Sommaire
IIntroduction : les origines du théâtreIILe XVIIe siècle : de l'irrégularité baroque à l'unité du classicismeALe théâtre baroqueBLe théâtre classique (1660-1685)1Le théâtre classique (1660-1685)2La tragédie classique et la comédie classiqueIIILe XVIIIe siècle : le théâtre des LumièresIVLe XIXe siècle : le drame romantiqueVLe théâtre aux XXe et XXIe siècles : la remise en question des formes traditionnellesALe retour du tragique d'inspiration mythologique (l'entre-deux-guerres)BLe théâtre engagé (dans les années 1940)CLe théâtre de l'absurde (dans les années 1950)DLe théâtre contemporain (des années 1980 à nos jours)Introduction : les origines du théâtre
Le théâtre est né dans l'Antiquité, à Athènes, avec la tragédie et la comédie grecques. À l'époque médiévale en France, le théâtre sacré et le théâtre profane sont très appréciés.
Étymologiquement, le mot « théâtre » vient du grec theatron désignant l'enceinte réservée aux spectateurs dans les théâtres antiques. Originellement, ce terme désigne donc le lieu d'où l'on regarde.
- L'origine religieuse : le théâtre grec naît des fêtes données en l'honneur de Dionysos. Un poème lyrique est chanté et dansé en l'honneur du dieu du vin par le chœur autour de l'autel.
- La portée politique : à partir de 534 av. J.-C., ces fêtes deviennent nationales et les représentations théâtrales sont un moyen de faire participer tout un peuple à la célébration d'un passé légendaire. Le théâtre devient alors l'expression d'une culture populaire.
La tragédie grecque naît à Athènes au Ve siècle av. J.-C. Elle reprend les légendes et les grands mythes :
- la guerre de Troie ;
- les conflits des Atrides ;
- les malheurs d'Œdipe ;
- la malédiction pesant sur une lignée comme celle de Phèdre.
Selon Aristote, la tragédie doit édifier le spectateur selon le principe de la catharsis en lui inspirant terreur et pitié. Les trois grands auteurs de tragédies grecques sont Eschyle, Sophocle et Euripide.
Catharsis
La catharsis désigne la « purgation des passions ». Le spectateur éprouve d'abord de la compassion pour le héros auquel il s'identifie. Puis, face aux crimes perpétrés, il ressent de la terreur. Elle est telle qu'il se purge de ses mauvaises passions.
Dans Œdipe roi (vers 425 av. J.-C.), Sophocle raconte l'enquête que mène le héros, Œdipe, pour découvrir qui est le meurtrier du roi Laïos. En effet, l'oracle lui a annoncé que la ville de Thèbes sera en proie au terrible fléau de la peste tant que le coupable ne sera pas puni.
La comédie grecque naît à l'occasion des fêtes en l'honneur de Dionysos. Son intrigue est centrée sur l'actualité politique, sociale et littéraire.
Les deux grands auteurs de comédies grecques sont Aristophane et Ménandre.
Le théâtre latin plagie largement le théâtre grec.
Le théâtre médiéval est abondant et varié. Théâtre sacré et théâtre profane cohabitent.
Le théâtre sacré retrace l'histoire sainte de la Création à la Résurrection pour instruire les fidèles. Les pièces sont jouées dans les églises et cathédrales ou sur leur parvis.
Le théâtre profane est d'inspiration comique et se joue sous différentes formes :
- La farce met en scène deux personnages qui se disputent et en viennent aux coups.
- La sotie met en cause la société et ses institutions. C'est un théâtre plus engagé.
- La moralité a un caractère plus didactique.
Le XVIIe siècle : de l'irrégularité baroque à l'unité du classicisme
Au XVIIe siècle, deux courants de théâtre cohabitent : le théâtre baroque et le théâtre classique.
Le théâtre baroque
Les inquiétudes, notamment liées aux troubles politiques, s'expriment dans le domaine artistique par une nouvelle esthétique : l'art baroque. L'idée que le monde est une illusion domine, les dramaturges veulent rompre avec les règles. En France, ce mouvement s'exprime surtout dans le genre théâtral. Le théâtre baroque est représenté par Corneille en France.
Le terme « baroque » vient du portugais barrocco qui désigne une perle irrégulière. Certains auteurs manifestent la volonté de s'écarter des règles strictes qui annoncent celles du théâtre classique. Ils expriment surtout une vision particulière de l'homme et du monde : le monde n'est qu'une illusion, un vaste théâtre où l'homme joue un rôle et avance masqué.
La tragédie baroque est marquée par les thèmes suivants :
- le macabre ;
- la souffrance ;
- la fragilité et l'inconstance de l'homme ;
- la victoire de la mort.
La comédie baroque est marquée par les caractéristiques suivantes :
- la mise en abyme par le principe du « théâtre dans le théâtre » ou les jeux de miroir ;
- la fragilité du destin ;
- le mélange des tons : à la fois trivial et précieux.
Pierre Corneille commence sa carrière en écrivant des comédies baroques avant de se tourner vers la tragédie. Il accorde une place importante à la peinture des caractères et des mœurs. Peu enclin à se plier aux règles de vraisemblance et de bienséance, il multiplie les intrigues complexes et privilégie l'éloquence et le lyrisme de ses personnages.
La tragi-comédie Le Cid, qu'il fait jouer en 1636, va marquer un tournant dans l'histoire du théâtre. Corneille trouve dans ce genre l'occasion de saisir toutes les nuances de l'amour. Le Cid remporte un immense succès auprès du public mais Richelieu, défenseur d'un théâtre régulier et respectueux des règles des Anciens, monte une cabale contre lui, connue sous le nom de « querelle du Cid ».
Corneille va, pour un temps, se plier aux règles et s'ouvre alors une nouvelle ère : celle du théâtre classique.
Dans Le Cid, Chimène et Rodrigue s'aiment et vont se marier mais une violente querelle éclate entre leurs pères, Don Gormas et Don Diègue, à l'occasion de laquelle le premier gifle le second. Pour laver cet affront, le père de Rodrigue demande à son fils de le venger. Le jeune homme se retrouve face à un terrible dilemme : pour sauver l'honneur de sa famille, il devra vaincre en duel le père de la femme qu'il aime.
Le théâtre classique (1660-1685)
L'esthétique classique est régie par des règles très rigides. La tragédie classique et la comédie classique sont représentées par Molière et Racine en France.
Le théâtre classique (1660-1685)
L'esthétique classique s'épanouit entre le début du règne de Louis XIV et la révocation de l'édit de Nantes, c'est-à-dire l'apogée de la monarchie absolue. Le roi favorise toute forme d'expression artistique susceptible de le célébrer. En codifiant le spectacle théâtral, il lui assigne également un but moral : l'honnête homme doit éviter tout débordement et tempérer ses passions.
Les principes du classicisme sont les suivants :
- imiter les Anciens qui sont présentés comme des modèles inégalables ;
- respecter les règles établies dans un souci de clarté.
En effet, le pouvoir royal cherche à éviter une nouvelle instabilité politique et à affirmer son autorité. Cela conduit à la création de plusieurs académies, dont l'Académie française. Les règles classiques sont rédigées dans ce contexte et formulées par l'abbé d'Aubignac.
Dans L'Art poétique (1674), Boileau détaille les règles classiques.
Citation de Boileau | Règle classique |
Le secret est d'abord de plaire et de toucher. | Instruire et de plaire (placere et docere), toutes les autres servent celle-là. |
Jamais au spectateur n'offrez rien d'incroyable Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable. | La vraisemblance : l'action représentée doit être crédible et cohérente. |
Ce qu'on ne doit point voir, qu'un récit nous l'expose : Les yeux, en le voyant, saisiront mieux la chose ; Mais il est des objets que l'art judicieux Doit offrir aux oreilles et reculer des yeux. | La bienséance : les spectacles ne doivent pas être choquants. Les démonstrations de violence physique ou d'intimité sont interdites. Ce qui ne peut être représenté est raconté. |
Qu'en un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli. | Les trois unités :
|
Comédie et tragédie sont bien distinctes d'autant que la comédie est toujours considérée comme dangereuse par l'Église qui excommunie les acteurs. Cette distinction vient des Anciens et n'existe pas à l'étranger.
La tragédie classique et la comédie classique
Les auteurs de la tragédie classique doivent particulièrement respecter les règles classiques, car la tragédie s'impose comme la forme dramatique majeure. En France, Corneille et Racine en sont les deux principaux représentants. La comédie classique est considérée comme moins noble que la tragédie. Molière en est le maître.
Pierre Corneille s'adapte à l'esthétique classique à partir de 1640, tout en s'accordant quelques libertés. Il traite de sujets antiques dans les dix-sept pièces, tragédies historiques et politiques puis tragédies bibliques, qu'il écrit. La générosité et l'orgueil vertueux caractérisent les héros cornéliens qui sont déchirés entre l'amour et le devoir.
Dans Cinna (1641), Émilie, la fille adoptive d'Auguste, conspire pour faire assassiner l'empereur qui a jadis tué son père. Elle demande à son amant Cinna de l'aider à accomplir son dessein. Malgré l'amour qu'il éprouve pour elle, le jeune homme ne peut se résoudre à assassiner celui qu'il considère comme son père.
Jean Racine, le jeune rival de Corneille, emprunte principalement ses sujets à la mythologie et à l'histoire antique. Il s'attache à peindre la fatalité des passions. Son héros est la proie d'un déchirement intime : en éprouvant un amour irrépressible, il se détourne de son devoir moral et court à sa perte. Marqué par le jansénisme, le théâtre de Racine met en scène un héros qui, victime de ses faiblesses, ne peut échapper à son destin.
La comédie classique est considérée comme un genre moins noble que la tragédie :
- Elle met en scène des personnages contemporains de l'époque classique, issus de la petite noblesse, des bourgeois et des valets.
- Elle a pour finalité de dénoncer les travers de la société de son temps (tyrannie des pères, mariages arrangés, etc.). Elle a donc, comme la tragédie, une finalité moralisatrice.
Molière est le maître incontesté de la comédie classique. Il s'attache à peindre les défauts des hommes dont le pire est, à ses yeux, l'hypocrisie. Il reprend la formule d'Horace : Castigat ridendo mores (« Corriger les mœurs par le rire »).
Farces, comédies d'intrigue, de caractère et de mœurs, comédies-ballets sont l'occasion de rire des travers et des vices de la nature humaine. Les personnages se caractérisent par leurs comportements excessifs, ils sont dominés par leur passion et par leur égoïsme.
Avec Molière, la comédie devient une arme pour dénoncer les abus de la société de son temps. Quand il aborde des sujets graves, il se heurte à la censure. Il est l'auteur qui provoque le plus de contestations dans le paysage littéraire de la seconde moitié du XVIIe siècle.
Dans Dom Juan (1665), le héros séduit les femmes et les abandonne sans scrupules. Tout au long de la pièce, il défie le ciel sans jamais se repentir. Il reçoit des avertissements dont il ne fait pas cas et va jusqu'à faire l'éloge de l'hypocrisie.
Le XVIIIe siècle : le théâtre des Lumières
Le XVIIIe siècle est connu comme étant le « siècle des Lumières » : des idées nouvelles se répandent, diffusées et promues par des philosophes. Au théâtre, on note un déclin de la tragédie et la naissance d'une comédie plus sérieuse avec Marivaux. Le drame bourgeois naît. La comédie continue d'être un instrument de critique sociale, notamment avec Beaumarchais.
Sur le modèle de Racine, les auteurs écrivent encore des tragédies en cinq actes, en alexandrins, empruntant leurs sujets à l'Antiquité ou à l'histoire. Mais le sort des personnages de haut rang ne touche plus le public qui se détourne de la tragédie au profit de la comédie et du drame, plus enclins à refléter ses aspirations personnelles.
Le public délaisse également la comédie classique pour s'intéresser à la comédie sérieuse qui a une finalité très moralisante. Marivaux compose ses pièces pour les comédiens italiens venus en France en s'inspirant de l'esthétique de la commedia dell'arte (personnages traditionnels comme Arlequin\vivacité du jeu des acteurs). Il se libère des contraintes classiques et écrit en prose. Les désordres amoureux et leur analyse psychologique sont au cœur de ses vingt-sept comédies.
Dans Le Jeu de l'amour et du hasard (1730), Silvia refuse, par amour-propre, d'avouer ses sentiments pour Dorante. En effet, elle croit qu'il est un valet. En réalité, il a pris l'apparence de son valet pour mettre ses sentiments à l'épreuve. Sans le savoir, elle utilise le même stratagème que lui et prend l'apparence de sa suivante Lisette. Quand les masques tombent, chacun peut laisser libre cours à ses sentiments et reprendre sa place de valet ou de maître.
Le drame bourgeois s'adapte au goût du public dans la mesure où il met en scène des personnages issus de la bourgeoisie qui affrontent des épreuves quotidiennes. L'étude des passions laisse donc place à celle de la condition sociale et des désordres familiaux. Diderot théorise et défend ce nouveau genre qui propose une leçon de morale et de vertu.
Beaumarchais renouvelle le genre de la grande comédie inspirée par Molière. Il provoque le rire du spectateur grâce au rythme trépidant de ses intrigues et grâce à ses personnages hauts en couleur. Il renouvelle le type du valet de comédie en lui attribuant le rôle principal pour la première fois dans l'histoire du théâtre. Son œuvre s'inscrit dans le combat des Lumières et devient l'instrument d'une critique sociale : il remet en cause l'ordre établi, fustige les privilèges, dénonce la censure et l'arbitraire de la justice.
Dans Le Mariage de Figaro (1781), Figaro, valet du comte Almaviva, doit épouser Suzanne. Mais son maître veut exercer son droit de cuissage sur la malicieuse fiancée de Figaro. L'ingénieux valet va tout faire pour dénoncer les agissements du comte et déjouer ses plans. Ses propos révolutionnaires donnent à la comédie une portée satirique.
Le XIXe siècle : le drame romantique
Au XIXe siècle, le spectacle théâtral est toujours très apprécié par le public. Les grands acteurs sont adulés et riches et beaucoup d'auteurs doivent une partie de leur succès à ce genre. Avec Victor Hugo, on assiste à la naissance du drame romantique.
Influencés par la découverte de Shakespeare, les dramaturges inventent un héros romantique, souvent marginal ou révolté, qui se caractérise par sa sensibilité et son tempérament passionné.
Les principales caractéristiques du drame romantique sont présentées par Victor Hugo dans la Préface de Cromwell :
- Le drame romantique ne respecte plus les règles classiques (sauf l'unité d'action) car l'art n'est plus conçu comme l'imitation d'un modèle. L'alexandrin classique est assoupli par l'utilisation du rejet et du contre-rejet. Il est parfois remplacé par la prose.
- Le théâtre permet de saisir le personnage dans son évolution pour rendre compte de tous les aspects du monde et de l'homme. Il se fait aussi le reflet de ses contradictions, sa beauté et sa laideur, sa dimension sublime et grotesque. Pour ce faire, le drame mêle comique et pathétique.
- Ce genre théâtral a également une portée sociale et politique. Les héros se font les porte-paroles de leurs auteurs, dénonçant les privilèges des puissants et clamant leur idéal républicain.
Le théâtre aux XXe et XXIe siècles : la remise en question des formes traditionnelles
Aux XXe et XXIe siècles, on entre dans une période de doute et de questionnement qui se manifeste au théâtre. Il y a une crise du sujet : la conception de l'individu comme maître de lui-même et de sa destinée est mise à mal. La crise affecte également le langage et la notion de sens. Le langage est mis en cause dans sa capacité à constituer un outil de communication et d'échange efficace. La possibilité de trouver un sens au monde et à la vie est questionnée : face à l'absurdité et à l'étrangeté du réel, l'homme semble faible et démuni.
Le retour du tragique d'inspiration mythologique (l'entre-deux-guerres)
Les dramaturges de l'entre-deux-guerres orientent la scène vers des tendances humanistes et philosophiques. Ils renouent avec la tragédie et reprennent les mythes antiques. Cette relecture est l'occasion d'un débat moral et permet d'inviter l'homme à une réflexion universelle.
Les principales caractéristiques de ce théâtre sont :
- Les auteurs réécrivent les textes antiques, les légendes de la mythologie grecque et latine tout en faisant allusion à l'histoire contemporaine.
- Le ton n'est pas celui de la tragédie classique : les auteurs mêlent différents registres, ont souvent recours à l'humour et à la parodie. Ils exploitent aussi différents niveaux de langage et le vocabulaire est parfois tout à fait familier.
Dans La guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), Giraudoux reprend le mythe de la guerre de Troie. Au début de la pièce, Hector et Andromaque pensent encore que la guerre peut être évitée en rendant Hélène aux Grecs. Mais leur bonne volonté ne permet pas d'éviter le pire. La reprise de cette légende trouve un écho évident dans l'actualité à l'aube de la Seconde Guerre mondiale. Elle est une mise en garde contre la montée du nationalisme en Europe.
Le théâtre engagé (dans les années 1940)
Les deux guerres mondiales vont profondément marquer la production littéraire dans les années 1940.
Les philosophies idéalistes sont remises en cause. Les auteurs en appellent à la prise de conscience et à la révolte. L'homme doit engager sa responsabilité et lutter contre l'angoisse d'une existence privée de sens en agissant individuellement et collectivement.
Le théâtre devient une tribune pour des dramaturges comme Jean-Paul Sartre et Albert Camus. Il est le reflet de leur vision du monde. Les intrigues de leurs pièces mettent en scène des héros qui exercent leur liberté d'action ou au contraire qui en sont privés et qui constatent cruellement quelles en sont les conséquences.
Sartre rédige Les Mains sales (1948) au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. C'est la pièce de Sartre qui a remporté le plus de succès. Il y oppose deux conceptions de la révolte : l'idéologie révolutionnaire contre la conscience personnelle.
Le théâtre de l'absurde (dans les années 1950)
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le monde semble avoir perdu toute cohérence. Pour poser la question du sens de l'existence de l'homme et témoigner d'une profonde angoisse, les dramaturges imaginent un univers menaçant. Le vieillissement, la mort, l'enfermement, la peur et l'attente sont les thèmes récurrents du théâtre de l'absurde.
Ionesco, Beckett, Adamov contestent la logique rationnelle et les règles dramaturgiques. Ils remettent en cause :
- La notion de personnage : les héros n'ont plus d'épaisseur psychologique.
- La notion d'action : il n'y a plus ni intrigue ni ressort dramatique. Dans la vie des personnages, il ne se passe rien.
- La notion de langage : devenu problématique, il ne permet plus de communiquer avec autrui. Les personnages ne se comprennent plus, n'utilisent pas les mots de la même façon, ce qui accentue encore leur solitude extrême.
- La notion de temporalité : les pièces ne suivent plus une chronologie linéaire. Les scènes s'enchaînent de façon discontinue et sans logique. Le dénouement ne propose aucune résolution.
Dans En attendant Godot (1952), comme dans les autres pièces de Beckett, les personnages se contentent d'attendre qu'un événement survienne dans leur médiocre existence. Ici, Vladimir et Estragon sont deux vagabonds, des personnages solitaires, égarés et grotesques. Pendant toute la pièce, ils attendent un certain Godot dont on ne sait rien, sinon qu'il ne viendra pas. Leur attente vaine est une métaphore de l'existence humaine dépourvue de sens.
Le théâtre contemporain (des années 1980 à nos jours)
La notion de genre perd de sa pertinence avec le théâtre contemporain. Ce qui lui confère aujourd'hui sa spécificité, c'est la scène qui met en espace le texte sous toutes ses formes. Le metteur en scène est vu comme un créateur qui en propose une interprétation voire une réécriture.
Les dramaturges s'affranchissent des contraintes et imaginent de nouvelles formes. D'autres genres comme la danse, la musique ou le cinéma s'invitent dans le spectacle théâtral et enrichissent la représentation.
Certains thèmes marquent de façon évidente la production théâtrale contemporaine. L'angoisse existentielle est au cœur d'un théâtre qui aborde les conflits meurtriers des dernières décennies, les faits divers ou les drames intimes.
Le théâtre est aussi l'occasion d'une remise en question des valeurs de la société contemporaine, d'un regard critique sur ses aspects conventionnels. Il dénonce par ailleurs la violence d'un monde aux valeurs mercantiles.
La complexité des relations humaines est une des grandes thématiques du théâtre contemporain. Elle est liée notamment au problème du langage dont Ionesco disait qu'il est une « tragédie ». Les personnages, en quête du mot juste, tentent de s'exprimer au mieux face à des interlocuteurs qui ne les entendent pas, ou mal. Par leurs errances verbales, ils disent toute la difficulté qu'il y a à trouver une unité entre l'image que l'on a de soi et celle que les autres nous renvoient. La parole reste problématique et peine à résoudre les conflits.
Dans Pour un oui ou pour un non (1982), Nathalie Sarraute aborde la fragilité des relations humaines, avec leur rapport de force, leur lot de susceptibilité et de condescendance. Deux hommes, H1 et H2, occupent la scène. Ils sont amis d'enfance mais ne se voient plus depuis quelque temps. H1 vient trouver H2 chez lui pour lui demander des explications. La conversation d'une grande banalité va pourtant occuper les personnages pendant toute la pièce.
Dans Juste la fin du monde (1990) de Jean-Luc Lagarce, le personnage principal, Louis, est malade. Après dix ans d'absence, il revient dans sa famille pour annoncer à ses parents, à son frère et à sa sœur qu'il va mourir. Leurs retrouvailles s'avèrent difficiles car d'anciennes querelles resurgissent.