Sommaire
IL'interprétation du langageAL'interprétation et le langageBL'interprétation et les problèmes de communicationCL'interprétation, l'émetteur et le destinataireIIL'interprétation de l'inconscientAL'influence de l'inconscient sur le langageBLe rêve, le langage de l'inconscient à traduireIIIL'interprétation soumise aux différences culturellesAL'interprétation "explicative" d'une cultureBDe l'approche explicative à l'interprétation "compréhensive"CL'herméneutique ou l'art d'interpréterL'interprétation du langage
Interpréter
Interpréter, c'est attribuer une signification à un signe. L'interprétation est subjective et donc sujette à l'erreur.
L'interprétation et le langage
L'interprétation touche particulièrement la linguistique, c'est-à-dire la science du langage.
En linguistique, le signe est un mot qui a plusieurs sens, il est donc sujet à l'interprétation. Cette dernière est liée à un système de représentations unissant le signifiant, le signifié et le référent.
Trois définitions sont à connaître :
- le signifiant est le moyen par lequel nous nous exprimons.
- le signifié est l'idée (image ou concept) ou la pensée, le sens lui-même, c'est-à-dire la chose dont on parle ;
- le référent est l'élément réel dont on parle, un objet, un être vivant ou une idée.
- Remarque
Par exemple, le mot latin arbor (signifiant), représente l'idée d'un arbre (signifié), et cette idée représente l'arbre réel (référent).
Prenons l'exemple d'un chat. Le référent est ce dont on parle, ici un chat, qui est un être animé. Le signifiant, le terme que l'on va utiliser pour parler de lui, peut être "chat", ou "chaton" si c'est un bébé, ou encore "chartreux" ou "siamois" en fonction de sa race. Si l'on parle anglais, on pourra dire "cat". Le signifié, c'est l'idée ou l'image qui renvoie au référent ou, dans le cas des idées « abstraites », se substitue à lui. Ici, qu'importe le terme choisi, on parle toujours du mammifère félin.
L'interprétation et les problèmes de communication
Il peut donc y avoir des problèmes de communication liés à cette interprétation.
Déjà, le rapport du signifié au signifiant est arbitraire. On choisit "librement" nos mots en communiquant, et l'interlocuteur "interprète" ce qu'il entend. Deux raisons font que l'on ne se fait pas comprendre par l'interlocuteur :
- Lorsque l'on n'arrive pas à se faire comprendre faute de mots appropriés : c'est l'"indicible". Par exemple, il est difficile d'exprimer un sentiment. Dès que l'on met en mots ce que l'on ressent, on rencontre les limites du langage. Dire que l'on aime, par exemple, ne traduit pas véritablement le sentiment d'amour, on n'arrive pas à exprimer à l'autre ce que l'on ressent.
- Lorsque l'on ne sait pas ce que l'on dit : c'est l'"inexprimable". Par exemple, si l'on n'est pas certain que l'on éprouve un sentiment d'amour plutôt que d'amitié ou qu'un simple désir, on ne pourra pas réellement exprimer ce que l'on ressent.
Par ailleurs, pour s'exprimer, on utilise un code (la langue que l'on parle) et on émet un message. L'interprétation est une traduction de ce message entendu, grâce à un code commun.
Toutefois, il peut y avoir des malentendus : tout en utilisant le même code, la même langue, on peut mal traduire le message.
Le mot "arbre" peut s'exprimer par différents signifiants en fonction des langues : tree en anglais, Baum en allemand, arbor en latin. Tous renvoient au même signifié, c'est-à-dire à la représentation de l'arbre réel. Ce dernier est le référent du signe dans son ensemble.
En linguistique, un signe à interpréter est donc un système de représentations unissant trois termes :
- signifiant
- signifié
- référent
C'est ce que John Locke appelle le triangle sémiotique.
Triangle sémiotique
Le triangle sémiotique est la propriété, pour un signe donné, de constituer un système de représentations unissant trois termes : signifiant, signifié et référent.
Triangle sémiotique de John Locke
Sur cette image, on voit le lien entre le signifiant, le signifié et le référent. Le référent est ce dont on parle, ici un chat, qui est un être animé. Le signifiant, le terme que l'on va utiliser pour parler de lui, peut être "chat", ou "chaton" si c'est un bébé, ou encore "chartreux" ou "siamois" en fonction de sa race. Si l'on parle une autre langue que le français, on pourra dire "cat" en anglais par exemple. « Le signifié, c'est ce que l'on comprend en entendant le signifiant, ce qui renvoie au référent, c'est-à-dire à la réalité ».
L'interprétation, l'émetteur et le destinataire
Communiquer revient à interpréter, pour l'émetteur comme pour le destinataire du message.
Charles Sander Peirce explique que l'émetteur et le destinataire d'un message utilisent l'interprétant : un signe qui n'apparaît pas dans le message mais qui est "sous-jacent" et traduit de manière inconsciente le signe principal. Par exemple, "Labrador" ou "chien errant" sont des interprétants du mot "chien".
De plus, chaque interprétant peut être interprété. C'est ce que l'on appelle la sémiose, c'est-à-dire la signification d'un mot en fonction de son contexte global. En reprenant le même exemple, les interprétants "labrador" ou "chien errant" suscitent eux-mêmes d'autres "interprétants". Ainsi, "chien errant" peut faire penser au "clochard" du film de Walt Disney La Belle et le Clochard, mais également à un "chien perdu" comme dans Les 101 Dalmatiens.
Si le langage est lié à notre interprétation, il faut alors prendre en compte le fait que l'inconscient humain, qui influence notre interprétation, joue donc aussi sur notre langage.
L'interprétation de l'inconscient
L'inconscient est structuré comme un langage.
Jacques Lacan
Cette citation de Lacan permet de comprendre que l'inconscient humain est considéré, en psychanalyse, comme un langage. Comme lui, il doit être interprété.
L'influence de l'inconscient sur le langage
Inconscient
L'inconscient est, en psychanalyse, la partie refoulée de la personne.
La psychanalyse permet de souligner que le langage traduit l'inconscient : interpréter la parole du patient, c'est interpréter son inconscient. En psychanalyse, on s'intéresse aux signifiants, aux mots utilisés par le patient. Toutefois, cette notion est ici élargie, puisque le langage n'est pas le seul signifiant. En effet, un dessin, un geste ou encore un son constituent aussi des signifiants qui peuvent être interprétés.
Par exemple, on peut se sentir à l'aise en se tenant les bras croisés, mais cette posture est fréquemment interprétée en psychanalyse comme la recherche inconsciente d'une forme de protection.
Pour Jacques Lacan, un mot n'est pas lié à la chose dont il parle. Il prend l'exemple de la phrase suivante : "le mot chien ne mord pas". En effet, c'est évidemment l'animal seul qui mord. Cela signifie que le signifiant et le référent ne sont pas la même chose. Le signifiant, "déconnecté" du réel, est autonome. C'est ce qu'il appelle l'autonomie du signifiant. C'est pour cela qu'en psychanalyse on cherche à comprendre un mot par lui-même, dans sa relation aux autres mots, sans nécessairement l'associer à ce à quoi il se rapporte dans la réalité
Le rêve, le langage de l'inconscient à traduire
En psychanalyse, le rêve est souvent analysé comme étant l'expression des désirs refoulés de la personne.
En effet, si l'inconscient peut s'exprimer dans le langage, il se manifeste surtout dans les rêves.
Pour Sigmund Freud, père de la psychanalyse, le rêve est un langage qu'il faut interpréter : dans le rêve, le signifiant est plus important que les "images" du rêve. Il faut analyser le contenu manifeste pour avoir accès au contenu latent.
Artémidore de Daldis est un auteur grec de la fin du IIe siècle. Il aurait interprété un rêve d'Alexandre le Grand. Ce dernier a rêvé d'un satyre dansant. À l'époque, Alexandre cherche à prendre la ville de Tyr. Artémidore n'interprète pas le rêve d'Alexandre d'après les "images du rêve", mais d'après cette information. Il traduit ainsi la phrase suivante : "Sa-Tyr" qui signifie "Tyr est à toi". Le rêve d'Alexandre exprime son désir de conquête de la ville.
L'interprétation soumise aux différences culturelles
Étudier la culture, c'est tenter d'interpréter un signe qui est enraciné dans une tradition.
L'interprétation "explicative" d'une culture
Il y a d'abord l'approche ethnologique pour interpréter et expliquer la culture.
En effet, chacun a sa langue maternelle qui structure sa pensée, et ses coutumes qui ne peuvent pas forcément être comprises dans une autre culture. L'ethnologie est la science humaine qui permet d'interpréter et expliquer les comportements humains et les règles des différentes sociétés.
Par exemple, au sein de la tribu des Mélanésiens en Australie, il y a différents clans. Le nom de chaque clan est celui d'un animal totémique qui représente un ancêtre. Un homme appartenant au clan "kangourou" ne peut pas épouser une femme née dans le même clan. Pour lui, les femmes du clan "kangourou" sont "tabou", c'est-à-dire interdites. Cette règle est propre à la culture de la tribu, et sera très différente des règles suivies par une autre culture.
Pour comprendre les signes d'autres cultures, il faut donc pouvoir faire preuve de compréhension et tenter de ne pas juger des pratiques qui paraissent étranges lorsque l'on ne peut les interpréter ou les traduire dans sa propre culture.
De l'approche explicative à l'interprétation "compréhensive"
L'éthique est la discipline philosophique qui cherche à comprendre et interpréter les différences tout en respectant certaines valeurs humaines.
Le rite de l'excision par exemple, qui paraît "naturel" aux cultures qui le pratiquent, est vu comme un acte barbare par de nombreuses autres cultures. Aujourd'hui, cet acte est d'ailleurs condamné quasiment à l'échelle mondiale et de nombreuses personnes se battent pour que la pratique cesse. Une question éthique se pose ici : parce que la pratique est dite "culturelle", doit-on l'accepter si elle cause de la souffrance aux femmes ? Peut-on comprendre et interpréter un acte que l'on estime violent et injuste ?
L'herméneutique ou l'art d'interpréter
On voit qu'interpréter a plusieurs sens : traduire, expliquer, comprendre.
On peut en venir à dire que tout est interprétation. Une doctrine se développe de plus en plus : l'herméneutique, c'est-à-dire l'art d'interpréter. Les comportements et valeurs des hommes dépendant de la manière dont ils comprennent le langage et les règles sociales, ainsi que de leurs propres traditions, il paraît évident que tout est sujet à l'interprétation et nécessite même d'être interprété pour être compris.
À partir du XIXe siècle, les philosophes reprennent l'idée que tout peut être interprété. Trois intellectuels, qui sont appelés les "maîtres du soupçon", ont fait de l'interprétation leur objet d'étude (Paul Ricoeur parle à ce sujet du « conflit des interprétations ») .
- Friedrich Nietzsche pour qui "tout est interprétation" : mais ce qui domine est la "volonté de puissance" individuelle.
- Karl Marx affirme ne pas se contenter d'interpréter la société, par son interprétation il veut la transformer par l'action. En effet, il aimerait que sa vision d'un prolétariat opprimé par les dominants permette au peuple d'agir pour transformer le monde.
- Sigmund Freud, lui, ambitionne de libérer l'inconscient en interprétant en profondeur l'individu.