Le fait religieux
Une religion est un système solidaire de croyances et de pratiques relatives à des choses sacrées, c'est-à-dire séparées, interdites, croyances et pratiques qui unissent en une même communauté morale, appelée Église, tous ceux qui y adhèrent.
Émile Durkheim
Les Formes élémentaires de la vie religieuse : le système totémique en Australie, Paris, éd. PUF
1912
Durkheim insiste ici sur la division du monde entre les réalités sacrées et les réalités profanes. Pour lui, cette distinction constitue le dénominateur commun de toutes les religions.
Nous ne rencontrons pas, dans l'histoire, de religion sans Église. Une religion est un système solidaire de croyances et de pratiques relatives à des choses sacrées qui unissent en une même communauté morale tous ceux qui y adhèrent.
Émile Durkheim
Les Formes élémentaires de la vie religieuse : le système totémique en Australie, Paris, éd. PUF
1912
Pour Durkheim, une religion est celle d'une communauté qui y adhère. Ce n'est pas un simple système de pensées. De plus, il n'y a pas non plus de religion au sens sociologique du terme sans pratiques religieuses, c'est-à-dire sans rituels. Au point de vue sociologique, la religion est donc un ensemble de pratiques et de rites caractérisant solidairement une communauté qui y adhère.
La religion est une réaction défensive de la nature contre la représentation, par l'intelligence, de l'inévitabilité de la mort.
Henri Bergson
Les Deux Sources de la morale et de la religion, Paris, éd. Félix Alcan
1932
Pour Bergson, la religion est un moyen pour l'homme d'échapper à l'angoisse de la mort. En croyant en Dieu et en l'immortalité de l'âme, l'homme croit en la vie après la mort : il est donc rassuré.
La raison et la croyance
Un credo religieux diffère d'une théorie scientifique en ce qu'il prétend exprimer la vérité éternelle et absolument certaine, tandis que la science garde un caractère provisoire : elle s'attend à ce que des modifications de ses théories actuelles deviennent tôt ou tard nécessaires, et se rend compte que sa méthode est logiquement incapable d'arriver à une démonstration complète et définitive.
Bertrand Russell
Science et Religion, (Religion and Science), trad. Philippe-Roger Mantoux, Paris, éd. Gallimard, coll. "Folio essais" (1990)
1935
La vérité religieuse, révélée une fois pour toutes, doit être tenue pour absolument vraie, c'est-à-dire vraie en tout temps et en tout lieu. À l'inverse, la science sait qu'elle ne peut prétendre à un savoir exact, ni à une connaissance achevée du monde. La foi s'oppose au savoir, car elle entend délivrer des vérités éternelles, alors que la science sait que ses connaissances possèdent un caractère provisoire.
Les dieux sont nos métaphores, et nos métaphores sont nos pensées.
Alain
Propos sur la religion, Paris, éd. PUF, 4e édition (1969)
1921
Alain expose ici l'idée selon laquelle les religions ne seraient que l'expression métaphorique de ce que la philosophie exprime sous forme de concepts. Il s'agirait dans la religion comme dans la philosophie des mêmes vérités, simplement exprimées sous des formes différentes.
Examinons donc ce point, et disons Dieu est, ou il est pas... Que gagerez-vous ?... Il faut parier cela n'est pas volontaire, vous êtes embarqué... Pesons le gain et la perte en prenant croix, que Dieu est. […] Vous avez deux choses à perdre : le vrai et le bien, et deux choses à engager : votre raison et votre volonté, votre connaissance et votre béatitude ; et votre nature a deux choses à fuir : l'erreur et la misère. Votre raison n'est pas plus blessée, en choisissant l'un que l'autre, puisqu'il faut nécessairement choisir. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude ? Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu'il est, sans hésiter.
Blaise Pascal
Pensées, publié dans Revue des deux Mondes
1669
Dans ce texte, Pascal ne parle pas de la "croix" au sens chrétien. "Croix" et "pile" dénotent les deux possibilités du jeu de hasard, nous dirions à "pile" ou "face".
Pascal développe plusieurs cas de figure concernant l'existence de Dieu et la croyance en Dieu :
- Si Dieu n'existe pas, le croyant après sa mort ne le saura pas.
- Si Dieu n'existe pas, le non-croyant après sa mort ne perd rien.
- Si Dieu existe, le croyant connaîtra le bonheur infini après sa mort.
- Par contre, si Dieu existe, le non-croyant après sa mort perd tout.
Ainsi, pour Pascal, croire en Dieu est plus avantageux.
L'histoire de Job
L'histoire de Job est racontée dans la Bible. Job est un homme bon et pieux, un serviteur loyal de Dieu. Ce dernier le montre en exemple à Satan, qui lui propose de mettre Job à l'épreuve. En effet, Satan pense que si Job est bon, c'est uniquement car Dieu le récompense. Il avance que si Dieu cesse ses faveurs à l'encontre de Job, ce dernier perdra la foi.
Dieu accepte de mettre Job à l'épreuve à une condition : que son corps ne soit pas touché. Satan fait alors perdre son troupeau à Job, puis tue ses enfants, et enfin le fait souffrir de la lèpre. Mais Job continue de croire en Dieu. Trois de ses amis arrivent, Elifaz, Bildad et Sofar. Ils assurent à Job que s'il souffre, c'est qu'il a péché. Job se révolte, il affirme qu'il est innocent. En clamant qu'il n'a pas mérité de souffrir, Job laisse entendre que Dieu est injuste avec lui.
Un jeune homme, Elihu, s'indigne contre Job, car en se dédouanant, il accuse Dieu. Ensuite, il condamne les trois amis de Job, qui ne défendent pas Dieu. Dieu apparaît alors, et Job comprend son erreur. Il accepte la toute-puissance divine et sa condition de créature humaine. Dieu réprimande les amis de Job, restaure Job dans tous ses biens, l'histoire se termine donc bien. Toutefois, l'énigme du mal, c'est-à-dire pourquoi Job s'est détourné un instant de Dieu, demeure sans réponse.
Cette histoire illustre qu'il ne faut jamais douter de Dieu et de ses actions. L'Homme ne peut jamais comprendre les voies divines qui sont impénétrables. La foi doit pouvoir prévaloir sur le doute. C'est ce que croient les chrétiens, mais aussi les Juifs et les musulmans. Les trois religions monothéistes partagent en effet l'histoire de Job. Dieu éprouve la foi des hommes, mais l'Homme croyant ne doit pas douter de Dieu.
L'universalité de la religion
Les idées religieuses qui professent d'être des dogmes, ne sont le résidu de l'expérience ou le résultat final de la réflexion : elles sont des illusions, la réalisation des désirs les plus anciens, les plus forts, les plus pressants de l'humanité ; le secret de leur force est la force de ces désirs.
Sigmund Freud
L'Avenir d'une illusion, (Die Zukunft einer Illusion), trad. Anne Balseinte, Jean-Gilbert Delarbre, Daniel Hartmann, Paris, éd. PUF, coll. "Quadrige Grands textes", 6e éd. (2004)
1927
Contrairement à l'idée selon laquelle les dogmes religieux exprimeraient une forme de sagesse pratique, le résultat de l'expérience ou de la réflexion, Freud affirme ici qu'il s'agit d'illusions. Plus précisément, ces dogmes religieux, traductions de désirs enracinés dans la nature de l'Homme, tiennent justement leur force de la force des désirs dont ils sont issus.
La religion est la théorie universelle de ce monde, sa somme encyclopédique, sa logique sous forme populaire, son point d'honneur spiritualiste, son enthousiasme, sa sanction morale, son complément solennel, le fondement universel de sa consolation et de sa justification.
Karl Marx
Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel, trad. Jules Molitor, éd. Allia, coll. "Petite Collection" (1998)
1843
Marx dénonce ici le fait que la religion prétend délivrer l'Homme de la sensation de souffrance, en lui donnant l'espoir d'une vie meilleure après la mort. En justifiant ainsi l'existence du monde tel qu'il est, elle maintient en réalité l'Homme dans l'inaction et l'empêche ainsi de se révolter contre une situation inacceptable. Elle sert de "bonheur illusoire du peuple" afin de consoler de la misère réelle les hommes.