de lui, tout près, un petit homme ventru, chauve, qui portait des lunettes. C'était son adversaire.
Il le vit très bien, mais il ne pensait à rien qu'à ceci : "Quand on commandera feu, j'élèverai le bras et je tirerai". Une voix résonna dans le grand silence de l'espace, une voix qui semblait venir de très loin, et elle demanda :
"Êtes-vous prêts, messieurs ?"
Georges cria :
"Oui."
Alors la même voix ordonna :
"Feu…"
Il n'écouta rien de plus, il ne s'aperçut de rien, il ne se rendit compte de rien, il sentit seulement qu'il levait le bras en appuyant de toute sa force sur la gâchette.
Et il n'entendit rien.
Mais il vit aussitôt un peu de fumée au bout du canon de son pistolet ; et comme l'homme en face de lui demeurait toujours debout, dans la même posture également, il aperçut aussi un autre nuage blanc qui s'envolait au-dessus de la tête de son adversaire.
Ils avaient tiré tous les deux. C'était fini.
Ses témoins et le médecin le touchaient, le palpaient, déboutonnaient ses vêtements en demandant avec anxiété :
"Vous n'êtes pas blessé ?" Il répondit au hasard : "Non, je ne crois pas."
Langremont d'ailleurs demeurait aussi intact que son ennemi, et Jacques Rival1 murmura d'un ton mécontent :
"Avec ce sacré pistolet, c'est toujours comme ça, on se rate ou on se tue. Quel sale instrument !"
Duroy ne bougeait pas, paralysé de surprise et de joie : "C'était fini !" Il fallut lui enlever son arme qu'il tenait toujours serrée dans sa main. Il lui semblait maintenant qu'il se serait battu contre l'univers entier. C'était fini. Quel bonheur ! il se sentait brave tout à coup à provoquer n'importe qui.
Tous les témoins causèrent quelques minutes, prenant rendez-vous dans le jour pour la rédaction du procès-verbal, puis on remonta dans la voiture ; et le cocher qui riait sur son siège repartit en faisant claquer son fouet.
Ils déjeunèrent tous les quatre sur le boulevard, en causant de l'événement. Duroy disait ses impressions.
"Ça ne m'a rien fait, absolument rien. Vous avez dû le voir du reste ?"
1Jacques Rival : chroniqueur à "La Vie française", fameux duelliste, il fournit armes et munitions à Duroy à l'occasion de ce duel.
Comment Fabrice tue-t-il Giletti ?
Texte A : Stendhal, La Chartreuse de Parme, livre premier, chapitre 11
1839
Bien qu'engagé dans une carrière ecclésiastique, Fabrice Del Dongo est amoureux d'une actrice, Marietta. Giletti, l'amant en titre de la jeune femme, jure de tuer Fabrice. Le hasard les met en présence tous les trois sur une route.
Au moment où Fabrice passait auprès de la portière ouverte, il entendit Marietta qui lui disait à demi-voix :
- Prends garde à toi ; il te tuera. Tiens !
Au même instant, Fabrice vit tomber de la portière une sorte de grand couteau de chasse ; il se baissa pour le ramasser, mais, au même instant il fut touché à l'épaule par un coup d'épée que lui lançait Giletti. Fabrice, en se relevant, se trouva à six pouces de Giletti qui lui donna dans la figure un coup furieux avec le pommeau de son épée ; ce coup était lancé avec une telle force qu'il ébranla tout à fait la raison de Fabrice ; en ce moment il fut sur le point d'être tué. Heureusement pour lui, Giletti était encore trop près pour pouvoir lui donner un coup de pointe. Fabrice, quand il revint à soi, prit la fuite en courant de toutes ses forces ; en courant, il jeta le fourreau du couteau de chasse et ensuite, se retournant vivement, il se trouva à trois pas de Giletti qui le poursuivait. Giletti était lancé, Fabrice lui porta un coup de pointe : Giletti avec son épée eut le temps de relever un peu le couteau de chasse, mais il reçut le coup de pointe en plein dans la joue gauche. Il passa tout près de Fabrice qui se sentit percer la cuisse, c'était le couteau de Giletti que celui-ci avait eu le temps d'ouvrir. Fabrice fit un saut à droite ; il se retourna, et enfin les deux adversaires se trouvèrent à une juste distance de combat.
Giletti jurait comme un damné. Ah ! Je vais te couper la gorge, gredin de prêtre, répétait-il à chaque instant. Fabrice était tout essoufflé et ne pouvait parler ; le coup de pommeau d'épée dans la figure le faisait beaucoup souffrir, et son nez saignait abondamment ; il para plusieurs coups avec son couteau de chasse et porta plusieurs bottes1 sans trop savoir ce qu'il faisait ; il lui semblait vaguement être à un assaut public. Cette idée lui avait été suggérée par la présence de ses ouvriers qui, au nombre de vingt-cinq ou trente, formaient cercle autour des combattants, mais à distance fort respectueuse ; car on voyait ceux-ci courir à tout moment et s'élancer l'un sur l'autre.
Le combat semblait se ralentir un peu ; les coups ne se suivaient plus avec la même rapidité, lorsque Fabrice se dit : à la douleur que je ressens au visage, il faut qu'il m'ait défiguré. Saisi de rage à cette idée, il sauta sur son ennemi la pointe du couteau de chasse en avant. Cette pointe entra dans le côté droit de la poitrine de Giletti et sortit vers l'épaule gauche ; au même instant l'épée de Giletti pénétrait de toute sa longueur dans le haut du bras de Fabrice, mais l'épée glissa sous la peau, et ce fut une blessure insignifiante.
Giletti était tombé ; au moment où Fabrice s'avançait vers lui, regardant sa main gauche qui tenait un couteau, cette main s'ouvrait machinalement et laissait échapper son arme.
Le gredin est mort, se dit Fabrice ; il le regarda au visage, Giletti rendait beaucoup de sang par la bouche. Fabrice courut à la voiture.
- Avez-vous un miroir ? cria-t-il à Marietta.
1 porter plusieurs bottes : porter plusieurs attaques.
Quelle qualité de d'Artagnan ressort dans cette scène de combat ?
Texte B : Alexandre Dumas, Les Trois Mousquetaires, chapitre IV
1844
En 1625, arrivé à Paris pour se présenter à M. de Tréville, capitaine des Mousquetaires du Roi, d'Artagnan, en raison de maladresses successives, est contraint d'affronter en duel trois mousquetaires : Athos, Porthos et Aramis. Arrive le moment des affrontements, alors qu'un édit de son Éminence le cardinal de Richelieu interdit les duels.
"Et maintenant que vous êtes rassemblés, Messieurs, dit d'Artagnan, permettez-moi de vous faire mes excuses".
À ce mot d'excuses, un nuage passa sur le front d'Athos, un sourire hautain glissa sur les lèvres de Porthos, et un signe négatif fut la réponse d'Aramis.
"Vous ne me comprenez pas, Messieurs, dit d'Artagnan en relevant sa tête, sur laquelle jouait en ce moment un rayon de soleil qui en dorait les lignes fines et hardies : je vous demande excuse dans le cas où je ne pourrais vous payer ma dette à tous trois, car Monsieur Athos a le droit de me tuer le premier, ce qui ôte beaucoup de sa valeur à votre créance1, Monsieur Porthos, et ce qui rend la vôtre à peu près nulle, Monsieur Aramis.
Et maintenant, Messieurs, je vous le répète, excusez-moi, mais de cela seulement, et en garde !"
À ces mots, du geste le plus cavalier qui se puisse voir, d'Artagnan tira son épée.
Le sang était monté à la tête de d'Artagnan, et dans ce moment il eût tiré son épée contre tous les mousquetaires du royaume, comme il venait de faire contre Athos, Porthos et Aramis.
Il était midi et un quart. Le soleil était à son zénith, et l'emplacement choisi pour être le théâtre du duel se trouvait exposé à toute son ardeur.
"Il fait très chaud, dit Athos en tirant son épée à son tour, et cependant je ne saurais ôter mon pourpoint ; car, tout à l'heure encore, j'ai senti que ma blessure saignait, et je craindrais de gêner Monsieur en lui montrant du sang qu'il ne m'aurait pas tiré lui-même.
- C'est vrai, Monsieur, dit d'Artagnan, et tiré par un autre ou par moi, je vous assure je verrai toujours avec bien du regret le sang d'un aussi brave gentilhomme ; je me battrai donc en pourpoint comme vous.
- Voyons, voyons, dit Porthos, assez de compliments comme cela, et songez que nous attendons notre tour.
- Parlez pour vous seul, Porthos quand aurez à dire de pareilles incongruités2, interrompit Aramis. Quant à moi, je trouve les choses que ces Messieurs se disent fort bien dites et tout à fait dignes de deux gentilshommes.
- Quand vous voudrez, Monsieur, dit Athos en se mettant en garde.
- J'attendais vos ordres, dit d'Artagnan en croisant le fer.
Mais les deux rapières3 avaient à peine résonné en se touchant, qu'une escouade4 des gardes de Son Éminence, commandée par M. de Jussac, se montra à l'angle du couvent.
- Les gardes du cardinal ! s'écrièrent à la fois Porthos et Aramis. L'épée au fourreau, Messieurs ! L'épée au fourreau !"
Mais il était trop tard. Les deux combattants avaient été vus dans une pose qui ne permettait pas de douter de leurs intentions.
"Holà ! cria Jussac en s'avançant vers eux et en faisant signe à ses hommes d'en faire autant, holà ! Mousquetaires, on se bat donc ici ? Et les édits, qu'en faisons-nous ?"
1 ce qui ôte beaucoup de sa valeur à votre créance : ce qui ôte beaucoup de valeur à ce que je vous dois.
2 incongruités : paroles déplacées
3 rapières : épées longues et effilées
4 escouade : petite troupe de quelques hommes
Comment Maupassant présente-il Duroy dans cet extrait ?
Texte C : Guy de Maupassant, Bel-Ami, première partie, chapitre VI
1885
Georges Duroy est un séducteur qui est depuis peu un journaliste travaillant au quotidien "La Vie française". Après quelques articles politiques, il est pris à parti par le chroniqueur d'un journal concurrent nommé Langremont. Après un échange de communiqués insultants, il ne reste qu'un recours : le duel.
Puis on l'amena jusqu'à une des cannes piquées en terre et on lui remit son pistolet.
Alors il aperçut un homme debout, en face de lui, tout près, un petit homme ventru, chauve, qui portait des lunettes. C'était son adversaire.
Il le vit très bien, mais il ne pensait à rien qu'à ceci : "Quand on commandera feu, j'élèverai le bras et je tirerai". Une voix résonna dans le grand silence de l'espace, une voix qui semblait venir de très loin, et elle demanda :
"Êtes-vous prêts, messieurs ?"
Georges cria :
"Oui."
Alors la même voix ordonna :
"Feu…"
Il n'écouta rien de plus, il ne s'aperçut de rien, il ne se rendit compte de rien, il sentit seulement qu'il levait le bras en appuyant de toute sa force sur la gâchette.
Et il n'entendit rien.
Mais il vit aussitôt un peu de fumée au bout du canon de son pistolet ; et comme l'homme en face de lui demeurait toujours debout, dans la même posture également, il aperçut aussi un autre nuage blanc qui s'envolait au-dessus de la tête de son adversaire.
Ils avaient tiré tous les deux. C'était fini.
Ses témoins et le médecin le touchaient, le palpaient, déboutonnaient ses vêtements en demandant avec anxiété :
"Vous n'êtes pas blessé ?" Il répondit au hasard : "Non, je ne crois pas."
Langremont d'ailleurs demeurait aussi intact que son ennemi, et Jacques Rival1 murmura d'un ton mécontent :
"Avec ce sacré pistolet, c'est toujours comme ça, on se rate ou on se tue. Quel sale instrument !"
Duroy ne bougeait pas, paralysé de surprise et de joie : "C'était fini !" Il fallut lui enlever son arme qu'il tenait toujours serrée dans sa main. Il lui semblait maintenant qu'il se serait battu contre l'univers entier. C'était fini. Quel bonheur ! il se sentait brave tout à coup à provoquer n'importe qui.
Tous les témoins causèrent quelques minutes, prenant rendez-vous dans le jour pour la rédaction du procès-verbal, puis on remonta dans la voiture ; et le cocher qui riait sur son siège repartit en faisant claquer son fouet.
Ils déjeunèrent tous les quatre sur le boulevard, en causant de l'événement. Duroy disait ses impressions.
"Ça ne m'a rien fait, absolument rien. Vous avez dû le voir du reste ?"
1Jacques Rival : chroniqueur à la "Vie française", fameux duelliste, il fournit armes et munitions à Duroy à l'occasion de ce duel.
Qu'est-ce qu'une scène d'action peut apprendre sur le personnage qui la joue ?
Que peut-on dire du narrateur dans le point de vue omniscient ?
Que permet une plongée dans les pensées du personnage ?
Quel plan est adapté pour répondre au sujet traité ?