Sommaire
IL'émergence de la notion de développement durableAOrigine et paradigme du concept de développement durable1Du rapport Meadows au Sommet de la Terre et à l'Agenda 212Les trois piliers du développement durable3Une approche du développement renouveléeBLa base productive ou les capitaux de développementIILa croissance économique et la préservation de l'environnementALes limites écologiques de la croissance actuelle1Le défi démographique2L'érosion de la biodiversité et l'épuisement des ressourcesBLa question d'une soutenabilité faible ou forte1Des capitaux de développement substituables ou complémentaires ?2La soutenabilité faible et la courbe environnementale de Kuznets3La soutenabilité forte et le "capital naturel critique"IIILes politiques climatiques : un exemple de politique de développement durableALe réchauffement climatique et la question des biens communsBLes outils de la politique climatique1La règlementation2La taxation3Le marché des quotas d'émissionIVSchéma-bilan sur l'économie du développement durableL'émergence de la notion de développement durable
Développement durable
Le développement durable se définit comme "le développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs" d'après le rapport Brundtland.
Origine et paradigme du concept de développement durable
Du rapport Meadows au Sommet de la Terre et à l'Agenda 21
La première dénonciation des risques environnementaux de la croissance provient du Club de Rome et de son rapport Meadows, intitulé "Halte à la croissance" (1972). En 1987, la Commission mondiale sur l'environnement et le développement publie le rapport Brundtland et donne naissance au concept de développement durable. La définition du développement durable sera par la suite formalisée dans "l'Agenda 21", adopté par les 178 pays participants au premier Sommet de la Terre à Rio en 1992.
Le développement durable est désormais l'objectif à suivre pour les institutions internationales, les pouvoirs publics et les agents économiques, notamment les entreprises dans le cadre des démarches dites de RSE (Responsabilité sociale et environnementale).
Les trois piliers du développement durable
Le concept de développement durable introduit ainsi l'idée d'une croissance économique "soutenable" (sustainable en anglais) qui ne mettrait pas en danger le bien-être futur des populations et préserverait les capacités de régénération de l'environnement tout en satisfaisant les besoins de chaque génération.
Le concept de développement durable aborde à la fois des questions liées à la répartition des fruits de la croissance puisque la primauté des besoins des plus démunis est mise en avant et la prise en compte des besoins des générations futures pour orienter voire limiter la croissance actuelle.
Le développement durable repose ainsi sur trois dimensions appelés les piliers du développement durable :
- Une dimension économique : le développement durable suppose une croissance qui permet d'améliorer le niveau de vie des populations actuelles et futures. Il consiste à encourager une évolution de la production et de la consommation vers des activités économes en ressources naturelles, à favoriser un progrès technique qui tienne compte des limites écologiques de la planète (meilleure utilisation de l'énergie, mise en place d'une agriculture productive et d'une industrie efficiente).
- Une dimension sociale : les progrès économiques doivent s'accompagner d'un développement humain qui permet aux populations, notamment les plus défavorisées, d'accéder à l'éducation, la santé, de posséder un logement et un emploi. Il consiste à mettre en place une fiscalité redistributive pour atténuer les inégalités de développement, ainsi qu'à favoriser le commerce équitable et éthique.
- Une dimension environnementale : cette croissance et cette forme de développement doivent être écologiquement soutenables, c'est-à-dire permettre la protection des ressources naturelles, de la faune et de la flore. Cela consiste notamment à trouver des modalités de développement qui préservent l'environnement (développement des énergies renouvelables, réduction des émissions de gaz à effet de serre, mis en place d'une agriculture raisonnée et d'industries non polluantes).
La croissance est donc considérée comme soutenable lorsqu'elle permet de léguer aux générations futures un même niveau de bien-être ou un niveau supérieur à celui dont nous disposons.
Une approche du développement renouvelée
L'analyse économique du développement durable met l'accent sur la préservation des possibilités de développement futur. Cette approche renouvelle profondément l'analyse classique du développement.
- Dans une approche classique, le développement est saisi à partir de la richesse créée chaque année et mesurée par le PIB (mesure de flux).
- Dans une approche de développement durable, au contraire, l'accent est mis sur la préservation des possibilités de développement futur et donc sur la variation des ressources épuisables qu'il faut préserver (mesure de stock).
La notion de développement durable amène donc à une autre définition du développement, qui tient compte de facteurs sociaux et écologiques (préservation des ressources, éducation et santé des populations, inégalités, etc.) comme le souligne par exemple le rapport de la "Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social" présidée par le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz en 2009.
La base productive ou les capitaux de développement
Dans son rapport "Inclusive Wealth 2012", le programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) propose un cadre pour analyser le développement durable. Il se réfère aux différents capitaux qu'un pays est en capacité d'accumuler pour assurer le bien-être de la population, ce que les auteurs appellent la base productive.
L'analyse économique du développement soutenable élargit la notion de "capital productif" et adopte une approche patrimoniale (c'est-à-dire en termes de stocks et pas seulement de flux) dans laquelle sont pris en compte différents types de capitaux :
- Le capital physique
- Le capital naturel
- Le capital humain
- Le capital social et institutionnel
Ces différents types de capitaux contribuent au bien-être de la population et au développement humain.
Capital physique
Le capital productif ou physique correspond au capital reproductible ou manufacturé (bâtiments, machines, infrastructures, etc.). C'est le stock de biens durables mis à la disposition d'une collectivité pour produire des biens et services satisfaisant les besoins et améliorant le bien-être.
Capital naturel
Le capital naturel désigne l'ensemble des ressources naturelles renouvelables et non renouvelables (minerais, forêts, terres arables, ressources halieutiques...) utilisées dans le cadre du processus de production.
Capital humain
Le capital humain désigne l'ensemble des compétences et connaissances qui rendent les individus productifs, et leur permettent d'obtenir un certain niveau de revenu. Les investissements en formation, les dépenses publiques et privées d'éducation et de santé sont ainsi considérés comme des investissements en capital humain.
Capital institutionnel
Le capital institutionnel regroupe les mesures politiques, juridiques et institutionnelles qui permettent l'augmentation de la production et/ou le bien-être de la population.
La croissance économique et la préservation de l'environnement
Les limites écologiques de la croissance actuelle
La croissance économique désigne une augmentation de la production de biens et services. Elle se fonde sur la consommation de capital, et notamment la destruction de capital naturel. En épuisant les ressources naturelles, mais aussi en polluant l'environnement, la croissance peut réduire les différents stocks de capitaux disponibles et menacer l'équilibre des écosystèmes. Pour mesurer le développement et sa soutenabilité, il faut donc s'intéresser au niveau des stocks de capitaux, ainsi qu'à la gestion des externalités négatives provoquées par la croissance économique. C'est la problématique écologique de la croissance.
Le défi démographique
La population mondiale est passée de 2,5 à 7 milliards d'habitants entre 1950 et 2015. Elle est désormais confrontée aux limites du système de production agroalimentaire mondial. Selon la FAO il faudra d'ici 2030 augmenter la production alimentaire mondiale d'environ 1 milliard de tonnes. L'agriculture productiviste a cependant des conséquences négatives sur l'environnement, car elle est très polluante (utilisation des engrais, problématique des OGM, déforestation des fronts-pionniers). L'irrigation des terres se heurte à la rareté croissante de l'eau (désertification). Les écosystèmes marins sont aussi confrontés à un épuisement croissant des ressources halieutiques (surpêche).
L'érosion de la biodiversité et l'épuisement des ressources
La durabilité de la biodiversité est compromise à la fois par l'anthropisation de nouveaux espaces et la dégradation des espaces utilisés (urbain ou ruraux). La faune et la flore sont cependant une condition essentielle de la vie humaine. La biodiversité terrestre est en diminution (selon WWF 15 à 30% des espèces terrestre seraient ainsi menacées de disparition d'ici 2050). La biodiversité est dans le même temps à la base de nombreuses activités productives (agriculture, pharmaceutique, chimie) sa diminution menace sur le long terme à la fois la production et l'innovation technique ou scientifique.
Par-delà le problème de la biodiversité se pose aussi celui de l'épuisement des ressources nécessaires à la vie quotidienne et à la production comme le pétrole ou le charbon, encore très utilisés dans certains pays.
Cela amène une pollution environnementale. La pollution des sols (engrais chimiques, déchets) de l'air (gaz à effet de serre) de l'eau et des mers (rejets toxiques), imprègne les écosystèmes et altère de plus en plus la santé. Le traitement des déchets entraîne à la fois une altération des écosystèmes et des problèmes d'ordre biologique (par exemple l'augmentation des allergies).
La question d'une soutenabilité faible ou forte
Des capitaux de développement substituables ou complémentaires ?
Le développement durable envisagé dans une perspective économique repose sur l'interaction des différentes formes de capitaux de développement (physique, naturel, institutionnel, humain). Cependant la constatation des limites écologiques de la croissance a entraîné de nombreux débats sur la nature de ces capitaux et leur utilisation. Deux questions se posent :
- Dans quelle mesure ces capitaux sont-ils substituables (peut-on poursuivre le développement en compensant la diminution de l'un par l'augmentation de l'autre) ?
- Dans quelle mesure le capital naturel est-il définitivement menacé par l'utilisation des ressources actuelles ?
De nos jours, différentes conceptions s'opposent sur ce sujet. Certains économistes pensent que les capitaux de développement sont substituables, c'est-à-dire que l'on peut dans le processus de production remplacer l'un par l'autre. D'autres pensent au contraire que ces capitaux sont complémentaires, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent pas se compenser mais sont également nécessaires. De cette opposition résulte deux conceptions différentes de la soutenabilité du développement :
- La soutenabilité faible
- La soutenabilité forte
La soutenabilité faible et la courbe environnementale de Kuznets
La soutenabilité faible est la conception dominante en économie et dans les organisations internationales. Elle a été présentée par Pearce et Atkinson Pearce, dans un article intitulé "mesurer le développement durable" (1993). Elle repose sur l'hypothèse que les capitaux naturels et les autres formes de capitaux sont substituables. Il faut donc maintenir un stock de capital global : le capital naturel peut diminuer mais il faut une compensation avec les autres formes de capitaux (capital physique ou humain).
Le développement sera donc durable si une génération est capable de transmettre à la génération suivante un stock de capital au moins égal permettant d'apporter au moins autant de bien-être à la population (c'est un niveau de bien-être possible qui est transmis sous la forme de ressources, et non un niveau de bien-être déjà réalisé). Le progrès technique peut permettre à l'Homme de diminuer son besoin de capital naturel en fournissant un ensemble de "techniques de remplacement".
La courbe environnementale est le résultat d'études empiriques qui tendraient à confirmer cette vision de la soutenabilité. Cette courbe en cloche montre que la croissance économique entraîne :
- Dans un premier temps une dégradation de l'environnement (pollution, érosion de la biodiversité, surexploitation des ressources).
- Dans un second temps une amélioration de l'environnement grâce aux ressources dégagées qui permettent le développement de technologies moins coûteuses en matières premières et plus écologiques (énergies solaires, appareils à faible consommation).
Enfin l'attention accrue de la population et des pouvoirs publics constitueraient un autre facteur, tout comme la tertiarisation de l'économie, qui participerait à ce phénomène d'amélioration.
La soutenabilité forte et le "capital naturel critique"
Selon l'hypothèse de la soutenabilité forte, les différents types de capitaux ne sont pas substituables, mais complémentaires. On ne peut donc pas remplacer l'un par l'autre. En conséquence, les générations présentes ne doivent pas amoindrir les stocks de capitaux si elles veulent léguer aux générations futures un stock de capital naturel qui ne soit pas inférieur au stock présent. La soutenabilité est alors appréhendée comme la non-décroissance du capital naturel.
Cette définition de la soutenabilité aboutit à préconiser une limitation de l'extension du capital "artificiel" (mouvement de décroissance), car on ne peut augmenter son stock sans détruire des ressources naturelles. La croissance épuise les stocks de capital non-renouvelable, mais aussi les stocks de capital renouvelable lorsque le taux de prélèvement est supérieur au taux de régénération (surpêche ou épuisement des sols agricoles, par exemple). Cela conduit certains économistes à parler de capital naturel critique pour désigner le capital naturel menacé de disparition irréversible et dont la perte aurait des conséquences de long terme sur l'économie et le développement.
De nombreux économistes et hommes politiques cherchent à trouver une alternative qui permettrait de concilier la croissance économique et la préservation de l'environnement. Ils mettent en avant :
- La nécessité de déterminer d'une part le capital naturel critique
- Le besoin d'autre part de substituer les autres formes de capital au capital naturel non critique
Cependant cette approche reste encore difficile à mettre en œuvre car il reste à élaborer des indicateurs, en choisir les critères et mesurer ces seuils.
Les politiques climatiques : un exemple de politique de développement durable
Le réchauffement climatique et la question des biens communs
Du point de vue économique, le climat présente les caractéristiques d'un bien commun et les producteurs (usines) qui émettent des gaz à effet de serre dérèglent le climat et contribuent au réchauffement climatique dont tous les individus vont pâtir. Les émissions de gaz à effet de serre peuvent également être analysées comme une externalité négative économique. La pollution a un coût social supérieur au coût privé, car toute la collectivité subit les conséquences de la pollution, et pas seulement celui qui la produit.
Le caractère de bien commun et la présence d'externalités négatives constituent des défaillances de marché rendant nécessaire l'intervention des pouvoirs publics.
Bien commun
Un bien commun est un bien non exclusif mais rival, c'est-à-dire un bien dont on ne peut exclure personne de sa consommation mais dont l'utilisation par un individu est coûteuse ou réduit l'utilisation du bien par d'autres individus.
Les outils de la politique climatique
Les pouvoirs publics ont à leur disposition plusieurs moyens d'intervention qui sont complémentaires (réglementation, taxation, instauration d'un marché de quotas d'émissions). Le choix de l'une ou l'autre de ces actions dépend de plusieurs facteurs, par exemple leur coût, ou encore la volonté de l'État d'obtenir un certain niveau de réduction des externalités.
La règlementation
L'État peut lutter tout d'abord contre les effets négatifs des externalités productives en obligeant ou en interdisant certaines pratiques par le biais des réglementations ou de normes environnementales. Elles peuvent prendre différentes formes :
- Le niveau maximal de pollution ou de prélèvement de ressources qu'une usine peut émettre. Par exemple, l'interdiction des véhicules les plus polluants.
- L'obligation d'adopter une technologie moins polluante. Par exemple, l'utilisation de biocarburant, l'interdiction de certains pesticides, les rejets toxiques dans l'eau ou l'air.
- La mesure de qualité environnementale de production. Par exemple, l'obligation de produire une eau répondant à certaines normes de santé.
L'avantage de la réglementation est qu'elle permet d'obtenir une réduction stricte des émissions indépendamment de la réaction des entreprises.
Les instruments réglementaires présentent toutefois des limites. Les informations sur le niveau de pollution de chaque entreprise sont majoritairement communiquées par les pollueurs eux-mêmes (asymétrie d'information) et le contrôle du respect des normes est un procédé long et coûteux. Enfin, les normes ont un effet incitatif faible car elles permettent aux entreprises polluantes d'atteindre le niveau maximal de pollution autorisée, sans chercher à réduire leur pollution.
La taxation
La taxation
La taxation est un instrument économique consistant à faire payer aux producteurs leurs activités sources d'externalités négatives, au profit de la collectivité. Elle vise à faire internaliser aux producteurs le coût social de leurs activités.
Dans son ouvrage "Economics of Welfare" publié en 1920, l'économiste Arthur Cecil Pigou propose l'établissement par les pouvoirs publics de taxes imputables au pollueur pour diminuer les effets des externalités négatives. Ces taxes constituent pour le pollueur un coût supplémentaire qui modifie son calcul de production optimale et l'incite à diminuer les effets négatifs de sa production pour la communauté. On parle d'internalisation des externalités par le producteur car la taxe s'ajoute au coût privé de la production polluante et réduit l'écart entre le coût social et le coût privé. Ainsi, dans le cas de la taxe, tous les producteurs ont intérêt à réduire leur pollution (ou "dépolluer"), tant que les coûts de dépollution sont inférieurs au prix de la taxe.
Enfin, pour l'État, l'un des avantages de l'utilisation de la taxe est qu'elle permet d'obtenir de nouvelles ressources fiscales. Les pouvoirs publics peuvent l'affecter à la réparation, au moins partielle, des dommages causés. La taxe doit toutefois s'établir à un niveau adéquat : si elle est trop faible elle ne permet pas de réduire suffisamment la pollution, si elle est trop forte elle menace le développement des entreprises et réduit la croissance.
Le marché des quotas d'émission
Le marché des quotas d'émission
Le marché de quotas d'émission est un lieu où s'échangent les droits à produire des externalités négatives. Ceux-ci se négocient à des prix fixés par la confrontation de l'offre et de la demande.
Dans son ouvrage The Problem of Social Cost publié en 1960, l'économiste Ronald Coase montre que la redéfinition des droits de propriété privée peut se substituer avantageusement à la taxe afin de limiter la production d'externalités négatives. Il propose de créer un marché où des droits d'émission d'externalité négative comme la pollution puissent être échangés, afin que la confrontation de l'offre et de la demande aboutisse à faire payer les pollueurs le montant qu'ils gagnent en polluant. Dans une optique très libérale, les mécanismes de l'offre et de la demande sont alors censés optimiser le processus d'allocation des ressources entre les entreprises.
Cette théorie économique a vu sa réalisation avec le Protocole de Kyoto de 1997 et la mise en place de marchés de quotas d'émission de gaz à effet de serre comme le SCEQE (Système communautaire d'échange de quotas d'émission) européen.
Comme la taxe, mais, sans contraindre directement les entreprises, le marché de quotas d'émission doit aboutir à un coût suffisamment élevé pour conserver son caractère incitatif.