L'atomisme épicurien
Épicure
Épicure
Lettre à Hérodote
IIIe siècle av. J.-C.
Épicure
Lettre à Pythoclès
IIIe siècle av. J.-C.
Lucrèce
De la nature des choses
Ier siècle av. J.-C.
L'atomisme épicurien explique l'ensemble des phénomènes existant par la matière. L'étude et la connaissance du monde doivent être une connaissance de la matière. Cette idée implique d'une part que l'âme, tenue le plus souvent pour une réalité immatérielle, serait en réalité une qualité spécifique de la matière, et, d'autre part, que le monde a une existence indépendante et objective. Plus précisément, les épicuriens expliquent l'existence du monde en ayant recours à deux principes : les atomes et le vide. Le monde se compose d'assemblages d'atomes, qui s'inscrivent dans du vide. Ainsi, la matière ne disparaît jamais complètement : lorsqu'un corps meurt, ses atomes se désagrègent, se dispersent, puis participent à de nouveaux assemblages, créant de nouveaux corps.
L'âme, qui est un principe de vie et de sensibilité animale, tout comme l'esprit, qui est l'intelligence propre à l'homme, ont ceci de spécifique qu'ils sont tous les deux composés d'atomes très fins. L'esprit est donc matériel et meurt en même temps que le corps : l'âme n'est donc pas immortelle pour les épicuriens.
L'immatérialisme
Berkeley
Berkeley
Principes de la connaissance humaine
1710
Pour Berkeley, il n'y a aucune réalité matérielle en dehors des perceptions et idées humaines. On appelle sa doctrine "l'immatérialisme". Berkeley nie que les choses existent en dehors de l'idée que l'homme s'en fait. Le terme "idée" est à prendre ici comme la chose lorsqu'elle est perçue ou imaginée par l'homme. Pour Berkeley, tout est donc chose ou idée, de façon indifférente, puisqu'une chose n'existe pas sans être pensée.
Cette théorie suppose qu'il n'y a pas de perception trompeuse. En effet, si la réalité n'existe pas en dehors de la perception humaine, alors l'homme ne peut pas se tromper lorsqu'il décrit le monde par ses sens.
Ainsi, pour Berkeley, le monde réel est constitué uniquement de phénomènes, mais pas de choses matérielles. Le monde est fait d'esprits qui perçoivent ce qui les entoure. Ainsi, pour ce philosophe, l'existence d'une chose ou d'un être dépend de la perception que les autres ont de lui, ou de la perception qu'il exerce sur les autres. L'homme est certain qu'il existe. Il n'y a plus de place pour la position sceptique, puisque la perception est une expérience immédiate que l'homme peut faire à tout moment.
Être, c'est être perçu ou percevoir.
George Berkeley
Principes de la connaissance humaine, (A Treatise Concerning the Principles of Human Knowledge), trad. Charles Renouvier, texte établi par André Lalande et Georges Beaulavon, Paris, éd. Armand Colin (1920)
1710
Pour Berkeley, l'homme est uniquement s'il est vu par les autres, ou s'il voit lui-même. Cela suppose que les autres le pensent, et qu'il pense le monde autour de lui.
Hylémorphisme
Aristote
Aristote
Physique
IVe siècle av. J.-C.
Aristote
Métaphysique
IVe siècle av. J.-C.
Dans sa recherche des principes qui gouvernent le réel, Aristote adopte une démarche empiriste : il part de ce que lui apprend l'expérience. C'est ainsi qu'il formule les deux principes qui permettent de comprendre le monde : la matière et la forme. Pour Aristote, toute réalité existante est un composé de matière et de forme : on appelle cette doctrine l'hylémorphisme. La matière constitue le support indéterminé à partir duquel tous les individus sont constitués, tandis que la forme constitue le principe qui organise la matière pour en faire un objet ou un individu déterminé. On dit que la forme informe la matière,
mais si ces principes sont distingués dans l'ordre de la connaissance, Aristote souligne qu'il est impossible de les séparer dans l'expérience. Lorsque l'on perçoit une réalité, celle-ci est toujours une matière informée. Cela a pour conséquence le fait qu'il n'existe pas d'expérience de la matière pure : toute matière donnée dans l'expérience est une matière mise en forme.
Si l'on prend une statue de Zeus, on peut distinguer :
- Le bloc de marbre, qui n'a pas de forme déterminée, et qui constitue le support, la matière.
- L'ensemble des caractères et déterminations qui font de ce bloc de marbre une image du dieu Zeus, donc la forme.
Le dualisme de l'âme et du corps
Descartes
Descartes
Méditations métaphysiques
1641
Descartes
Les Principes de la philosophie
1644
Pour le philosophe Descartes, l'âme et le corps constituent deux réalités radicalement distinctes :
- L'âme est une substance pensante : siège de la pensée, c'est une réalité immatérielle qui survit à la mort du corps.
- Le corps est une substance étendue : réalité purement matérielle, le corps occupe de l'espace et s'explique grâce aux lois de la mécanique.
Selon Descartes, seul l'homme possède une âme : il est donc le seul être vivant à être constitué de l'union d'une âme et d'un corps. Ceci implique, concernant l'étude et la connaissance du corps, qu'il faut appliquer à l'homme comme à toutes les autres réalités matérielles les lois de la mécanique. Néanmoins, Descartes insiste sur le fait qu'au cours de sa vie, l'homme ne fait pas l'expérience de la dualité, mais celle de l'union en lui d'une âme et d'un corps. Ainsi, l'homme vivant est une âme unie étroitement à un corps.
Je ne suis pas seulement logé dans mon corps, ainsi qu'un pilote en son navire, mais, outre cela, [...] je lui suis conjoint très étroitement et tellement confondu et mêlé, que je compose comme un seul tout avec lui.
René Descartes
Méditations métaphysiques, dans Œuvres de Descartes, texte établi par Victor Cousin, éd. Levrault (1824)
1641
Dans cette citation, Descartes insiste sur le fait que l'âme n'est pas dans le corps comme le pilote sur son navire : l'âme n'est pas seulement le principe qui commande à une chose qui lui serait extérieure, le corps. Au contraire, l'âme et le corps sont intimement liés, si bien qu'il est impossible, dans l'homme vivant, de les séparer. Cela implique que si l'âme peut mouvoir le corps, le corps a lui aussi des effets sur l'âme.
La conscience et le cerveau
Bergson
Bergson
Matière et mémoire
1896
Bergson
L'Énergie spirituelle
1919
Très au fait des avancées scientifiques dans le domaine de la connaissance du cerveau, Bergson s'est intéressé aux liens qu'entretiennent le phénomène de la conscience et le fonctionnement du cerveau. Ainsi remarque-t-il qu'en dépit d'avancées certaines dans la connaissance des mécanismes neurologiques, il reste impossible d'identifier la vie consciente, l'expérience vécue d'un individu, au fonctionnement du cerveau. Bergson souligne donc que s'il est impossible de nier que la vie du corps est liée à celle de la conscience, on ne peut soutenir que "le cérébral est l'équivalent du mental". La seule chose que l'on peut affirmer est qu'il existe un lien de solidarité entre ces deux réalités : les modalités de ce lien demeurent inconnues.
Ainsi, la conscience est incontestablement accrochée à un cerveau mais il ne résulte nullement de là que le cerveau dessine tout le détail de la conscience, ni que la conscience est une fonction du cerveau. Tout ce que l'observation, l'expérience, et par conséquent la science nous permettent d'affirmer, c'est l'existence d'une certaine relation entre le cerveau et la conscience.
Henri Bergson
L'Énergie spirituelle. Essais et conférences, Paris, éd. Félix Alcan
1919
Dans cette citation, Bergson souligne que la seule chose que l'on peut exprimer avec certitude des rapports entre le cerveau et la conscience est qu'il existe un lien de solidarité entre leur fonctionnement.
Le monisme
Spinoza
Spinoza
Éthique
1677
Le monisme est une conception métaphysique. Le monisme consiste à croire que tout ce qui existe est un tout unique, qui n'est fait que d'une substance.
Spinoza est un philosophe dont le monisme est très célèbre. Il pose que Dieu est la Nature. Le monde est la Nature, le monde est donc Dieu. Ainsi, le monde est un et unique. La Nature est constituée d'une infinité d'attributs. L'homme n'en connaît que deux : la Pensée et l'Étendue. Cette théorie permet à Spinoza d'affirmer que l'âme et le corps ne font qu'un.
Substance pensante et substance étendue, c'est une seule et même substance comprise tantôt sous un attribut, tantôt sous l'autre.
Spinoza
Éthique, (Ethica), trad. Bernard Pautrat, Paris, éd. Seuil, coll. "Points" (2010)
1677
Spinoza pense que tout ne fait qu'un, que toutes les substances n'en font qu'une, unie et totale.
L'harmonie du corps et de l'âme
Leibniz
Leibniz
Monadologie
1714
Pour Leibniz, en créant le corps et l'âme, Dieu les a "réglés au même rythme". En effet, il y a une harmonie préétablie entre les deux. Le corps est une substance qui est dotée d'une âme. Cette âme lui permet d'agir et de percevoir. Le corps et l'âme ne forment pas une seule substance, c'est l'âme qui est la seule réalité substantielle. L'âme exprime le corps. Dieu a donc pensé l'âme et le corps comme séparés, mais étant intimement liés, et fonctionnant ensemble avec harmonie. Tout est parfaitement réglé, et bien réglé, en fonction du "principe du meilleur" qui affirme que le monde est le meilleur possible.
Les âmes sont des unités et les corps sont des multitudes, mais infinies, tellement que le moindre grain de poussière contient un monde d'une infinité de créatures.
Leibniz
Monadologie, Paris, LGF, coll. "Classiques Philo", n° 4606 (1991)
1720
Pour Leibniz, l'âme et le corps conservent leurs attributs respectifs, mais le corps est tellement divisé et complexe qu'il n'entre pas en opposition avec l'âme et, en quelque sorte, se fond en elle, qui est une
Le corps propre
Merleau-Ponty
Merleau-Ponty
Phénoménologie de la perception
1945
Pour Merleau-Ponty, le corps n'est pas seulement le "corps-objet" tel que le biologiste l'étudie. Le corps n'est pas simplement objectif. Le corps, par son comportement, par sa perception, permet à l'homme d'agir. C'est le centre de l'existence de l'homme. Le philosophe voit ce corps comme "puissance à la fois d'agir et de percevoir et comme moyen pour le sujet d'insertion dans le monde." C'est le corps propre, qu'on appelle aussi corps-sujet, et qui s'oppose au corps-objet. Le corps devient alors le "véhicule de l'être au monde".
Mon corps n'est pas seulement un objet parmi les objets... il est un objet sensible parmi les autres qui résonne pour les sons, vibre pour toutes les couleurs...
Maurice Merleau-Ponty
Phénoménologie de la perception, Paris, éd. Gallimard, coll. "Tel" (2005)
1945
Merleau-Ponty détaille ici le caractère sensible du corps humain et sa relation au monde qui l'entoure.