Sommaire
ILes différentes représentations de la nature dans la littérature et les artsAUne représentation positive de la natureBUne représentation négative de la natureIIL'homme et la nature : une relation destructriceAL'exploitation de la nature par l'hommeBL'impossible maîtrise de la natureIIIL'homme et la nature : une relation compliceAVivre au contact de la natureBDéfendre la natureDepuis toujours, l'homme entretient une relation complexe avec la nature. La nature est source d'inspiration pour les écrivains et les artistes : elle est belle, mystérieuse, elle permet la contemplation. L'homme peut avoir une relation complice avec la nature. Toutefois, la nature a également toujours effrayé l'homme : elle est inquiétante, parfois dangereuse et peut se retourner contre lui. L'homme a essayé de contrôler la nature, et il l'a même profondément détruite : la crise écologique actuelle le rappelle.
Quelles représentations la littérature et les arts donnent-ils de la nature ? De quelle manière la littérature et les arts montrent-ils les relations entre l'homme et la nature ?
Les différentes représentations de la nature dans la littérature et les arts
En littérature et dans les arts, la nature peut être représentée de façon positive : idéale, elle permet la contemplation et la rêverie et inspire les écrivains et les artistes. La nature peut aussi être représentée de façon négative : elle est incontrôlable et dangereuse.
Une représentation positive de la nature
Depuis les origines de l'humanité, la nature est représentée de façon idéale dans la littérature et les arts. Cette vision idéale se nourrit notamment du paradis terrestre tel qu'il est décrit dans la Genèse. La nature permet la contemplation et la rêverie. En cela, elle est une source d'inspiration importante pour les écrivains et les artistes.
Le mythe du paradis terrestre présenté dans la Genèse (texte de la Bible) révèle le caractère idéal de la nature. L'homme est attaché à cette image d'une nature parfaite qui regorge de ressources : l'eau fraîche, les fleurs et les fruits. Dans le jardin d'Eden règne un équilibre parfait et harmonieux, dans une beauté idéale.
« Le jour où le Seigneur Dieu fit la terre et le ciel, il n'y avait encore sur la terre aucun arbuste des champs, et aucune herbe des champs n'avait encore germé, car le Seigneur Dieu n'avait pas fait pleuvoir sur la terre et il n'y avait pas d'homme pour cultiver le sol ; mais un flux montait de la terre et irriguait toute la surface du sol. Le Seigneur Dieu modela l'homme avec de la poussière prise du sol. Il insuffla dans ses narines l'haleine de vie, et l'homme devint un être vivant. Le Seigneur Dieu planta un jardin en Eden, à l'orient, et il y plaça l'homme qu'il avait formé. Le Seigneur Dieu fit germer du sol tout arbre d'aspect attrayant et bon à manger, l'arbre de vie au milieu du jardin et l'arbre de la connaissance de ce qui est bon ou mauvais. Un fleuve sortait d'Eden pour irriguer le jardin. »
« Le paradis terrestre », Genèse, chapitre II, 5-10, la Bible
Dieu crée le paradis terrestre selon un ordre logique et harmonieux en veillant à apporter soin et nourriture à chaque élément. Il crée ainsi l'eau pour nourrir la terre et les arbres afin que l'homme puisse les cultiver. Il donne vie à l'homme et le place dans ce lieu beau et harmonieux pour qu'il puisse y vivre.
Durant l'Antiquité, plusieurs poètes reprennent cette image idéale de la nature. Ils la nomment locus amœnus, ce qui signifie « lieu agréable ». Ce thème est créé par les poètes grecs comme Théocrite. Il est repris par les poètes latins comme Virgile.
« Bienheureux vieillard ! ici, entre rivières familières et fontaines sacrées, tu prendras l'ombre et le frais. »
Virgile
Bucoliques
39 av. J.-C.-37 av. J.-C.
Le berger Mélibée chante le bonheur de son ami, Tityre, qui profite des joies de la nature. Virgile décrit un lieu imaginaire, appelé Arcadie, dans lequel les bergers célèbrent la beauté de la nature et se reposent à l'ombre des arbres, près de l'eau.
Les arts, notamment la peinture, s'emparent volontiers du thème des jardins pour représenter la vision idéale et harmonieuse de la nature.
© Wikimedia Commons
Dans le manuscrit de Guillaume de Lorris et Jean de Meung du Roman de la Rose (fin du XIIIe siècle) figure une miniature qui représente le jardin évoqué dans le livre. Son organisation très ordonnée, ses orangers et ses pommiers abondants en fruits et la multitude des fleurs créent une atmosphère idéale et heureuse permettant aux hommes et aux dames de s'y retrouver pour converser.
Dans la nature règne le calme. L'homme peut se livrer à la contemplation sans être dérangé, il éprouve du bien-être et de l'apaisement. L'homme se plaît à observer la nature, à laisser aller ses pensées au rythme des éléments naturels.
Jean-Jacques Rousseau, philosophe des Lumières, décrit son séjour sur l'île Saint-Pierre en Suisse.
« Quand le soir approchait je descendais des cimes de l'île et j'allais volontiers m'asseoir au bord du lac, sur la grève, dans quelque asile caché ; là le bruit des vagues et l'agitation de l'eau fixant mes sens et chassant de mon âme toute autre agitation la plongeaient dans une rêverie délicieuse où la nuit me surprenait souvent sans que je m'en fusse aperçu. »
Jean-Jacques Rousseau
Les Rêveries du promeneur solitaire
1782
Rousseau éprouve énormément de plaisir à se promener dans la nature. Il réalise pleinement son existence au sein de la nature. Contempler la nature apaise son esprit (« chassant de mon âme toute autre agitation ») et lui offre le bonheur de l'évasion par les rêves (« dans une rêverie délicieuse »).
Pour toutes ces raisons, la nature est une véritable source d'inspiration, et ce à toutes les époques. Les poètes de la Pléiade (XVIe siècle), comme Ronsard ou Du Bellay, soulignent la beauté de la nature.
« L'Été je dors ou repose
Sur ton herbe, où je compose,
Caché sous tes saules verts,
Je ne sais quoi, qui ta gloire
Enverra par l'Univers
Commandant à la Mémoire
Que tu vives par mes vers. »
Pierre de Ronsard
Odes
1550-1552
Ronsard chante les beautés de la nature qui apporte une douceur de vivre particulière en été à l'ombre de ses arbres (« tes saules verts »). En transmettant la force interne de ses végétaux au poète, la nature lui inspire ainsi ses vers (« où je compose ») tandis que lui se fait le témoin de cette nature en la rendant éternelle grâce à ses poèmes.
À l'époque romantique, au XIXe siècle, la description de la nature est un miroir de l'état d'âme du poète.
« Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme !
Au gré des envieux, la foule loue et blâme ;
Vous me connaissez, vous ! – vous m'avez vu souvent,
Seul dans vos profondeurs, regardant et rêvant.
Vous le savez, la pierre où court un scarabée,
Une humble goutte d'eau de fleur en fleur tombée,
Un nuage, un oiseau, m'occupent tout un jour.
La contemplation m'emplit le cœur d'amour. »
Victor Hugo
Les Contemplations
1856
Le poète livre un véritable hymne à la nature dont il fait l'éloge. Il la remercie de son soutien et lui confie ses sentiments. La nature est la seule à le comprendre comme le suggère la répétition suivante : « vous connaissez mon âme » / « Vous me connaissez, vous ! ». L'utilisation de la deuxième personne permet une adresse directe et souligne l'intimité entre le poète et la nature. Les moindres détails de la nature (« goutte d'eau », « nuage », « oiseau ») sont ressentis par le poète comme des preuves d'amour.
Les poètes du XXe siècle chantent également les beautés de la nature. Ils jouent particulièrement avec les sonorités et tentent de reproduire le son des éléments naturels.
« L'entendez-vous, l'entendez-vous
Le menu flot sur les cailloux ?
Il passe et court et glisse
Et doucement dédie aux branches,
Qui sur son cours se penchent,
Sa chanson lisse. »
Émile Verhaeren
« Le Chant de l'eau », Les Blés mouvants
1912
Le poète commence par une question et attire l'attention du lecteur sur le « chant de l'eau ». Il reproduit la musicalité de son écoulement par l'utilisation de vers courts et irréguliers :
- vers 1 : octosyllabe (vers de 8 syllabes) ;
- vers 5 : heptasyllabe (vers de 7 syllabes) ;
- vers 6 : pentasyllabe (5 syllabes).
Le poète utilise également des allitérations en [t] et en [d], et des assonances en [ou], [u] et [i].
Une représentation négative de la nature
La nature peut également être décrite de façon plus négative : dans la Bible, déjà, la nature peut se rebeller contre l'homme. Elle paraît dangereuse à l'homme, notamment parce que les phénomènes naturels sont incontrôlables et terrifient les hommes.
Depuis toujours, la nature est source de peur et se rebelle contre l'homme qui cherche à en devenir le maître. La nature devient alors dangereuse, les hommes en ont peur. Dans la Genèse, la nature se rebelle contre l'homme pour le punir de ses mauvaises actions, de ses méchancetés. Dieu fait ainsi naître, au sein de la nature, un déluge engloutissant tout sur son passage.
Noé et les siens ont juste le temps de se mettre à l'abri dans l'arche avant que le déluge ne déverse ses eaux et leur force sur la terre.
« Les eaux grossirent et soulevèrent l'arche qui s'éleva au-dessus de la terre. Les eaux furent en crue, formèrent une masse énorme sur la terre, et l'arche dériva à la surface des eaux. La crue des eaux devint de plus en plus forte sur la terre, et sous toute l'étendue des cieux, toutes les montagnes les plus élevées furent recouvertes par une hauteur de quinze coudées. Avec la crue des eaux qui recouvrirent les montagnes, expira toute chair qui remuait sur la terre, oiseaux, bestiaux, bêtes sauvages, toutes les bestioles qui grouillaient sur la terre, et tout homme. »
« Le déluge », Genèse 7, 17-21, la Bible
La répétition du nom « eaux » ou du groupe nominal « la crue des eaux » et l'utilisation de nombreuses hyperboles (« grossirent », « une masse énorme », « de plus en plus forte », « les plus élevées ») montrent la force destructrice du déluge. L'eau engloutit tout sur son passage, des éléments les plus élevés et les plus solides comme les montagnes à tous les êtres vivants (« oiseaux, bestiaux, bêtes sauvages, bestioles, homme »). Le déluge anéantit toute vie sur terre tant la colère de Dieu est grande.
Les mythes de l'Antiquité reprennent également le thème de la colère de la nature pour rappeler aux hommes leur infériorité et leur impossible maîtrise de la nature.
Déméter, déesse des récoltes et des moissons, se promène avec sa fille, Perséphone, qu'elle aime plus que tout. Cette dernière veut cueillir un lys d'une beauté particulière. Son geste déclenche alors la colère de la terre qui se fissure dans un épouvantable vacarme : Perséphone se retrouve engloutie par la terre et est la prisonnière d'Hadès, le seigneur des Enfers et le maître du royaume des Morts.
L'homme connaît mal la nature : les océans sont immenses et mystérieux, certaines forêts sauvages abritent des animaux féroces. Il doit lutter pour réussir à vivre.
« Tout d'abord, de tout ce que domine l'immense mouvement du ciel, les montagnes et les forêts qu'habitent les bêtes sauvages ont conquis leur part avec avidité ; elles la partagent avec les rochers et les vastes marécages, avec la mer qui fait large séparation entre les rivages des divers continents. En outre, deux tiers à peu près du globe sont ravis aux mortels par des chaleurs torrides et par des glaces sans fin. Le reste du sol, la nature, par sa force propre, le remplirait de broussailles, si la force humaine ne luttait pour vivre, et gémissant sans relâche sous le poids de la houe, pesant sur la charrue, ne déchirait le sein de la terre. »
Lucrèce
De la nature des choses
Ier siècle av. J.-C.
La nature occupe tous ses droits sur terre, ses grands espaces comme ses bêtes sauvages. Pour y avoir une place, l'homme est contraint d'apprivoiser la nature, de lutter pour vivre et de cultiver son sol « sans relâche ». La nature semble dotée d'une force inégalable et renvoie l'homme à son côté minuscule.
L'homme peut ressentir de la crainte face à la nature quand cette dernière se déchaîne. En effet, la puissance de la nature dépasse celle de l'homme. Elle l'effraie, le menace. Surtout, les phénomènes naturels comme les tempêtes, les orages, les tremblements de terre ou encore les tsunamis terrifient les hommes.
Catherine Chabaud est une navigatrice française. Elle est la première femme à accomplir un tour du monde à la voile, en solitaire et sans escale.
« L'amplitude entre le sommet de la vague et le creux était de huit, neuf mètres, peut-être dix. Quand ça déferle, c'est très impressionnant parce que dans ces mers-là, comme la mer n'est arrêtée par aucune terre, l'amplitude est très importante et vous avez l'impression, dans les grosses tempêtes, que vous êtes à la montagne et que vous dévalez des pentes enneigées, car la mer est blanche de tous les côtés. [...] Et là, j'entends la déferlante arriver. Je me retourne et elle est là. Je la vois, elle est juste à côté, et je sais qu'elle va bousculer le bateau. Là, j'ai eu le réflexe de me cramponner au mât. La déferlante bascule le bateau. Je ne sais pas ce qui va se passer. […] C'est là que j'ai peur. Je me rends compte que je ne suis pas passée loin, que j'ai failli y rester. Je suis tellement tremblante que je rentre à quatre pattes en m'attachant. »
Catherine Chabaud
Tempêtes, témoignages de marins
© Éditions Laville, 2011
Dans son témoignage de navigatrice, l'auteure rend compte de sa peur qu'elle exprime explicitement : « c'est là que j'ai peur », « je suis tellement tremblante ». Les vagues sont impressionnantes, elle ne sait pas comment y faire face ni si elle va rester en vie.
Les artistes représentent également la nature comme une puissance dangereuse et destructrice.
Katsushika Hokusai, La Grande Vague de Kanagawa, 1830
© Flickr
En 1830, Hokusai peint La Grande Vague de Kanagawa. Il montre le déchaînement de la mer lors d'une tempête. L'immense vague représentée semble tout engloutir sur son passage, les bateaux humains semblent n'avoir aucune chance.
L'homme et la nature : une relation destructrice
Depuis les débuts de l'humanité, l'homme a cherché à contrôler la nature en l'exploitant. Toutefois, aujourd'hui, il comprend que même s'il a détruit la nature, il ne peut toujours pas la contrôler véritablement.
L'exploitation de la nature par l'homme
L'homme a toujours essayé de contrôler la nature. Tout a commencé par l'agriculture et l'élevage. L'homme a bâti des villages, des villes, des empires entiers, détruisant la nature. Les avancées techniques et technologiques éloignent l'homme de la nature et contribuent à sa destruction.
Si l'homme apprécie de regarder la nature et ses beautés, il a très rapidement éprouvé le souhait de la maîtriser, de la domestiquer en transformant ses étendues d'herbes et de bois, en terrains agricoles et constructibles. La campagne s'est ainsi retirée au profit de la construction des villes et de son développement.
Dès l'Antiquité, les villes se construisent en développant notamment trois formes d'habitation :
- Les palais impériaux : Suétone, dans La Vie des douze Césars, raconte la construction du palais de Néron, appelé « la Maison dorée », tant son étendue et sa splendeur sont remarquables.
- Les maisons particulières : on les appelle domus, elles sont destinées aux Romains aisés. Elles se constituent d'un jardin, d'une cour intérieure avec un bassin d'eau et de nombreuses pièces intérieures comme le vestibule, la boutique, la cour centrale avec le bassin d'eau, le bureau, la salle à manger, les couloirs, les chambres, etc.
- Les immeubles : ils sont souvent de mauvaises qualités et proposent des logements précaires appelés les insulae. Ce sont des bâtiments de six étages et hauts de plus de vingt mètres.
Au XIXe siècle, les révolutions industrielles transforment profondément les pays occidentaux. De nombreux écrivains décrivent les conséquences de ces révolutions sur l'environnement :
- Charles Dickens en Angleterre ;
- Émile Zola ou Balzac en France ;
- Fiodor Dostoïevski ou Léon Tolstoï en Russie.
« Un chemin creux s'enfonçait. Tout disparut. L'homme avait à sa droite une palissade, quelque mur de grosses planches fermant une voie ferrée ; tandis qu'un talus d'herbe s'élevait à gauche, surmonté de pignons confus, d'une vision de village aux toitures basses et uniformes. Il fit environ deux cent pas. Brusquement, à un coude du chemin, les feux reparurent près de lui, sans qu'il comprit davantage comment ils brûlaient si haut dans le ciel mort, pareils à des lunes fumeuses. Mais, au ras du sol, un autre spectacle venait de l'arrêter. C'était une masse lourde, un tas écrasé de constructions, d'où se dressait la silhouette d'une cheminée d'usine [...]. »
Émile Zola
Germinal
1885
Germinal est un roman sur le travail des mineurs. Le livre s'ouvre sur ce paysage désolé : la campagne a été totalement transformée par la construction des usines, ici liées aux mines. La nature a dû céder sa place à cet environnement industriel qui fait d'elle un lieu sombre, noir à cause de la fumée incessante des mines. Toute vie s'éteint dans ce « ciel mort » et ne subsiste qu'un seul « talus d'herbe ».
Ces changements inspirent également les artistes.
William Turner, Pluie, Vapeur et Vitesse – Le Grand Chemin de fer de l'Ouest, 1844
© National Gallery, London via Wikimedia Commons
Le tableau de William Turner, Pluie, Vapeur et Vitesse – Le Grand Chemin de fer de l'Ouest (1844), représente le passage d'une locomotive sur un pont qui enjambe la Tamise. La campagne est totalement noyée dans la brume de la locomotive et de la ville qui occupe une partie de son sol.
Dans sa toute-puissance, l'homme se croit maître de la nature. Il l'exploite au point de la détruire.
Joam Garral est un très riche propriétaire terrien qui vit en Amazonie. Il ordonne d'abattre de nombreux arbres.
« Il n'était pas un de ces arbres qui ne pût être employé à quelque ouvrage de force, charpente ou grosse menuiserie. [...] Trois semaines après le commencement des travaux, de ces arbres qui hérissaient l'angle du Nanay et de l'Amazone, il ne restait pas un seul debout. L'abattage avait été complet. […] »
Jules Verne
La Jangada. 800 lieues sur l'Amazone
1881
Les développements techniques et technologiques ne cessent de se multiplier. Les hommes s'éloignent de plus en plus de la nature, leur mode de vie est transformé. De nombreux écrivains décrivent cette évolution : ils racontent leur passé et le comparent à leur vie actuelle pour en montrer les conséquences sur l'environnement.
Tyemero vit dans un petit village africain. Il raconte la manière dont son peuple est passé d'un mode de vie traditionnelle à une existence plus moderne.
« Le village, naguère gouverné par les saisons, par le lever et le coucher du soleil, par le jour et la nuit, fut saisi par la hâte. Les ânes métalliques fracassaient son silence, corrompaient son souffle, meurtrissaient ses sentiers. De plus en plus d'objets brutaux se mêlaient à la tranquillité de nos jours, changeaient la cadence de notre respiration. Semblables à des tambours à la peau déchirée, même les battements de nos cœurs n'étaient plus les mêmes. […] Chaque jour, nous allions regarder les haricots de la parcelle. Au bout de quelque temps, nous avons reconnu que cette parcelle n'était pas comme les autres, les plantes y étaient plus vigoureuses. Au moment de la récolte, tout le village s'émerveilla car la parcelle nourrie de poudre avait nourri deux fois plus. Les jeunes étaient encore bien plus heureux que leurs parents et nous ont expliqué que cette nourriture de la terre faite par les Blancs allait permettre au village d'être riche. »
Pierre Rabhi
Parole de terre. Une initiation africaine
© Albin Michel, 1996
Pierre Rabhi explique comment la machine agricole présentée par la métaphore « Les ânes métalliques » remplace les mains de l'homme. De même, les engrais, la « poudre » qui semble miraculeuse aux villageois, modifient totalement la façon de cultiver. Le rapport à la terre est alors soumis à un productivisme placé sous le signe de l'empressement (« la hâte ») et de l'argent (« d'être riche »). Ce développement moderne des techniques agricoles ne respecte pas l'environnement, ne préserve pas les ressources naturelles tant il est source de pollution, ne respecte pas le rythme naturel du temps « gouverné par les saisons, par le lever et le coucher du soleil, par le jour et la nuit ».
L'impossible maîtrise de la nature
L'être humain ne maîtrise pas réellement la nature. En littérature, certains écrivains ont cherché à mettre en garde l'homme contre cette hubris. Dans la science-fiction, de nombreux auteurs mettent en garde contre les conséquences de la destruction de la nature et la possibilité qu'elle reprenne ses droits.
Aujourd'hui, face à la crise écologique sans précédent à laquelle l'homme assiste, il comprend qu'il a détruit la nature. Pourtant, il ne la maîtrise pas : en effet, les actions de l'homme sur la nature ont des conséquences, et la nature reprend ses droits, parfois de façon violente. La multiplication des catastrophes climatiques ces dernières années en est un exemple. L'homme fait preuve de prétention à croire qu'il peut être maître de la nature, la dominer, pouvoir lutter contre le déchaînement de ses éléments. C'est ce que l'on appelle l'« hubris ».
Hubris
L'hubris (ou l'hybris) est un mot grec qui désigne le caractère excessif des passions humaines comme la démesure ou l'orgueil. L'homme qui tente de se mesurer à un dieu et se compare à lui fait preuve d'hubris.
En littérature, de nombreux auteurs ont écrit pour mettre l'homme en garde. Il ne doit pas se croire maître de la nature et il doit être respectueux de la nature. À partir du XIXe siècle, on trouve de plus en plus de récits dans lesquels la fiction est utilisée pour faire réfléchir l'homme. Les récits d'anticipation projettent le lecteur dans un futur inquiétant, où la nature est détruite.
Dans son roman d'anticipation, L'Héritage d'Anna (2015), Jostein Gaarder alerte sur les risques écologiques. Il imagine l'histoire d'une petite fille, Anna, qui se rend compte du changement climatique et naturel par la mort des rennes qu'elle constate dans les plaines enneigées de Norvège. Dans ses rêves, elle devient Nova et vit en 2082 : elle réagit et se bat contre la disparition d'espèces qu'elle voit mourir sous ses yeux, le recul des glaciers, l'accélération de la fonte des neiges.
Dans certains récits d'anticipation, les écrivains imaginent que la nature va reprendre ses droits.
Dans son récit, La Peste écarlate (1924), Jack London raconte comment après une terrible épidémie surnommée « la peste écarlate » qui a tout ravagé en 2013 (terre et hommes), le monde est revenu, en 2073, à l'état de nature sauvage : la nature reprend ses droits et permet aux hommes de reprendre vie à condition de respecter leur milieu environnemental.
L'homme et la nature : une relation complice
La littérature montre que l'homme entretient une relation complice avec la nature. L'homme considère la nature comme un refuge apaisant et souhaite vivre au plus près d'elle, utiliser intelligemment ses ressources. Attaché à la nature, l'homme cherche à la défendre et à la préserver.
Vivre au contact de la nature
En littérature, on trouve de nombreux exemples de récits d'écrivains qui ont vécu proches de la nature. Ils défendent un mode de vie plus simple, au contact de la faune et de la flore. Ils prônent une utilisation raisonnée des ressources naturelles.
La nature est un refuge apaisant et sûr. Des hommes souhaitent vivre au plus près d'elle. Pour eux, l'essentiel est là, à portée de la main : vivre dans la nature et se nourrir de ce qu'elle apporte permet une vie plus sereine, plus respectueuse de l'environnement.
Henry David Thoreau publie un récit autobiographique intitulé Walden ou la Vie dans les bois en 1854. Il y détaille les deux années qu'il a vécues dans les bois, près du lac Walden, dans une cabane qu'il a lui-même construite. Il a expérimenté une vie plus proche de la nature en se contentant de ce qu'elle lui offrait. Il plante quelques haricots mais mange des plantes : l'ambroisie, l'amarante, l'oseille et le chiendent. Il travaille au rythme du jour et de la nuit et des saisons : la pluie, le soleil sont ses seuls guides.
De nombreux écrivains valorisent la nature et la richesse de ses ressources, notamment au XIXe siècle alors que les avancées techniques et technologiques sont très importantes.
En 1866, Le professeur Aronnax est prisonnier du sous-marin appelé Nautilus. Le capitaine Nemo lui raconte le fonctionnement du Nautilus et sa découverte de l'électricité :
« — Vous connaissez la composition de l'eau de mer. Sur mille grammes on trouve quatre-vingt-seize centièmes et demi d'eau, et deux centièmes deux tiers environ de chlorure de sodium. […] c'est ce sodium que j'extrais de l'eau de mer et dont je compose mes éléments. [...] Le sodium seul se consomme, et la mer me le fournit elle-même. […] Je dois tout à l'Océan ; il produit l'électricité qui donne au Nautilus la chaleur, la lumière, le mouvement, la vie en un mot. »
Jules Verne
Vingt mille lieues sous les mers
1869-1870
Par l'intermédiaire de son personnage, Jules Verne montre comment il est possible de se servir des ressources naturelles, ici le sodium de l'eau de mer, pour fabriquer de l'électricité. La nature offre des richesses qui soutiennent les avancées techniques et technologiques.
Au XXe siècle, des écrivains montrent comment il est possible de porter secours à la nature, de l'aider, de s'occuper d'elle afin qu'elle ne dépérisse pas.
Le narrateur effectue une randonnée dans les Alpes de Haute-Provence, en 1913. Il y rencontre un vieux berger, Elzéard Bouffier, qui consacre sa vie à planter des arbres dans cette région désertique.
« Depuis trois ans il plantait des arbres dans cette solitude. Il en avait planté cent mille. Sur les cent mille, vingt mille étaient sortis. Sur ces vingt mille, il comptait encore en perdre la moitié, du fait des rongeurs ou de tout ce qu'il y a d'impossible à prévoir dans les desseins de la Providence. Restaient dix mille chênes qui allaient pousser dans cet endroit où il n'y avait rien auparavant. […]
Je lui dis que, dans trente ans, ces dix mille chênes seraient magnifiques. Il me répondit très simplement que, si Dieu lui prêtait vie, dans trente ans, il en aurait planté tellement d'autres que ces dix mille seraient comme une goutte d'eau dans la mer. »
Jean Giono
L'Homme qui plantait des arbres
© Vogue, 1954
Elzéard Bouffier dévoue sa vie à la nature. Il plante énormément d'arbres comme le soulignent les chiffres et leur constante progression : « cent mille ; vingt mille ; tellement d'autres ». Ce berger prend soin de la nature et protège son environnement.
Défendre la nature
La littérature est un moyen pour défendre la nature : de nombreux écrivains et penseurs prennent position pour la protéger et la défendre.
Des auteurs dénoncent la situation climatique actuelle.
« […] tout indique que la machine du dérèglement climatique est déjà à l'œuvre. […] Plusieurs stimulations ont montré que si le réchauffement de la Terre atteignait les 2 °C, le nombre annuel de jours très chauds dans les zones méditerranéennes, notamment en France et en Espagne, augmenterait de 200 % à 500 % (soit soixante-cinq jours de plus par an), avec des températures similaires, voire supérieures, à celles de la canicule de 2003 (ayant causé 15 000 morts en France). Dans le même temps, la fréquence et l'intensité des tempêtes et cyclones n'ont cessé de croître sur tous les continents, comme au Bangladesh […]. Quant au niveau des mers, il augmente beaucoup plus vite que ne l'avaient prévu les experts, qui en 2001 tablaient sur une augmentation moyenne d'environ 2 mm par an, alors qu'elle fut de 3,2 mm en 2013. Cette élévation est due à la fonte des calottes glaciaires de l'Antarctique et du Groenland, ainsi que des glaciers de montagne s'avère beaucoup plus rapide que prévu. »
Texte de Marie-Monique Robin sur le réchauffement climatique
© http ://www.arte.tv/sites/robin/, 2015
Auteure, journaliste et documentariste engagée, Marie-Monique Robin alerte sur les dangers de plus en plus grands qui touchent la planète et qui la détruisent. Elle rédige ici un texte argumentatif en donnant différents arguments pour montrer que la planète est en danger : le réchauffement climatique, « la fréquence et l'intensité des tempêtes et cyclones », l'augmentation du niveau de la mer. Elle illustre son propos par des exemples précis (phénomènes et pays cités, chiffres donnés).
La littérature alerte sur les dangers que subit la nature et propose des solutions. Certains écrivains cherchent ainsi à montrer qu'il existe des solutions, que l'homme peut agir et faire en sorte que la situation s'améliore.
« Il y a deux ans, nos parents ont décidé d'obtenir le label Maison verte qui, selon la nouvelle directive gouvernementale, leur octroierait 50 % de réduction sur leurs impôts locaux et jusqu'à 65 % sur la taxe d'habitation. […] Papa et maman ont beaucoup investi ces deux dernières années : une chaudière à granulés à bois, des panneaux solaires sur le toit du garage, un système de récupération des eaux qui permet non seulement d'arroser le potager bio mais aussi d'alimenter la salle de bains et le lavabo de la cuisine, une douche à débit limité, du double vitrage à toutes les fenêtres et une isolation complète des combles en laine de chanvre. […] Avec les économies qu'ils feront sur les impôts quand on aura le label Maison verte, mes parents comptent acheter une voiture électrique, ce qui nous éviterait de prendre le car pour aller à la gare TGV quand on part en vacances. »
Mikaël Ollivier
« La Maison verte », Nouvelles re-vertes
© Thierry Magnier, 2008
Dans cette nouvelle, Mikaël Ollivier cherche à sensibiliser les plus jeunes sur les bons gestes à adopter pour défendre et préserver la nature. L'auteur donne l'exemple d'une famille qui a tout mis en œuvre pour respecter la nature : faire des économies d'énergie, réduire la consommation d'eau, revoir le mode de chauffage de leur maison. La famille obtient un label qui leur permet à la fois d'afficher leur engagement pour la protection de la planète et d'obtenir officiellement des aides pour poursuivre leur projet.