Sommaire
ILa différence entre la nature et la cultureALoi de la nature et règles socialesBLa différence entre l'homme et l'animalCLe mélange du naturel et du culturelIILa nature de l'hommeAL'homme à l'état originelBLes enfants sauvagesCL'homme comme être en devenirIIILa diversité des culturesLa différence entre la nature et la culture
Loi de la nature et règles sociales
La nature, c'est tout ce qui est en nous par hérédité biologique ; la culture, c'est au contraire tout ce que nous tenons de la tradition externe.
Claude Lévi-Strauss
Entretien avec Lévi-Strauss, Paris, éd. UGE, coll. « 10/18 »
1961
Il est possible, avec Lévi-Strauss, de mettre en évidence la distinction entre ce que l'homme reçoit de la nature et ce qu'il reçoit de la culture. Dans cette citation, l'auteur met ainsi en évidence la différence entre l'héritage biologique, qui se fait indépendamment de l'homme, et l'héritage culturel, qui suppose une activité d'apprentissage. Aussi peut-on distinguer les lois de la nature des règles sociales et culturelles : les premières ne sont pas apprises, tandis que les secondes sont liées à la pratique et reposent sur l'obéissance aux norme du fonctionnement social et culturel.
La différence entre l'homme et l'animal
Le mot « culture » dérive de colere - cultiver, demeurer, prendre soin, entretenir, préserver - et renvoie principalement au commerce de l'homme avec la nature, au sens de culture et d'entretien de la nature en vue de la rendre propre à l'habitation humaine.
Hannah Arendt
La Crise de la culture, (Between Past and Future), trad. Patrick Lévy, Paris, éd. Gallimard, coll. « Folio » (1972)
1961
La culture apparaît comme ce qui différencie l'homme de l'animal. Ainsi, comme le montre Arendt dans cette citation, l'homme est l'être vivant qui entreprend un travail de transformation de la nature en vue de la rendre propre à l'habitation. À l'inverse, l'animal s'adapte à son milieu sans le transformer. En ce sens, la culture apparaît comme ce qui fait sortir l'homme de l'animalité.
Le mélange du naturel et du culturel
Il est impossible de superposer chez l'homme une première couche de comportements que l'on appellerait « naturels » et un monde culturel ou spirituel fabriqué. Tout est fabriqué et tout est naturel chez l'homme, comme on voudra dire.
Maurice Merleau-Ponty
Phénoménologie de la perception, Paris, éd. Gallimard, coll. « Tel » (2005)
1945
Si certains caractères permettent de distinguer l'homme de l'animal, il n'est pas sûr que cette distinction puisse être comprise comme une opposition entre nature et culture. C'est ce que met en évidence Merleau-Ponty dans cette citation : pour lui, les sentiments comme les comportements qui paraissent les plus naturels ont en réalité le même niveau d'artificialité que les mots du langage choisis pour désigner des objets. L'intrication du naturel et du culturel en l'homme est indémêlable : l'homme est un mélange de nature et de culture. Il n'y a donc pas de sens à séparer ce qui, en l'homme, relèverait de l'une ou de l'autre de ces catégories.
La nature de l'homme
L'homme à l'état originel
La statue de Glaucus
Dans le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, Rousseau utilise le cas de la statue du dieu Glaucus pour montrer que la nature originelle de l'homme est méconnaissable. Cette statue, complètement transformée par l'effet, sur elle, de la mer, des orages, et plus généralement du temps, ne ressemble plus du tout à un dieu mais davantage à une bête féroce. Aussi, il est impossible pour celui qui la voit ainsi de savoir à quoi elle ressemblait au départ.
Comme pour la statue du dieu Glaucus, il est impossible, selon Rousseau, de savoir ce qu'était l'homme avant d'être tel que nous le connaissons. Autrement dit, savoir ce qu'était l'état naturel de l'humanité, avant l'apparition et développement de la culture et de la vie en société, est impossible.
Les enfants sauvages
Les cas d'enfants sauvages
Un enfant sauvage est un enfant qui a été, pendant un temps prolongé, soustrait au contact des autres hommes ou de la culture humaine. Abandonné dans la nature le plus souvent pour des raisons économiques, celui-ci a pourtant réussi à survivre. C'est un phénomène qui a notamment fasciné le XVIIIe siècle. Le cas le plus célèbre d'enfant sauvage est probablement celui de Victor de l'Aveyron, dont l'histoire est racontée dans le film de François Truffaut, L'Enfant sauvage.
Ce que permet de penser ce cas d'enfant sauvage, c'est que l'acquisition de ce qui constitue la culture n'est pas inné : être humain, c'est-à-dire développer sa raison et ses capacités, dépend d'un « travail » de transformation de soi-même et passe largement par la transmission qui se fait au sein de la société. En effet, on constate que l'enfant sauvage ne possède pas certains comportements typiquement humains. Par exemple, il n'est pas dérangé par la puanteur, le froid et la pluie ne lui sont aucunement insupportables. En revanche, il ne supporte pas la contrainte, il est incapable de parler, et il ne passe pas le « test du miroir », c'est-à-dire qu'il n'a pas vraiment conscience de lui-même et de son identité.
Explication
Lacan appelle « stade du miroir » l'étape du développement au cours de laquelle l'enfant se reconnaît dans son image, et acquiert par là la possibilité de dire « je ».
Ce que nous montre le cas des enfants sauvages, c'est que le milieu détermine ce qu'est l'homme. Si un être humain évolue dans un milieu culturel, il deviendra un être culturel, s'il évolue dans un milieu naturel, il sera un être naturel.
L'homme comme être en devenir
L'homme, en tant qu'être rationnel, possède la faculté de se cultiver, c'est-à-dire d'améliorer ses capacités (celles du corps et celles de l'esprit). C'est donc un devoir pour l'homme, s'il veut devenir pleinement humain, de travailler à les cultiver.
Emmanuel Kant
Métaphysique des mœurs, (Die Metaphysik der Sitten), trad. Alain Renaut, Paris, Flammarion (1994)
1795
L'homme se distingue des autres êtres vivants par la possession de la raison. Mais, pour porter ses fruits, la raison doit être cultivée. C'est ce qu'explique Kant dans cette citation. L'homme n'est pas naturellement ou instinctivement cultivé : c'est par un effort sur lui-même et un dépassement de ses instincts que l'homme devient humain. En se cultivant, et donc en faisant son devoir d'être rationnel, l'homme devient, non seulement plus intelligent, mais meilleur.
La diversité des cultures
Chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage.
Michel de Montaigne
Essais, Bordeaux, éd. Simon Millanges
1580
La notion de culture se construit très souvent en opposition à ce qu'elle rejette en dehors d'elle. Ainsi, la culture s'oppose à ce qui est sauvage ou barbare. C'est ce que met en évidence Montaigne dans cette citation : la notion de barbarie permet de qualifier des pratiques qui nous sont étrangères. C'est cette distinction entre peuples civilisés et peuples barbares que recouvre la notion de civilisation. On pourrait dire que les « sauvages » n'ont ni culture ni civilisation, mais que nous appelons « barbare » la culture des autres, en nous réservant implicitement le mot « civilisation ».