Sommaire
IL'immatérialisme de BerkeleyIILes liens de l'âme et du corps chez DescartesIIIL'esprit matériel, La MettrieIVL'impossibilité de réduire la vie consciente à l'activité du cerveauVLe rejet des notions de matière et d'espritL'immatérialisme de Berkeley
Exister, c'est être perçu.
George Berkeley
Principes de la connaissance humaine, (A Treatise Concerning the Principles of Human Knowledge), trad. Charles Renouvier, texte établi par André Lalande et Georges Beaulavon, Paris, éd. Armand Colin (1920)
1710
Si l'on parle d'immatérialisme à propos de la philosophie de Berkeley, c'est parce qu'il affirme que les réalités du monde n'existent que dans l'esprit de celui qui les perçoit. Cela signifie donc que le monde n'existe qu'à travers notre esprit : nous ne pouvons affirmer qu'il existe indépendamment de ce que nous en percevons.
Je vois cette cerise, je la touche, je la goûte, je suis sûr que le néant ne peut être vu, touché ou goûté : la cerise est donc réelle. […] Quand je vois, touche et goûte de ces diverses manières, je suis sûr que la cerise existe, qu'elle est réelle : car, à mon avis, sa réalité n'est rien si on l'abstrait de ces sensations. Mais si par le mot cerise vous entendez une nature inconnue, distincte, quelque chose de distinct de la perception qu'on en a, alors certes, je le déclare, ni vous, ni moi, ni aucun homme, nous ne pouvons être sûrs de son existence.
George Berkeley
Trois dialogues entre Hylas et Philonous, trad. Geneviève Brykman, Roselyne Dégremont, Paris, Flammarion, GF (n° 990) (1998)
1713
Cet exemple de la cerise permet à Berkeley d'illustrer sa thèse. Ce qu'il montre ici, c'est que la cerise n'a pas d'existence en dehors des perceptions que nous en avons. Plus précisément, il s'agit de montrer que la cerise comme objet ayant ces diverses qualités que nous percevons n'existe que pour l'esprit qui assemble ces qualités pour en faire un objet, une cerise. En dehors de cette perception de l'esprit, il est impossible d'affirmer l'existence de l'objet, dans ce cas de la cerise.
Les liens de l'âme et du corps chez Descartes
L'âme de l'homme est réellement distincte du corps, et toutefois elle lui est si étroitement conjointe et unie qu'elle ne compose que comme une même chose avec lui.
René Descartes
Méditations métaphysiques, dans Œuvres de Descartes, texte établi par Victor Cousin, éd. Levrault (1824)
1641
Si l'on désire rendre compte de ce qu'est l'homme, il est nécessaire de recourir à deux principes explicatifs : l'étendue et la pensée, ou le corps et l'âme. Néanmoins, cette distinction de deux substances en l'homme ne permet pas de rendre compte de l'expérience vécue par un homme. En tant qu'il est vivant, l'homme ne se vit pas sur le mode de la séparation des substances mais sur celui de l'union. Autrement dit, l'homme se vit toujours sur le mode de l'union d'une âme et d'un corps.
Je ne suis pas seulement logé dans mon corps, ainsi qu'un pilote dans son navire, mais […] je lui suis conjoint très étroitement et tellement confondu et mêlé, que je compose comme un seul tout avec lui.
René Descartes
Méditations métaphysiques, dans Œuvres de Descartes, texte établi par Victor Cousin, éd. Levrault (1824)
1641
Dans cette citation, Descartes souligne que ce qui fait la spécificité de l'homme par rapport aux autres êtres vivants est qu'il possède un corps et une âme joints ensemble. Cette union de deux substances est à comprendre au sens fort : l'homme n'a pas seulement un corps, il est un corps joint à une âme.
L'esprit matériel, La Mettrie
Je crois la pensée si peu incompatible avec la matière organisée qu'elle semble en être une propriété.
Julien Offray de La Mettrie
L'Homme Machine, Paris, éd. Mille et une nuits (1999)
1748
Cette citation illustre tout à fait le matérialiste de La Mettrie. Pour lui, l'esprit de l'homme n'est autre chose que de la matière, c'est-à-dire une partie du corps. L'esprit, ou l'âme, n'est donc que la partie la plus complexe de la matière, ce qui a pour conséquence que cette partie du corps meurt elle aussi.
L'impossibilité de réduire la vie consciente à l'activité du cerveau
Ainsi, la conscience est incontestablement accrochée à un cerveau, mais il ne résulte nullement de là que le cerveau dessine tout le détail de la conscience, ni que la conscience est une fonction du cerveau. Tout ce que l'observation, l'expérience, et par conséquent la science nous permettent d'affirmer, c'est l'existence d'une certaine relation entre le cerveau et la conscience.
Henri Bergson
L'Énergie spirituelle. Essais et conférences, Paris, éd. Félix Alcan
1919
Ici, Bergson souligne que s'il est indéniable qu'il existe des liens entre le fonctionnement du cerveau et la vie de la conscience, la nature de ces liens nous demeure inconnue. Il est donc impossible de réduire l'ensemble de la vie consciente au fonctionnement du cerveau.
Le rejet des notions de matière et d'esprit
Le touriste à Oxford
Ryle est un philosophe et professeur de philosophie à Oxford. Dans The Concept of Mind, écrit en 1949, il affirme que l'homme ne pense pas dans son esprit d'une façon qui serait complètement déconnectée du corps. Il tend à montrer que l'approche qu'ont les philosophes de la relation entre corps et esprit a quelque chose d'absurde. Il réfute l'idée selon laquelle il est possible de distinguer l'aspect mental de l'aspect corporel de l'homme. En cherchant ainsi l'aspect mental de ce dernier, ses pensées, ses émotions, Ryle dit avec humour qu'on cherche à trouver "le fantôme dans la machine".
Ryle imagine ainsi un touriste qui visite Oxford. On lui a montré les bibliothèques, les collèges universitaires, les laboratoires, les jardins et, à la fin de la visite, il demande : "Mais où donc est l'université ?"
Pour Ryle, de la même façon que l'université d'Oxford n'est pas distincte des bâtiments qui la constituent, l'esprit n'est pas distinct du corps et de ses réactions. Le comportement du corps est lié à l'esprit humain. Pour Ryle, on ne doit pas dissocier l'acte mental du geste mécanique qui suit. Les notions de matière et d'esprit ne sont donc pas pertinentes.