Sommaire
ILa littérature et la science, deux domaines liésALa science-fiction et le roman d'anticipation, le futur en littérature1La science-fiction2Le roman d'anticipationBLe savant, une figure scientifique dans la littérature1Le savant fou2Le savant génialIILe progrès scientifique : rêve ou désillusion en littératureAUne vision positive du progrès : le rêve des découvertesBUne vision négative du progrès : la désillusionDès le XIXe siècle, l'homme a de plus en plus confiance en la science. Il se détache des croyances et des superstitions. Les découvertes scientifiques se multiplient. L'homme est impressionné par toutes ces avancées qui l'attirent, lui font peur, l'interrogent. La littérature s'empare de ces évolutions et place la science au cœur de ces œuvres, plus particulièrement dans la science-fiction et dans le roman d'anticipation. Elle interroge ainsi les effets, positifs ou négatifs, de la science.
Quels sont les rapports entre science et littérature ? De quelle manière la littérature installe-t-elle la science au sein de ses œuvres pour nous donner à imaginer et à penser le monde de demain à partir de nos inquiétudes et de nos rêves ?
La littérature et la science, deux domaines liés
La littérature et la science sont liées, écrivains et savants donnent une place importante à l'imagination. Dans le genre littéraire de la science-fiction et dans le roman d'anticipation, la science est au cœur du récit. La figure du savant apparaît également souvent en littérature.
La science-fiction et le roman d'anticipation, le futur en littérature
La science-fiction et le roman d'anticipation sont deux genres littéraires qui mettent en scène le futur.
La science-fiction
La science-fiction met en scène un futur éloigné et des lieux inconnus, inexplorés et souvent imaginaires.
Science-fiction
La science-fiction est un genre littéraire qui se déroule dans le futur. La science est au cœur du récit de science-fiction. L'auteur explore des mondes inconnus ou inventés comme des planètes, des mondes parallèles ou d'autres lieux étranges.
Dans le roman de science-fiction Dune de Frank Herbert publié en 1965, l'histoire se situe en l'an 10191. Le récit met en scène l'empereur Padishah Shaddam IV qui exerce son pouvoir sur plusieurs planètes de l'Imperium. Il s'agit d'un monde imaginaire.
La fascination pour les sciences s'explique par les différents progrès scientifiques et techniques connus depuis le XIXe siècle. Ces avancées scientifiques visent à améliorer le quotidien des hommes.
Parmi les inventions du XIXe siècle, on peut citer :
- la pile par Alessandro Volta en 1800 ;
- le téléphone par Graham Bell en 1876 ;
- le vaccin contre la rage par Louis Pasteur en 1884 ;
- l'invention de la locomotive par George Stephenson en 1814.
Les récits de science-fiction s'appuient sur des éléments scientifiques réels pour projeter le lecteur dans un futur qui pourrait devenir réalité mais qui ne l'est pas. Ils interrogent donc l'avenir et invitent le lecteur à réfléchir aux conséquences des évolutions scientifiques et technologiques.
Les récits de science-fiction ont souvent recours à l'invention de créatures artificielles que l'homme manipule. Les récits de science-fiction interrogent ainsi le rapport de l'homme au vivant et suivent les innovations technologiques en cours.
Dans le roman de Villiers de L'Isle-Adam, L'Ève future, publié en 1886, l'ingénieur Edison a créé un robot féminin prénommé Hadaly. Il est destiné à devenir la compagne d'un des personnages.
Les récits de science-fiction accordent donc une place importante au futur en proposant des hypothèses, des questionnements sur le devenir de l'homme.
Le roman d'anticipation
Le roman d'anticipation est un sous-genre de la science-fiction. Dans ces romans, le récit se déroule dans le futur et est ancré dans la réalité.
Roman d'anticipation
Le roman d'anticipation est un sous-genre de la science-fiction. L'action se passe dans le futur. Les évolutions technologiques sont utilisées et décrites. Il s'agit d'imaginer l'avenir, à plus ou moins long terme. Le récit doit être crédible et ancré dans le réalisme afin que le lecteur puisse se projeter dans ce futur. Il est donc possible de mêler des événements réels et imaginaires.
Autour de la Lune (1869) est un roman d'anticipation écrit par Jules Verne. L'auteur place la science au cœur de son récit. Il envisage une exploration de la Lune. Jules Vernes anticipe l'exploration de la Lune par l'homme qui sera possible au XXe siècle.
Le savant, une figure scientifique dans la littérature
Le questionnement sur la science est principalement matérialisé par la figure du savant. Deux grandes figures du savant dominent en littérature : le savant fou et le savant génial.
Le savant fou
La figure du savant fou est au cœur de nombreux récits de science-fiction. C'est un personnage négatif dont il faut se méfier, qui souhaite tout contrôler et qui se prend pour un dieu.
La figure du savant fou renvoie à la folie de l'homme de vouloir tout contrôler. Le savant veut devenir un démiurge, c'est-à-dire un dieu, quelqu'un qui crée un monde.
Frankenstein apparaît comme la première figure mythique du savant fou dans la littérature. C'est un médecin, fasciné par la vie et par la mort, qui veut créer à son tour une créature vivante. Mais sa créature échappe à son contrôle et s'enfuit.
« Ce fut par une lugubre nuit de novembre que je contemplai mon œuvre terminée. Dans une anxiété proche de l'agonie, je rassemblai autour de moi les instruments qui devaient me permettre de faire passer l'étincelle de la vie dans la créature inerte étendue à mes pieds. Il était déjà une heure du matin ; une pluie funèbre martelait les vitres et ma bougie était presque consumée, lorsqu'à la lueur de cette lumière à demi éteinte, je vis s'ouvrir l'œil jaune et terne de cet être ; sa respiration pénible commença, et un mouvement convulsif agita ses membres. »
Mary Shelley
Frankenstein ou le Prométhée moderne, (Frankenstein; or, The Modern Prometheus)
1818
À partir de plusieurs morceaux de cadavres, Frankenstein parvient à créer sa créature, un autre être humain. L'auteur nous donne quelques étapes de cette création : « je rassemblai autour de moi les instruments qui devaient me permettre de faire passer l'étincelle de la vie dans la créature inerte étendue à mes pieds. » Frankenstein est partagé entre l'admiration pour son œuvre (« contemplai ») et l'appréhension du résultat (« anxiété », « agonie »).
Le savant génial
La figure du savant génial est au cœur de nombreux récits de science-fiction. C'est un personnage positif qui souhaite faire le bien et aider l'humanité.
Le savant génial est un personnage bienfaiteur qui met son cœur, sa raison, son intelligence au service de l'humanité. Avec la figure du savant génial, les auteurs montrent l'importance de la science et de ses découvertes pour le progrès d'une société et donnent aussi un portrait du scientifique.
Après avoir exercé la médecine pendant une douzaine d'années à Paris, le docteur Pascal s'est retiré dans sa maison à la Souleiade. Il poursuit ses recherches scientifiques.
« Satisfait des cent et quelques mille francs qu'il avait gagnés et placés sagement, il ne s'était guère consacré qu'à ses études favorites, gardant simplement une clientèle d'amis, ne refusant pas d'aller au chevet d'un malade, sans jamais envoyer sa note. […] Et des questions multiples se posaient. Existait-il un progrès physique et intellectuel à travers les âges ? Le cerveau, au contact des sciences grandissantes, s'amplifiait-il ? Pouvait-on espérer, à la longue, une plus grande somme de raison et de bonheur ? Puis, c'étaient des problèmes spéciaux, un entre autres, dont le mystère l'avait longtemps irrité : comment un garçon, comment une fille, dans la conception ? N'arriverait-on jamais à prévoir scientifiquement le sexe, ou tout au moins à l'expliquer ? »
Émile Zola
Le Docteur Pascal
1893
Zola nous donne le portrait d'un savant. C'est un scientifique passionné par ses recherches auxquelles il consacre tout son temps. Le docteur Pascal est serviable et généreux car il n'hésite pas à rendre service sans se faire payer (« gardant simplement une clientèle d'amis, ne refusant pas d'aller au chevet d'un malade, sans jamais envoyer sa note »). L'accumulation des questions rhétoriques reflète les différentes questions que se pose ce docteur scientifique. Elles touchent le fonctionnement cérébral, la détermination du sexe. Zola est ainsi proche des découvertes du médecin Claude Bernard, son contemporain.
Le progrès scientifique : rêve ou désillusion en littérature
Le progrès scientifique peut être perçu comme positif et susciter le rêve, celui des découvertes possibles. Il peut aussi être perçu comme négatif, comme une désillusion et entraîner au contraire des catastrophes.
Une vision positive du progrès : le rêve des découvertes
Les romans de science-fiction ou d'anticipation peuvent donner une vision positive du progrès qui suscite le rêve.
Les nouvelles découvertes ouvrent le champ des possibles. On se met à rêver que tout va être possible grâce à la science. Dans le domaine de l'astronomie, les nombreuses découvertes donnent l'espoir de pouvoir voyager dans l'espace, tandis que les découvertes sous-marines permettent d'imaginer ce qui se trouve au fond des océans. Tout cela nourrit l'imagination des écrivains.
C'est le cas de Jules Verne. Passionné par les sciences et par la littérature, il s'empare notamment des découvertes astronomiques pour imaginer des récits. Le lecteur peut voir les différences entre l'époque de Jules Verne et la sienne. C'est ainsi l'occasion pour l'auteur de proposer une vision rêvée et imaginaire de la Lune.
Autour de la lune raconte les aventures de Nicholl, Barbicane et Michel Ardan qui, à bord d'un obus tiré, parviennent sur la Lune.
« Et tous trois, à travers un effluve lumineux de quelques secondes, entrevirent ce disque mystérieux que l'œil de l'homme apercevait pour la première fois.
Que distinguèrent-ils à cette distance qu'ils ne pouvaient évaluer ? Quelques bandes allongées sur le disque, de véritables nuages formés dans un milieu atmosphérique très restreint, duquel émergeaient non seulement toutes les montagnes, mais aussi les reliefs de médiocre importance, ces cirques, ces cratères béants capricieusement disposés, tels qu'ils existent à la surface visible. Puis des espaces immenses, non plus des plaines arides, mais des mers véritables, des océans largement distribués, qui réfléchissaient sur leur miroir liquide toute cette magie éblouissante des feux de l'espace. Enfin, à la surface des continents, de vastes masses sombres, telles qu'apparaîtraient des forêts immenses sous la rapide illumination d'un éclair… »
Jules Verne
Autour de la Lune
1869
Les trois explorateurs sont impressionnés par leur découverte (« ce disque mystérieux »). La question (« Que distinguèrent-ils à cette distance qu'ils ne pouvaient évaluer ? ») souligne la démarche scientifique utilisée : les explorateurs observent la lune en donnant plusieurs détails sur sa forme (« Quelques bandes allongées sur le disque »), sur l'endroit où elle se situe (« de véritables nuages formés dans un milieu atmosphérique très restreint »), sur ses caractéristiques (« toutes les montagnes », « les reliefs de médiocre importance, ces cirques, ces cratères béants capricieusement disposés », « des espaces immenses, non plus des plaines arides, mais des mers véritables, des océans largement distribués »). La lune apparaît comme belle, intrigante et répond à la vision idéalisée, rêvée, de Jules Verne. Des éléments descriptifs ne sont néanmoins pas conformes aux connaissances scientifiques actuelles comme les mers, les océans, les continents.
Une vision négative du progrès : la désillusion
Les romans de science-fiction peuvent donner une vision négative du progrès qui engendre la désillusion : c'est la dystopie. On imagine que la science peut dénaturer l'homme ou que les machines pourraient prendre le contrôle. De plus en plus de romans de science-fiction mettent en avant la dégradation de l'environnement à cause des avancées scientifiques non contrôlées.
Dystopie
On parle de dystopie pour les romans de science-fiction présentant le progrès scientifique de manière négative.
Avec les progrès scientifiques et notamment l'avancée des connaissances concernant la reproduction humaine, la science est perçue par certains comme un moyen de contrôler les naissances et les hommes. En effet, la fécondation artificielle d'êtres humains inquiète certains écrivains. Ils critiquent la volonté de façonner des êtres vivants en sélectionnant leurs caractéristiques physiques, mentales, biologiques. C'est une façon de dénaturer l'homme.
Le Meilleur des mondes donne à lire une société où la reproduction naturelle a disparu et où les individus sont hiérarchisés.
« Toujours appuyé contre les couveuses, le Directeur leur servit, […], une brève description du procédé moderne de la fécondation ; il parla d'abord, bien entendu, de son introduction chirurgicale, […] ; il continua par un exposé sommaire de la technique de conservation de l'ovaire excisé à l'état vivant et en plein développement ; passa à des considérations sur la température, la salinité, la viscosité optima […] ; et menant ses élèves aux tables de travail, leur montra effectivement comment on retirait cette liqueur des tubes à essai ; […] Des hommes et des femmes conformes au type normal ; en groupes uniformes. Tout le personnel d'une petite usine par le produit d'un seul œuf bokanovskifié.
– Quatre-vingt-seize jumeaux identiques faisant marcher quatre-vingt-seize machines identiques ! »
Aldous Huxley
Le Meilleur des mondes
1932
Aldous Huxley présente la démarche scientifique et expérimentale du Directeur pour la fabrication de ces êtres vivants tous créés de manière identique. Le Directeur a l'ambition de construire une société idéale qui sera facile à gérer et à diriger à l'image de machines. Le titre de l'œuvre d'Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes, est ironique car c'est tout le contraire d'un monde heureux qui est dépeint dans ce roman. L'auteur prévient des dangers de ces expériences scientifiques.
Les auteurs de science-fiction imaginent également des machines prenant le contrôle sur les êtres humains. C'est la peur que la création humaine finisse par se retourner contre son créateur.
« L'industrie la plus vaste de la terre était centrée sur Multivac… Multivac, l'ordinateur géant qui en cinquante ans avait grandi jusqu'à remplir de ses diverses branches Washington et ses faubourgs, puis avait étendu ses tentacules à toutes les villes et tous les bourgs du globe.
Une armée de fonctionnaires l'approvisionnaient sans cesse de renseignements alors qu'une autre armée interprétait ses réponses et établissait les corrélations entre elles. Un véritable corps de génie patrouillait à l'intérieur, tandis que mines et usines s'acharnaient à maintenir continuellement au complet, avec précision, pour donner pleine et entière satisfaction, les stocks de réserve de pièces de rechange.
Multivac dirigeait l'économie de la Terre et venait en aide à la science. Mais il était avant tout le centre de recueil et de classement de tous les faits connus relatifs à chaque individu de la Terre. »
Isaac Asimov
L'avenir commence demain
1959
Isaac Asimov envisage un futur imaginaire dans lequel les hommes vivent sous la surveillance d'un ordinateur géant. L'ordinateur contrôle tout : la vie des hommes et les apports divers en énergie. L'ordinateur est alimenté par le travail des hommes. Pour montrer l'importance du contrôle de cet ordinateur géant, l'auteur le compare implicitement à un animal monstrueux dont « les tentacules » se répandent sur toute la planète. L'auteur donne ainsi une image inquiétante du progrès technique avec cet ordinateur capable de régir et diriger la vie humaine.
Enfin, les auteurs de science-fiction sont aujourd'hui sensibles aux problèmes climatiques et s'inquiètent de leurs conséquences. Ils alertent les lecteurs sur les conséquences des progrès scientifiques et technologiques sur l'environnement.
« Par bonheur, le réchauffement climatique dû à l'effet de serre n'avait pas infligé à Paris l'affreuse saturation d'humidité qui caractérisait les étés classiques de La Nouvelle-Orléans, mais on ne pouvait pas se plaindre pour autant d'une sécheresse de désert ; le printemps clément et les variations de températures automnales étaient quasi identiques, les étés entièrement tropicaux et les hivers inexistants. […] Tandis que sa gondole l'emmenait au-delà des pierres moussues du quai Anatole-France, Éric prit soin de ne pas laisser pendre étourdiment sa main dans l'eau, comme un touriste distrait le faisait de temps en temps, pour la plus grande délectation des alligators. Toute l'année ou presquen les répulsifs anti-moustiques ultrasoniques étaient de rigueur à proximité de la Seine, et il avait activé le sien bien avant d'atteindre le fleuve. »
Norman Spinrad
Bleue comme une orange
© J'ai lu, 1999
Norman Spinrad envisage Paris au XXIe siècle dans une ambiance totalement différente due au réchauffement climatique. Les quatre saisons n'existeraient plus, les eaux de la Seine bien plus chaudes qu'auparavant abriteraient des « alligators » et seraient le lieu de vie idéal pour des moustiques. L'auteur montre donc les conséquences dramatiques du réchauffement climatique.