Sommaire
ILe réalismeALe contexte historique de la formation du réalisme1Le succès de la littérature réaliste2Honoré de Balzac et Stendhal3Le réalisme en peintureBLes caractéristiques de l'écriture réaliste1L'art du portrait2La description des lieux et des détails3Les techniques de narration réalistesCLes thèmes du réalisme1La vie réelle2Les défauts de l'être humainIILe naturalismeALa formation du naturalisme1Le contexte de la réussite du naturalisme2Le fondateur du naturalisme : Émile Zola3Le naturalisme en peintureBLes caractéristiques du naturalisme1La recherche de la précision scientifique2Les techniques littéraires du naturalismeCLes thèmes du naturalisme1La modernité2La misère humaineLe réalisme
Le contexte historique de la formation du réalisme
Le succès de la littérature réaliste
Honoré de Balzac et Stendhal
Balzac et Stendhal sont considérés comme les pères du mouvement réaliste. Ils abandonnent l'idéalisation et l'emphase du roman romantique et évoquent la société par le récit de l'existence d'un personnage en particulier. Celui-ci donne une dimension humaine au récit. Son histoire devient un exemple dans l'observation du fonctionnement de la société.
Eugénie Grandet est un roman de Balzac publié en 1834, qui narre les aventures de la famille Grandet, sur fond de révolution de Juillet. Le roman fait partie de la grande série de Balzac, La Comédie humaine, qui comprend cent trente-cinq œuvres réalistes relatant les histoires de personnages qui reviennent au fil des romans et des nouvelles (comme Rastignac ou le père Grandet par exemple).
Stendhal propose surtout une observation d'une tranche de vie à un moment et à un endroit précis du monde. Il recherche l'exactitude et la vraisemblance des faits relatés.
Un roman est un miroir qu'on promène sur une grande route.
Stendhal
Le Rouge et le Noir
1830
Cette citation justifie la définition donnée par Stendhal du réalisme. Elle insiste sur la ressemblance quasi symétrique entre le monde réel qui inspire le romancier réaliste et celui qui est décrit dans l'œuvre.
Balzac, de son côté, s'intéresse davantage à représenter les liens qui organisent de manière logique et raisonnée les événements et les personnes. Dans l'avant-propos de La Comédie humaine, il insiste sur sa volonté de "faire concurrence à l'État Civil". Selon lui, un roman doit présenter un réseau de personnages à l'image de la société humaine, dans toute son étendue et toutes ses disparités.
Le réalisme en peinture
Tandis que les romanciers réalistes commencent à faire paraître leurs œuvres, le réalisme s'invite également dans la peinture.
Le mouvement réaliste en peinture tend à rompre avec les usages de l'académisme : il évacue les sujets mythologiques et religieux pour représenter le peuple, parfois en grands formats. Ce mouvement manifeste également une volonté de ne pas tromper le spectateur sur la nature de ce qu'il voit : les touches de pinceau sont visibles. L'objet représenté n'est qu'une représentation.
En représentant Un enterrement à Ornans, le peintre Gustave Courbet suscite la colère de la critique officielle. En effet, il a osé représenter en très grand format une scène quotidienne dans son village natal, celle de l'enterrement d'un homme qui n'est pas célèbre.
Les caractéristiques de l'écriture réaliste
L'art du portrait
Le roman réaliste s'attache aux destins de certains personnages en particulier. Afin de bien se familiariser avec ces personnages, le narrateur dresse leur portrait. Celui-ci se compose traditionnellement de trois parties : le portrait physique, le portrait moral et le portrait social.
Le portrait a essentiellement pour objectif de donner davantage de profondeur au récit. Il est là pour expliquer l'action, ou bien l'anticiper. En conséquence, une grande place est accordée à la dimension morale du portrait. Le portrait physique et le portrait social sont en lien avec celui-ci.
Âgée d'environ cinquante ans, madame Vauquer ressemble à toutes les femmes qui ont eu des malheurs. Elle a l'œil vitreux, l'air innocent d'une entremetteuse qui va se gendarmer pour se faire payer plus cher […]. Néanmoins, elle est bonne femme disent les pensionnaires, qui la croient sans fortune en l'entendant geindre et tousser comme eux.
Honoré de Balzac
Le Père Goriot
1834
Cette citation est un portrait critique de madame Vauquer. Ce portrait initial esquisse la personnalité de cette femme, en lien avec son histoire personnelle et sa position sociale. Par la suite, ce portrait se verra confirmé par les actions de ce personnage, à la fois austère avec sa clientèle mais aussi charitable par moments.
La description des lieux et des détails
La description a cinq fonctions :
- La fonction documentaire, qui informe objectivement le lecteur sur un endroit ou un personnage.
- La fonction réaliste, qui s'attache à décrire les détails pour augmenter l'effet de réel.
- La fonction narrative, qui explique les outils indispensables à la compréhension de l'histoire.
- La fonction symbolique, qui se réfère à la personnalité d'un personnage ou l'image d'un lieu.
- La fonction argumentative, qui intervient comme une preuve dans le récit.
Afin de s'inscrire dans la réalité, l'auteur réaliste décrit avec précision des lieux connus par le lecteur ou qu'il peut facilement imaginer. La description sert à renforcer ce que l'on appelle l'effet de réel.
La façade de la pension donne sur un jardinet, en sorte que la maison tombe à angle droit sur la rue Neuve-Sainte-Geneviève, où vous la voyez coupée dans sa profondeur. Le long de cette façade, entre la maison et le jardinet, règne un cailloutis en cuvette, large d'une toise, devant lequel est une allée sablée, bordée de géraniums, de lauriers roses et de grenadiers plantés dans de grands vases en faïence bleue et blanche. On entre dans cette allée par une porte bâtarde surmontée d'un écriteau sur lequel on lit : MAISON VAUQUER.
Honoré de Balzac
Le Père Goriot
1834
Cette citation propose une description qui remplit des fonctions documentaires, réalistes, narratives et symboliques.
Parfois, un détail sans importance est décrit, afin de rendre la scène d'autant plus authentique (en effet, dans la réalité, tout ce qu'on voit n'a pas forcément une importance capitale dans ce qu'on vit). Cela amplifie l'effet de réel.
La cheminée en pierre, dont le foyer toujours propre atteste qu'il ne s'y fait de feu que dans les grandes occasions, est ornée de deux vases pleins de fleurs artificielles, vieillies et encagées, qui accompagnent une pendule en marbre bleuâtre du plus mauvais goût.
Honoré de Balzac
Le Père Goriot
1834
Dans cette description, les deux vases n'ont aucune fonction descriptive. Toutefois, l'auteur les mentionne car la cheminée ne peut pas, selon toute logique, être vide de décoration.
Les techniques de narration réalistes
Les récits réalistes utilisent souvent les mêmes procédés :
- Ils sont généralement sous la forme de romans ou de nouvelle : la forme en prose laisse plus de liberté pour refléter au mieux la réalité.
- L'omniprésence de nombreux détails issus de la vie quotidienne, qui renforcent l'effet de réel.
- Le discours direct est utilisé.
- La focalisation interne ou la focalisation zéro sont les plus utilisées.
Les thèmes du réalisme
La vie réelle
Comme l'indique son nom, les romans et les nouvelles réalistes s'inspirent de la vie réelle.
Ah ! Sachez-le : ce drame n'est ni une fiction, ni un roman. All is true, il est si véritable, que chacun peut en reconnaître les éléments chez soi, dans son cœur peut-être.
Honoré de Balzac
Le Père Goriot
1834
Cette citation s'adresse directement au lecteur. Elle montre que le roman réaliste se veut ancré dans la vie quotidienne.
Parfois, certains ouvrages sont même inspirés de faits divers.
Le Rouge et le Noir, sous-titré "Chronique du XIXe siècle", est un roman de Stendhal, publié en 1830, qui s'inspire largement de l'affaire Berthet (1827).
Il faut faire attention à ne pas confondre réalisme et réalité : si les histoires ou certains détails sont inspirés de la vie réelle, les récits sortent le plus souvent de l'imagination de l'auteur. Quand bien même les faits auraient été réels, l'histoire est toujours romancée afin de satisfaire le lecteur.
Si Le Rouge et le Noir de Stendhal s'inspire bien d'un fait réel, le récit diffère de la réalité. Ainsi, le jeune Berthet n'a pas été secrétaire d'un marquis et n'avait pas pour projet d'épouser la fille de son nouveau patron.
Les défauts de l'être humain
Le réalisme s'intéresse beaucoup aux défauts humains.
Dans "La Parure", nouvelle publiée en 1884, Guy de Maupassant dénonce le désir excessif de Mathilde Loisel pour l'argent et la gloire.
Elle fut simple, ne pouvant être parée, mais malheureuse comme une déclassée. Elle souffrait sans cesse, se sentant née pour toutes les délicatesses et tous les luxes.
Guy de Maupassant
"La Parure"
1884
Cette citation, qui est un discours indirect libre, montre les pensées du personnage.
Les auteurs réalistes se sont ainsi beaucoup intéressés à la vanité.
Dans Madame Bovary, roman de Gustave Flaubert publié en 1857, on suit la vie plate d'Emma, une provinciale, qui vit par procuration en rêvant de Paris. Elle lit des romans romantiques ou historiques et rêve de gloire, de fortune, et surtout d'amour.
Elle s'acheta un plan de Paris, et, du bout de son doigt, sur la carte, elle faisait des courses dans la capitale. Elle remontait les boulevards, s'arrêtant à chaque angle, entre les lignes des rues, devant les carrés blancs qui figurent les maisons.
Gustave Flaubert
Madame Bovary
1857
Cette citation montre la tendance de cette héroïne à vivre dans ses rêves.
Le naturalisme
La formation du naturalisme
Le contexte de la réussite du naturalisme
En cette fin du XIXe siècle, la science a progressé. De nombreuses découvertes ont été réalisées, notamment en médecine. Les hommes ont foi dans le progrès. Ils estiment pour beaucoup que la science peut tout expliquer, qu'elle améliore le genre humain. C'est le positivisme.
Par ailleurs, la fin du siècle connaît l'apparition de la sociologie. En effet, les progrès scientifiques poussent à établir une méthode d'observation et de classification animale (travaux de Cuvier, de Claude Bernard) que certains veulent transposer aux hommes pour définir des types humains.
Dans Germinal d'Émile Zola, l'auteur nous dépeint la vie d'un bassin minier au XIXe siècle. Lors des pauses descriptives, l'auteur dessine avec une grande précision les caractéristiques de ce groupe professionnel.
Le fondateur du naturalisme : Émile Zola
Contrairement au réalisme, le naturalisme est le fruit de la réflexion d'un petit groupe d'auteurs. Ceux-ci se sont réunis et ont instauré des règles. On parle d’école naturaliste.
École
Une école est une théorie ou un ensemble d'idées défendues par un groupe de personnes. Par extension, ce mot désigne également les membres de ce groupe.
Huysmans appartient à l'école naturaliste.
Très vite dans sa carrière littéraire, sous l'enthousiasme de ses lectures en physiologie, Zola se décide à composer "l'histoire d'une famille naturelle et sociale sous le Second Empire" : Les Rougon-Macquart. Ses romans reçoivent autant de succès que de critiques. Zola, qui fréquentait déjà les salons et rencontrait depuis longtemps ses confrères écrivains (Flaubert, Daudet, Huysmans…), achète une propriété à l'ouest de Paris et invite certains de ses amis lettrés à se réunir régulièrement pour échanger autour de leurs productions. Ce sont les soirées de Médan, dont un recueil paraît en 1880. Celui-ci propose, outre une nouvelle de Zola, des nouvelles de Joris Karl Huysmans et de Guy de Maupassant.
De manière simultanée, Zola compose de nombreux articles et met en pratique ses théories littéraires dans Le Roman expérimental, qui paraît en 1880.
Ces romanciers recherchent avant tout l'authenticité, la représentation la plus exacte possible de la réalité. Ils organisent de façon logique les éléments décrits et racontés dans le roman.
Le naturalisme, dans les lettres, c'est également le retour à la nature et à l'homme, l'observation directe, l'anatomie exacte, l'acceptation et la peinture de ce qui est.
Émile Zola
"Face aux romantiques"
1866
Cette citation définit les objectifs de l'école naturaliste.
Le naturalisme en peinture
Le naturalisme se retrouve également en peinture. Les peintres naturalistes utilisent le même genre de techniques que les peintres réalistes, mais s'attachent à peindre des types de sociétés. Un des chefs de file du courant est Jean-François Millet, qui s'intéresse particulièrement au monde paysan.
L'Angelus de Jean François Millet, exposé au Musée d'Orsay à Paris, est une œuvre naturaliste.
Les caractéristiques du naturalisme
La recherche de la précision scientifique
Les sciences progressent par l'expérimentation. Une expérience se réalise selon un protocole (qui maîtrise le contexte, les éléments constitutifs de l'expérience), ses résultats s'observent selon des critères de recherche et le scientifique en déduit des certitudes grâce à des rapprochements d'ordre logique.
De même, les auteurs naturalistes instaurent dans leur roman :
- Un protocole d'expérimentation : le cadre spatio-temporel, mais aussi socioprofessionnel, sont clairement définis. Pour cela, l'auteur se documente, prend des notes. Il transpose un univers réel sur le papier.
- Des résultats observés : les personnages principaux évoluent au fil, jusqu'à atteindre un état final observé sous tous ses aspects. Le narrateur détaille chaque étape dans l'évolution : les personnages sont décrits longuement, dans des portraits autant physiques que moraux.
Pour écrire Le Ventre de Paris, Émile Zola s'est déplacé plusieurs jours aux Halles de Paris. Là, il a pris des notes descriptives sur les éléments qui les composent, il a réalisé des schémas. Tous ces travaux ont été publiés après sa mort dans des Carnets d'enquête.
Les techniques littéraires du naturalisme
Au niveau littéraire, on reconnaît le naturalisme par :
- L'omniprésence de la description
- La présence de nombreux détails scientifiques ou sociologiques
- La focalisation interne, qui permet au lecteur de se sentir acteur de l'histoire.
- Le discours indirect libre, grâce auquel l'auteur s'approprie les paroles du personnage : il y a donc un rapport plus direct avec le lecteur.
Les thèmes du naturalisme
La modernité
Les auteurs naturalistes entendent raconter des événements dans un cadre spatio-temporel courant. Celui-ci est donc récent. Ainsi, leurs descriptions laissent une place nouvelle à la modernité.
La Bête humaine, roman d'Émile Zola publié en 1890, a pour thème les réseaux ferroviaires, qui sont signes de modernité à l'époque.
La misère humaine
Les thèmes de la pauvreté, de l'alcoolisme, de la prostitution ou des maladies héréditaires sont courants dans les récits naturalistes. Pour cette raison, le mouvement a été confronté à de nombreux détracteurs. Ceux-ci ont reproché aux romanciers naturalistes d'écrire sur le bas-peuple et de se complaire dans des thèmes qualifiés d'orduriers. Le journaliste Ferragus a notamment écrit un article resté célèbre, "La Littérature putride", dans lequel il fustige ce mouvement.
Toutefois, le lectorat a reconnu toutes les qualités de ces œuvres, comprenant que celles-ci donnaient la parole à une part de la société d'ordinaire mise à l'écart.
L'Assommoir, roman d'Émile Zola d'abord publié en feuilletons dès 1876, puis en livre en 1877, raconte l'histoire de Gervaise, Lantier et Coupeau, tous trois en proie à l'alcoolisme.